A l’occasion de la sortie en DVD du film « Les Premiers Les Derniers », sublime dernier bijou du réalisateur Bouli Lanners – même délicate sensibilité que dans ses précédents films, avec cette cette-ci une touche de mysticisme – celui-ci a bien voulu répondre à ma question sur l’évolution de son métier.
Voyez-vous une évolution de votre métier d’acteur ou de réalisateur, ou du cinéma, depuis vos débuts ?
Pour l’acteur, je pense que le métier reste le même. Mais pour les films, il y a beaucoup à dire. Il y a déjà les évolutions techniques. Pour « Les Premiers Les Derniers », c’est la première fois que je devais abandonner l’argentique, pour devoir travailler en numérique. Il m’a fallu faire l’apprentissage de cette nouvelle technologie, et celles qui en découlent, qui font dorénavant partie du système de manière permanente.
Le marché est radicalement différent aujourd’hui. Il sort entre 20 et 24 films par semaine, ce qui n’était pas le cas avant, donc pour positionner un film sur le marché, c’est très très dur. Il faut se faire remarquer. La diffusion aussi a évolué : les jeunes vont de moins en moins souvent au cinéma. Il y a aussi tout ce qui n’existait pas il y a encore 11 ans, comme les sites internet qui diffusent avec le streaming. Il faut faire exister le film sur les autres médias aussi. Les droits d’auteur sont plus difficiles à percevoir puisque tout le monde copie. Pour nous les auteurs, c’est beaucoup plus dur de les percevoir qu’il y a 12 ans, 15 ans ou 25 ans, où il n’y avait aucune copie possible. Les films sont plus vite copiés et plus vite mis en ligne sur des sites, donc il y a une parano qui s’installe par rapport à ça.
Technologies, diffusion du film, tout a radicalement changé. Mais l’essence du métier est de raconter une histoire, et ça ne changera jamais : pour ce qui est de faire un film, on ne fait jamais que raconter des histoires avec des hommes, des femmes, de l’amour, de la haine. C’est exactement la même chose que ce qui se passait il y a une centaine d’années. On essaie de raconter une histoire avec un média qui évolue.
Les Premiers Les Derniers, DVD disponible chez Wild Side.
En plus donc de ce sublime film, les suppléments du DVD proposent un making of de 4 minutes « ça beauce dur ! », un documentaire de 11 minutes sur cet aérotrain et un entretien de 10 minutes de Bouli Lanners par le journaliste Fernand Denis, sur la musique de Pascal Humbert, en 8 parties : l’origine du film, le western, les codes, le regard, Gilou, les acteurs, Esther et Willy, un film sur l’homme.
Bouli Lanners avait aussi répondu au questionnaire « Les films que j’aime », les réponses sont là.
Et comme on est gentils, on vous remet ici l’interview qu’il nous avait accordée, lors de sa venue pour l’avant-première toulousaine.
Quelle a été la toute première idée que vous avez eue pour ce film ?
J’avais envie de faire un film crépusculaire, qui parle de cette pensée pessimiste d’aujourd’hui, et de ce sentiment de fin du monde, impalpable mais omniprésent, nourri par l’actualité politique mais aussi par la COP21, avec l’état de la planète et des échanges qui sont maintenant réelles. On est dans un glissement sociétal : pour la première fois depuis le début de l’humanité, on ne se réjouit pas de savoir ce qu’il va se passer dans 50 ans. On ne règle que les problèmes actuels économiques, sans aucune perceptives d’avenir. Rarement le bonheur est au cœur des débats, mais l’économie si, comme si le bonheur était systématiquement synonyme d’un modèle économique avec l’idée de posséder, toujours dans une réflexion libérale et matérialiste. Le tout, amputé de toute philosophie et de toute idéologie, fait qu’il n’y a plus aucun repère. C’est une pensée très nouvelle. Je voulais parler de cette période charnière, avec un message d’espoir.
Avant cette envie, il y a eu un flash. Je ne prends pas l’avion, et donc pour faire la ligne Toulouse-Paris, j’ai pris un train de nuit. J’étais dans un compartiment avec des gens qui ronflent, alors je me suis isolé dans le couloir, et j’ai vu une construction défiler, sans savoir où le train était exactement. Avec les gares suivantes, j’ai su que c’était l’aérotrain, dans la Beauce. Cette vision m’a donné la ligne graphique du film : l’idée d’avoir un couple qui erre sur cette ligne droite.
Et petit à petit, le scénario s’est construit. Quand Willy, l’amoureux d’Esther dit « j’ai entendu à la télé que c’était la fin du monde », ça vient d’un jour où j’étais à l’hôtel. Je regardais une émission sur ARTE sur ce sujet. J’ai une nièce qui est autiste dont je me suis inspiré pour le couple d’Esther et Willy, et j’ai pensé que si elle voyait ce programme, elle croirait que la fin du monde est pour demain.
Et la part de spiritualité, qui donne même le titre au film ?
