Depuis le 11 juin et jusqu’au 25 septembre, se tient au Musée Soulages à Rodez, l’exposition Picasso. Après Pierre Soulages lui-même et ses Outrenoirs, « Le bleu de l’œil » de Claude Lévêque et Jesus Rafael Soto et son art cinétique, la grande salle d’exposition temporaire du Musée Soulages accueille pour l’été l’artiste le plus célèbre du XXème siècle.
Un musée monographique singulier, pivot de l’art contemporain
Le musée Soulages inauguré il y a un peu plus de deux ans maintenant, révèle l’expérience et les techniques de l’artiste. Deux donations de Pierre et Colette Soulages ont d’ailleurs permis au musée de constituer le fonds le plus complet des œuvres du peintre, pendant ses trente premières années de création. La richesse de ce fonds a permis à quelques 400 000 visiteurs de découvrir le travail du peintre natif de l’Aveyron, figure majeure de l’abstraction et de la monochromie.
Le musée compte dans sa collection les Brous de noix, peintures sur papier de taille moyenne, qui témoignent déjà du rapport entre le noir et la lumière, par l’utilisation d’autres pigments comme les rouges et bruns notamment. Puis, viennent les huiles sur toile dont l’Outrenoir, qui mettent en lumière ce noir structuré, partiel ou complet et qui marquent résolument un basculement dans la peinture de Soulages : « Mon instrument n’est pas le noir mais la lumière réfléchie par le noir ». Le musée dévoile aussi son œuvre imprimée : eaux fortes, lithographies et sérigraphies mais aussi tout le travail préparatoire des vitraux de l’abbatiale de Conques, près de Rodez. Et pour accueillir toutes ces œuvres, les architectes catalans de RCR ont conçu un bâtiment constitué de cinq parallélépipèdes en acier Corten rouge rappelant justement ces fameux Brous de noix et se combinant parfaitement avec les teintes de rose de la Cathédrale de Rodez non loin de là.
Néanmoins, la volonté de Pierre Soulages demeure la mise en abîme de l’art moderne et contemporain, grâce à des expositions temporaires régulières. Et pour cause, l’abstraction laisse aujourd’hui sa place à la déconstruction : Picasso s’installe désormais pour l’été au Musée Soulages.
Dans l’intimité de Picasso
La sélection d’une centaine d’œuvres dépeint l’intimité du peintre des années 1907 à 1956. Elle ne se veut pas être un résumé historique de la vie et du travail de l’artiste espagnol mais recherche plutôt la mise en lumière d’un aspect peu connu de son existence : Picasso parmi les siens. Tour à tour, Pierre Soulages et Benoît Decron, commissaire de l’exposition, ont choisi de dévoiler des portraits, dessins, lithographies, eaux fortes, natures mortes de la main de Picasso mais également quelques photographies de Michel Sima et David Douglas, témoignant du quotidien créatif du peintre, entouré de ses amis, ses enfants et ses muses.
Les relations que Picasso entretenait avec ses muses ont considérablement influencé son art. L’exposition retranscrit exactement cette évolution. Sept salles retracent donc différents thèmes évoqués par le peintre dans ses œuvres : « cubismes », « natures mortes », « ateliers », « l’expérience d’Antibes », « nus et rondeurs », « portraits de Dora Maar », « portraits de femmes et photographies ». En outre, les photographies de Sima et Duncan permettent de mieux appréhender et analyser les créations du Picasso : les unes font écho aux autres. Et, c’est finalement cet écho qui permet au spectateur de se glisser dans la familiarité de l’artiste.
Soulages et Picasso : deux révolutionnaires de la peinture contemporaine
Les deux artistes ont d’une manière bien différente, bousculé l’art contemporain : l’un à l’initiative de l’avant-garde cubiste a révolutionné la façon dont les objets et les personnes pouvaient être vues et l’autre s’inscrit aujourd’hui encore singulièrement dans l’art abstrait et les images ne renvoyant à rien d’autres qu’elles-mêmes, pour que du noir jaillisse la lumière. Si finalement, Pierre Soulages avoue ne pas s’être nourri du travail de Picasso, il admet toutefois avoir été immédiatement admiratif de son travail. Cette exposition est d’ailleurs dédié à Pierre Daix ami de Pierre Soulages et biographe de Pablo Picasso.
Le lien entre les deux hommes n’est donc plus à faire.
Marjorie Lafon