À Toulouse, « Candide » de Leonard Bernstein est à l’affiche du Théâtre du Capitole dans la mise en scène de Francesca Zambello, sous la direction du chef américain James Lowe.
«Lyrique operetta» basée sur le conte philosophique de Voltaire, « Candide » de Leonard Bernstein est présentée à Toulouse en cette fin d’année, au Théâtre du Capitole. Cette coproduction avec l’Opéra de Bordeaux et le Glimmerglass Festival à New York est mise en scène par Francesca Zambello, directrice du Washington National Opéra. Avant le succès phénoménal de son « West Side Story », l’écriture de « Candide » a occupé Bernstein pendant 35 ans. Créé au départ comme une opérette, la première mondiale eut lieu en décembre 1956, au New York City Théâtre. Un échec transformé dix-sept ans plus tard en comédie musicale à succès par l’orchestrateur Hershy Kay avec le parolier Stephen Sondheim. Bernstein dirigera lui-même une ultime version, de nouveau révisée en 1989 – l’une de ses dernières apparitions publiques avant son décès en 1990. C’est une version ultérieure, beaucoup plus proche de l’œuvre de Voltaire que les précédentes, qui est à l’affiche du Théâtre du Capitole. Elle a été conçue en 1998, pour le Royal National Opera de Londres, avec la plupart des chansons voulues par Bernstein dans sa « révision finale », et agrémentée de quelques emprunts aux précédentes versions – notamment à Sondheim.
Surfant d’un style à l’autre, la partition alterne jazz, comédie musicale, opérette, folklore local, lyrisme, gospel, et même quelques touches de dodécaphonisme. Familier du grand répertoire – notamment à l’Opéra de Houston – et de la comédie musicale, à Broadway, James Lowe fera ses débuts dans la fosse du Capitole. Selon lui, « Candide » est un ouvrage à part, aussi à part que pouvait l’être Bernstein lui-même. D’une certaine manière, il n’est pas surprenant qu’il soit difficile de classer un homme qui était capable de diriger Mahler avec l’Orchestre philharmonique de New York, puis d’aller composer des comédies musicales pour Broadway. Si l’on m’oblige à faire des distinctions (ce que je fais rarement, et de mauvais cœur), j’aurais tendance à définir une œuvre comme un opéra ou comme une comédie musicale en fonction des forces qui sont requises pour l’interpréter. Pour moi, c’est là que se situe la vraie différence entre l’opéra et le théâtre musical. Et « Candide », étrangement, est l’une des rares œuvres à pouvoir être défendue avec le même bonheur que ce soit par des artistes d’opéra que par des artistes de comédie musicale. (…) On en parle souvent comme d’une opérette aussi, suivant la façon dont c’est monté. Parce que les défis techniques sont si grands pour les interprètes, il y faut de toute façon d’excellents chanteurs et musiciens, mais ils peuvent venir d’horizons stylistiques très divers. À mon sens, l’une des choses les plus remarquables de cette pièce, c’est que Bernstein, en tant que compositeur, fut le produit de sa propre influence, comme le sont tous les compositeurs d’ailleurs, mais son influence à lui fut si grande et ses talents si divers et si importants qu’il a été capable de créer quelque chose de vraiment unique », assure le chef américain.
Pour James Lowe (photo), « Bernstein a écrit une musique extrêmement vivante pour caractériser chacun des personnages de « Candide ». Cunégonde est un soprano colorature, et son air, «Glitter and be Gay» est un tour de force virtuose, qui dépeint par la voix seule ses problèmes, puis ses joies, ses désirs, son art de la séduction avec des joyaux et des matières riches. Il y a des sauts, des arpèges, des gammes, des sanglots même, tout cela bel et bien écrit dans la partition. La ligne vocale suit de conserve : des lignes nobles, riches, lyriques, d’une grande simplicité et toujours à la recherche de la plus grande qualité. La Vieille Femme chante un tango aussi comique qu’il est évocateur, avec ses rythmes syncopés et son écriture vocale terre à terre. Il y a aussi de nombreux et très beaux ensembles, comme «The Best of All Possible Worlds», et des chœurs incroyables comme l’Auto-da-fé, ma page préférée, qui dépeint brillamment à quel point les gens forment un joyeux troupeau vindicatif… Le finale très émouvant met tous les personnages ensemble, tandis qu’ils partagent les leçons de leurs expériences et vont s’occuper de cultiver leur jardin… ».
« Candide » relate les péripéties d’un jeune homme d’origine modeste parcourant les pays du monde et découvrant les mœurs de ses semblables pas toujours conformes à l’enseignement de son maître à penser… Selon le chef, «les leçons de Voltaire sont aussi importantes aujourd’hui qu’elles l’étaient en 1759, ou en 1956, pour ce qui concerne Bernstein. Si l’on regarde les journaux aujourd’hui, on aurait bien du mal à se dire que l’on est dans «le meilleur des mondes possibles», et notre société n’est pas moins violente que ne l’était celle que Voltaire critiquait en son temps dans son « Candide ». Bernstein et ses collaborateurs ont créé un je-ne- sais-quoi qui a su capter l’esprit caustique de Voltaire avec légèreté, dans des rythmes de danses comiques, une horreur joyeuse, nous mettant toujours en empathie avec Candide, tour à tour naïf, honnête, désillusionné et finalement ayant pris conscience des choses. Les pérégrinations de Candide sont de celles que l’on peut tous relier à notre propre monde de violence et de tumulte, et la leçon finale de Voltaire, dans sa simplicité nue, cette morale de retour sur soi, est rendue ici de manière extraordinairement émouvante par Bernstein dans son finale», termine James Lowe, dans un entretien réalisé par le Théâtre du Capitole.
Jérôme Gac
Du 20 au 31 décembre, au Théâtre du Capitole,
place du Capitole, Toulouse. Tél. : 05 61 63 13 13
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Crédits Photos :
« Candide » © Karli Cadel / The Glimmerglass Festival