Étant croyant, parler de la fin du monde sans un peu de recherche de spiritualité ne me paraissait pas possible. En même temps, ce n’est pas du tout un film sur la foi, c’est un film sur l’Homme. Je ne parle pas du tout de Dieu. Je crois en Dieu, mais je crois d’abord en l’Homme.
Le film s’appelle « Les Premiers Les Derniers » car même si potentiellement on est les derniers, Esther et Willy sont pour moi les fantasmes que j’ai des premiers hommes, avec une espèce de pureté absolue. Qu’est-ce qui fait qu’on est les mêmes ? On enterre nos morts, on a ce besoin absolu de reconstituer la cellule familiale, cette petite structure faite d’amour et d’humanité qui nous permet d’avancer dans la vie.
« Les Premiers Les Derniers » est un road-movie, et comme vos trois précédents films, les personnages sont en errance…
J’aime bien ce genre, et j’aime bien la route. Je voyage en voiture, ce qui me permet de réfléchir en écoutant de la musique, de m’oublier un petit peu. Le road-movie me permet de mettre en scène les errances que vous évoquiez.
Dans tous mes films, les personnages sont en errance, dans une structure familiale explosée et qui essaient, par différents biais, de reconstituer quelque chose de l’ordre de la famille. Dans « Eldorado », ils y parviennent le temps d’une après-midi avec le toxicomane ; dans « Les Géants », les trois gamins pallient à l’absence de famille par l’amitié ; dans « Ultranova », ils essaient aussi mais n’y arrivent pas.
Pour « Les Premiers Les Derniers », ça va plus loin. C’est mon film le plus positif, c’est le seul qui se termine bien. Celui-ci est de l’ordre du western… les westerns sont souvent des espèces de road-movies, mais à cheval. J’aime bien l’idée du cow-boy qui arrive et qui repart à la fin.
Le scénario a été réécrit suite à ma maladie, j’ai développé la même pathologie de Gilou et j’ai dû être opéré du cœur trois mois avant le début du tournage, qui a dû être reporté. L’écriture sur mon personnage s’est affinée à ce moment-là. C’est aussi à cette période que les personnages de Max et Michael se sont écrits. Ils sont vraiment devenus les deux vieux messieurs dont j’avais besoin dans l’histoire. Ce sont des merveilleuses rencontres avec des journées de tournage inoubliables. Le discours dans leur bouche, le film prend tout son sens.
Du coup, votre personnage est autobiographique.
Je suis devenu le personnage de Gilou sans le faire exprès. Je suis moi, j’ai écrit un personnage, et la vie fait que tout à coup, je deviens ce personnage. J’étais dans les mêmes pensées mortifères que Gilou. J’ai transposé ma pathologie dans un personnage fictif. J’étais dans la même réflexion que Gilou. Si j’ai écrit le film, c’est aussi pour me dégager de ça, et d’appliquer à moi-même ce que j’ai appliqué à Gilou, c’est-à-dire quelque chose qui lui redonne goût à la vie, de reposer des actes. C’est vraiment au contact de ces deux vieux messieurs que le déclic se fait.
Le scénario a nécessité deux ans d’errements, de cul-de-sac et d’un coup, en six semaines, tout était écrit. Comme quand on a une grosse gueule de bois, ça serai bien de vomir mais on repousse néanmoins cet instant. A un moment donné, on vomit, et voilà, c’est fait.
(A ce moment précis, un acteur du film vient me lécher la cheville) Et le chien de Gilou est votre chien.
C’est un film très personnel (rires). Il n’est pas là que comme accessoire, il fait aussi avancer l’histoire. Ça me permet aussi d’avoir ma famille auprès de moi, plus besoin de payer quelqu’un pour s’occuper de lui quand je suis sur le plateau.
Aviez-vous les acteurs en tête au moment de l’écriture ?
Non. Par contre, je suis en parallèle à la recherche des musiques et aussi de décors. Je fais mes repérages pendant l’écriture. L’un alimente l’autre. Et une fois que le scénario est plus ou moins mis en place, la réflexion peut se faire sur qui va interpréter les rôles. C’est le passage le plus douloureux pour moi : donner chair à quelque chose qui était abstrait dans ma tête. J’ai peur pendant les castings de ne pas trouver la personne qui va incarner chaque personnage.
Le choix d’Albert Dupontel ?
C’est un frère d’arme, on se connaît bien. Pour moi, Albert était incontournable, uniquement lui pouvait interpréter le personnage de Cochise, à la fois protecteur car il est très doux avec moi et animal à sang froid avec un potentiel de violence, cette force intérieure. On sent que ça bouillonne à l’intérieur, c’est une chaudière qui est bien à fond !
S’il n’avait pas été disponible, auriez-vous attendu qu’il le soit ou le film ne se serait pas fait ?
S’il avait fallu attendre deux ans, on aurait cherché quelqu’un d’autre. Mais une fois que les montages financiers sont en cours, c’est très fragile de reporter. Je savais qu’Albert était libre, qu’il était en écriture. Alors qu’il refusait de tourner, il a accepté mon film.
C’était lui ou personne… ou peut-être Viggo Morgensen alors.
