A l’occasion de son exposition à l’Espace III de l’Espace Croix-Baragnon, nous sommes partis à la découverte d’une artiste peintre au multiples facettes qui a contribué au succès de la résidence d’artistes : Marie Zawieja.
D.V : Ta peinture est très inspirée de la vie de tous les jours, des cabinets d’attentes, des génériques de cinéma, des paysages pyrénéens… Pourquoi la peinture plutôt que la photographie?
M.Z : C’est vrai que les peintures présentées ainsi que les dessins entretiennent un lien très fort avec la photographie, avec les histoires de cadrage, de flou, d’inversion – les dessins Les Fleurs sont issus de notes photographiques et de documents d’archive. L’image en elle-même s’efface ensuite pour évoquer le négatif lui-même comme objet désuet et nostalgique. Dans la série A quoi tient la beauté des montagnes ?, la peinture est une mise en abîme des stéréotypes des représentations picturales de la montagne. La déraison de l’éblouissement est une suite de peintures liées à la photographie, où l’accident technique devient un motif abstrait.
D.V : Ta peinture pourrait être considérée comme « fragmentaire » dans la mesure où elle se montre comme une série où chaque élément est complémentaire des autres. Qu’est-ce que t’apporte cet aspect sériel, face par exemple à une plus grande mais unique toile qui montrerait l’ensemble? (je pense notamment ici à la série A quoi tient la beauté des montagnes?)
M.Z : L’accumulation, il me semble, donne un sens plus complet ou plus nuancé, mais il peut également s’agir d’un jeu.
D.V : Lors de ta résidence d’artiste à l’Espace Croix‐Baragnon, tu t’es tournée aussi vers l’argile, matière totalement nouvelle pour toi et différente de l’art pictural que tu as l’habitude de pratiquer. Pourquoi ce revirement?
M.Z : J’ai commencé à travailler avec l’argile au printemps, à Mende. Il s’agissait de réaliser pendant le temps de l’exposition des « plantes vertes » selon un système de découpes issu des activités manuelles que l’on donne aux enfants pour les occuper à tuer le temps et de laisser les sculptures en terre crue sécher et se casser le temps de l’exposition; les pièces étant à la fin détruites. Ici, j’ai voulu travailler avec la matière elle-même et une série de gestes que j’avais listée comme tordre, tresser, couper, filer, écraser, découper, enfoncer – chaque pièce porte les traces d’une action. Ici aussi les terres sont crues et sont accrochées au mur. Certaines d’entre elles sont présentées sur une peinture murale reprenant pour partie des dessins préparatoires; le lien avec le dessin en est donc renforcé.
D.V : Tandis que tes premières séries, inspirées de la vie commune, semblaient vivantes; la série d’argiles ainsi que Les Fleurs semblent portées sur l’aspect périssable des choses, sur l’éphémère. Pourquoi cette réflexion sur le Temps et sur le temporaire, quand bien même ton inspiration pyrénéenne se montrait plutôt comme l’intemporalité même?
M.Z : Je ne sais pas, je n’ai pas vu cet aspect là. Il me semble que les plantes comme « découpés/reposés » sont reproductibles donc intemporelles. On peut refaire les gestes, c’est assez rassurant.
D.V : Quelles sont tes inspirations picturales?
M.Z : Je n’ai pas vraiment de sources d’inspiration, il s’agit plutôt de questionner la peinture en tant que surface picturale, de travailler avec l’héritage de formes issues de l’histoire de la peinture et de la photographie documentaire, de chercher comment remettre en jeu la peinture.
D.V : Tu es exposée auprès des œuvres de DDigt. Pourquoi vos deux œuvres seraient-elles complémentaires?
M.Z : Le choix de montrer mon travail à coté de celui de DDigt revient à Françoise Lacoste et Elodie Sourrouil (conseillères artistiques pour la Galerie et l’Espace III de Croix-Baragnon), néanmoins je pense que se posent les mêmes problématiques du rapport entre image et surface du tableau, expressionnisme et neutralité, narration et décoration, circulation du spectateur dans l’espace etc.
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D.V : As-tu des projets futurs, et si oui quels sont-ils?
M.Z : Dans l’immédiat, il y a un projet d’exposition à Marseille mené par les commissaires Barbara Satre et Romain Mathieu, de la galerie Béaba. Et puis, cet été, un projet d’exposition avec Valérie Malouin, directrice du Centre d’art La Chapelle Saint-Jacques de Saint-Gaudens.
D.V : Tu dis que « le négatif devient objet nostalgique », pourtant les couleurs que tu utilises sont dans l’ensemble plutôt gaies tandis que le noir est tout à fait absent. Comment interprètes-tu cela?
M.Z : Il me semble que l’objet négatif n’est plus un objet utile mais est devenu un objet de curiosité. En cela il devient nostalgique, ce qui est différent de « triste ». Les couleurs utilisées dans la série Les Fleurs sont en rapport avec les couleurs des bouquets, mais effacées.
Nous remercions évidemment Marie Zawieja pour sa contribution, ainsi que l’Espace Croix-Baragnon pour l’accès à cette résidence d’artiste et David Mozziconacci pour les photos.
Vous pourrez donc retrouver le travail poétique de Marie Zawieja à Marseille, ou plus près cet été dans la fantastique chapelle Saint-Jacques, espace d’art contemporain à Saint-Gaudens.
Par ailleurs, l’Espace III de Croix-Baragnon s’offre à vous toute cette semaine pour exposer les œuvres des diplômés de l’ISDAT. Plus de renseignements sur le projet « aend » sur leur page Facebook.