Quel est le parcourt qui vous a amené en responsabilité au Théâtre du Capitole ?
En tant que journaliste, j’ai longtemps écrit dans des revues comme Diapason et Classica, tout en écrivant des notices pour des théâtres comme celui du Châtelet et des maisons de disques comme EMI, Warner aujourd’hui, par exemple. Lorsque j’ai quitté mes fonctions de directeur de l’administration artistique à l’Opéra de Montpellier, j’ai appris que Frédéric Chambert était à la recherche d’un dramaturge. J’ai candidaté. Et voilà. Il est clair que mon agrégation de lettres classiques m’aide énormément dans cette activité d’écriture. Mais cette connaissance universitaire ne me serait pas d’un grand secours sans cette passion que je développe depuis ma prime adolescence pour l’opéra. A l’âge où mes camarades jouaient au foot, mon truc était de faire des distributions idéales à partir des disques que j’écoutais dès que j’avais une minute.
Quand votre goût pour l’opéra s’est-il manifesté et comment est-il né ?
Tout petit j’ai littéralement baigné dans la musique car ma grand-mère était professeur de piano. J’adorais écouter Chopin, Brahms, etc. L’art lyrique demeurait alors étranger à ma sensibilité. Le choc esthétique est venu avec le Don Giovanni de Joseph Losey que j’ai vu à la télévision. Je ne m’explique toujours pas le séisme intellectuel qui m’a saisi, mais c’est ainsi. Une sorte de révélation. Pour l’anecdote, j’ai immédiatement demandé à ma mère de m’acheter l’enregistrement de ce Don Giovanni, celui de la tv bien sûr et elle est revenue avec celui dirigé par Giulini. J’étais fou furieux ! Bon, en même temps, j’avais 11 ans et j’ignorais alors que j’avais entre les mains une édition de référence de cette œuvre.
Succéder assez brutalement à Frédéric Chambert est une lourde tâche, surtout dans un théâtre dont la notoriété internationale est incontestée. Vous n’avez cependant pas hésité à remplir cet intérim.
J’hésite d’autant moins que je considère que c’est un honneur de travailler dans une telle maison d’opéra. J’ai d’autant moins hésité que j’ai assumé des fonctions similaires pendant plusieurs années aussi bien à l’Opéra national du Rhin qu’à L’Opéra-Orchestre national de Montpellier. Certes chaque maison a ses particularités, mais globalement toutes ces activités me sont familières.
A combien de temps est estimé ce remplacement provisoire ?
Le temps du recrutement d’un nouveau directeur. Le processus est en cours.
Comment gère-t-on un tel changement de position hiérarchique entre collègues, du jour au lendemain ?
Depuis trois ans que je suis ici, j’ai eu la chance de créer de véritables liens de confiance avec l’ensemble du personnel de cette maison que j’ai croisé dans tous les secteurs de notre activité.
A vrai dire, si j’ai accepté cette mission d’intérim c’est aussi parce que je savais que j’aurais le soutien de toutes les équipes.
Cette saison ainsi que celle à venir sont déjà largement programmées. Vous devez donc assurer des choix qui, peut-être, ne seraient pas les vôtres.
Les directeurs de maisons d’opéra sont nommés une à deux saisons en amont. En effet notre temps de travail et notre métier nous obligent à énormément anticiper. Assurer une saison que l’on n’a pas faite est le lot de tous les directeurs d’opéras. Cela dit, je n’ai qu’à me réjouir d’assumer cette saison entièrement faite par Frédéric Chambert car elle est très riche musicalement, pleine de découvertes. A ce titre, par exemple, Le Prophète de Meyerbeer qui est programmé en fin de saison est un ouvrage clé du répertoire français dans le genre grand opéra. C’est la même chose pour notre prochain Ernani de Verdi, du jeune Verdi pourrions-nous dire ; c’est l’ouvrage pivot du génie de ce compositeur. Bien sûr il y a aussi les incontournables dans une maison de répertoire comme la nôtre. Cette année, ce sont le Mozart de L’Enlèvement au sérail, le Donizetti de Lucia di Lammermoor et le Rossini du Turc en Italie. Sans oublier notre spectacle de fin d’année, que l’on peut qualifier, si l’on veut, d’opérette, je parle du Candide de Bernstein. Et comment ignorer la création de L’Ombre de Vinceslao sur une musique de Martin Matalon et un livret ainsi qu’une une mise en scène de Jorge Lavelli, dans la cadre d’une très importante coproduction avec d’autres théâtres et institutions lyriques françaises. La partition de cet opéra fait souvent allusion aux rythmes de la musique d’Amérique du Sud, tango et bandonéon inclus. Sans oublier bien sûr le spectacle inaugural de la présente saison, le Béatrice et Bénédict d’Hector Berlioz, un ouvrage admirable, avec quelques-unes des plus belles pages de tout le romantisme français.
Quelle est votre réflexion quant au palmarès du dernier Concours de chant de Toulouse qui a vu une véritable mainmise des jeunes chanteurs coréens ?
C’est une constante au niveau mondial depuis une vingtaine d’années. Même en Allemagne, terre musicale s’il en est, les apprentis chanteurs n’ont pas l’acharnement des Coréens à se perfectionner. Il est clair que, techniquement, ils sont parfois plus prêts que nos jeunes. Tout en sachant que les meilleurs des nôtres sont souvent déjà dans le circuit et ne se présentent donc pas autant dans ce genre de concours. De plus, depuis quelques années, il faut bien reconnaitre que les Coréens sont très affûtés aussi stylistiquement.
Vous voilà aux commandes du navire amiral historique de la culture toulousaine. Dans quelle situation se trouve-t-il ?
Une situation que je qualifierais d’exceptionnelle dans le paysage culturel français actuel grâce au soutien indéfectible de Toulouse Métropole à son théâtre (opéra et danse) et à son orchestre. Grâce aussi aux équipes de cette maison dans tous les domaines, les artistes se disputent l’honneur et le bonheur de venir travailler au Théâtre du Capitole.
Etes-vous candidat pour succéder à Frédéric Chambert ?
Oui et avec enthousiasme !
Robert Pénavayre
Une chronique de ClassicToulouse
Jean-Jacques Groleau © Patrice Nin