MUSICIENS PHILOSOPHES AUTOUR DE JORDI SAVAL …
Ce concert d’ouverture de la saison 2016-2017 des Concerts au Musée, ne pouvait trouver de meilleurs auspices que les talents réunis par Jordi Savall et ses amis-partenaires du Concert des Nations. En effet, dans la période troublée que nous vivons, rappeler que l’union européenne des musiques est une idée de François Couperin datant de 1727 avec son recueil des Goûts réunis est réconfortante. Jordi Savall en reprend le titre pour son concert en élargissant le cadre musical, de 1600 à …1800.
Ce soir France, Allemagne, Royaume-Uni, Italie et Espagne, en paix et avec beaucoup de panache célèbrent la musique instrumentale dans plusieurs Suites extraites d’œuvres plus vastes ou des Sonates. L’originalité de chaque composition éclate au contact des autres dans un bonheur de chaque instant toujours renouvelé.
Le panache de la suite du Bourgeois Gentilhomme de Lully est une introduction de choix avec sa célèbre marche de la cérémonie des Turcs. Johann Rosenmüller avec une ampleur des sonorités et du style permet d’élargir le propos. Mais ce sont les subtils décalages et les contretemps de Purcell qui touchent par une apesanteur bien agréable, donnant envie de danser. La riche orchestration de Rameau dans la suite des Indes Galantes, si colorées, montre une science de composition et des contrastes, très nouvelle. C’est la délicatesse des deux pièces de l’espagnol De Hita qui sont la trouvaille la plus délicatement poétique du concert. Un autre monde de pure poésie, des rêves délicatement heureux s’ouvrent sous les doigts magiques des instrumentistes dans des nuances d’une grande subtilité.
Pour finir la Musica Notturna di Madrid de Luigi Boccherini est une évocation impressionniste avant l’heure avec une audace de composition dont Boccherini était parfaitement conscient lui qui n’a pas voulu les publier de son vivant. Quelle fantaisie, quel humour, quelle vie ! Jordi Savall et ses complices composant l’ensemble du Concert des Nations ont choisi une dimension chambriste ce soir qui convenait admirablement à l’église Saint Jérôme. Il est impossible de détailler le talent de chaque musicien, chacun se déguste ! La complicité entre eux, leurs échanges de sourires pleins d’admiration réciproque, la qualité de l’écoute de ceux qui ne jouaient pas à certains moments, leur bonté humaine décelable à chaque instant ont crée une ambiance de paix et d’échanges comme dans la fresque des philosophes de l’école d’Athènes par Raphaël. Tous ces admirables musiciens, virtuoses autant que poètes sont traversés par une foi en l’humain, une croyance incarnée en l’échange de bonne volonté à travers tous les peuples. Cela apporte un message de paix et de beauté inoubliable. Ainsi la musique peut faire la paix dans le monde !
Hubert Stoecklin
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Compte-rendu, concert. Toulouse, Eglise Saint Jérôme, le 16 novembre 2016. Jean-Baptiste Lully (1632-1687) : Suite du « Bourgeois Gentilhomme » ; Johann Rosenmüller (ca.1619-1684) : Sonata Nr. IX à 5 ; Henry Purcell (1659-1695) : Suite de « The Fairy Queen » ; Jean-Philippe Rameau (1683-1764) : Suite « des Indes Galantes » ; Antonio Rodriguez de Hita (1724-1787) : Musica sinfonica dividida en canciones ; Luigi Boccherini (1743-1805) : La Musica Notturna di Madrid ; Le Concert des Nations : Manfredo Kræmer et Mauro Lopes, violons ; Angelo Bartoletti, viola da braccio ; Balázs Máté, violoncelle ; Xavier Puertas, violone ; Luca Guglielmi, clavecin ; Pedro Estevan, percussions ; Xavier Díaz-Latorre, théorbe et guitare ; Jordi Savall, viole de gambe et direction.