Y a pire comme second choix ! Un mot sur le reste du casting…
Philippe Rebbot faisait mon frère dans « Lulu femme nue », et il est vraiment devenu mon frère. De même, Virgile Bramly, Serge Riaboukine et Lionel Abelanski, ils font partie de la famille, mais ce sont des comédiens exceptionnels, qu’on ne voit pas assez au cinéma.
Pour Esther et Willy, je savais dès l’écriture que c’était très fragile. David Murgia est un comédien liégeois que je connaissais, il s’est assez vite imposé. Il a fallu après trouver son binôme, Esther, avec qui il forme ce couple magnifique qui a une pureté. J’ai fait beaucoup de castings, certains avec des jeunes filles handicapées. Je suis tombée sur une photo d’Aurore Broutin, et j’ai demandé à ma directrice de casting de faire des essais. J’ai vu les rushes où elle faisait la scène de la salle de bain, elle m’a totalement bluffé. J’ai cru qu’elle était vraiment un peu déficiente. Quand je l’ai appelée, je me suis dit que je devais y aller en douceur… alors que pas du tout ! C’est une walkyrie du nord, comme Corinne Masiero, pleine d’énergie. J’avais trouvé ma perle rare.
Michael Lonsdale et Max Von Sydow, c’est de l’ordre du fantasme tous les deux. Au début, quand les personnages n’étaient pas encore bien écrits, je ne savais pas du tout. Quand s’est dessiné le fait qu’ils aillaient être plus âgés, je me suis dit que d’avoir Michael Lonsdale serait magnifique, car il a une réflexion spirituelle très forte, mais même temps, apprécierait-il ce genre de scénario ? Il a tout de suite dit oui. Max Von Sydow joue quelqu’un qui est entre un prêtre, et un croque-mort. Comme le type dans les westerns qui s’occupe de tout ce qui est un peu post-mortem : des morts, dit un prêche… Il a lui aussi lu le scénario, m’a demandé pourquoi lui. Il est comme une image du père pour moi, et comme je jouais Gilou, j’ai expliqué que j’avais besoin de lui. Il a accepté. Je me suis retrouvé avec ces deux monstres de cinéma sur le plateau, mais deux monstres d’une élégance.
Pour Suzanne Clément, j’ai eu la chance en pianotant sur internet de voir une interview qu’elle faisait pour un journaliste français. J’ai remarqué qu’elle n’avait pas d’accent alors que dans les films de Xavier Dolan, il est terrible. On l’a appelée, et par miracle, elle était en France durant la période du tournage.
Où a eu lieu le tournage ?
Dans la Beauce, à 20 kilomètres au nord d’Orléans pour filmer cette rampe de lancement de l’aérotrain, qui devait être un train monorail, propulsé à réaction. Le TGV a finalement remplacé ce projet. Le tournage a duré huit semaines.
Un mot sur votre travail avec Jean-Paul De Zaeytijd, votre chef-opérateur sur la couleur du film, avec ces ciels…
C’est ma peinture. Le cadre est aussi important pour moi. Avec lui, – peut-être davantage qu’avec d’autres chefs-opérateurs -, on a beaucoup de références à la peinture. Notre réflexion s’est portée sur mes peintures avec une ligne d’horizon très basse, un ciel très chargé, en restant dans la gamme de couleur que j’utilisais. On a gommé tous les verts avec l’étalonnage numérique, gardé les bleus outremer, les bruns. On s’est aussi référé à la peinture flamande, à Constant Permeke, les expressionnistes flamands.
L’absence de soleil fait que la césure entre le jour et la nuit est très peu marquée. Les voitures roulent avec les phares allumés en journée. On est dans une espèce de crépuscule. La Beauce proposait un ciel très belge. La Beauce est une plaine énorme, avec une patine magnifique qu’on n’arrive plus à trouver en Belgique.
Et ces paysages ouverts !
J’ai toujours aimé les films où les espaces étaient infinis. Paradoxalement, je suis belge, dans un pays où les espaces ne le sont pas du tout. Il y a un fantasme. A partir du moment où le fond était en place, que le scénario s’écrivait, le film aurait pu se passer dans une forme moins affirmée. Ici,je voulais me faire plaisir, j’ai besoin que ce soit beau et que ça corresponde à quelque chose que j’aime visuellement. J’ai trouvé ce merveilleux terrain de jeu qu’est la Beauce, avec cette plaine infinie. J’y ai mis des codes qui oscillent entre le western crépusculaire contemporain et le road-movie. Wenders tournait des films en Allemagne qui donnaient l’impression d’être filmés aux États-Unis. J’aime beaucoup cette façon de faire.
Quand il est parti tourner aux États-Unis, c’était presque évident…
Tout le monde me dit « pourquoi tu ne pars pas là-bas, tu deviendrais fou avec tous ces décors, on dirait tes films » mais j’ai peur de l’avion, c’est aussi con que ça. Et il faudrait que j’arrive à monter une production indépendante aux États-Unis avec un financement européen, c’est très compliqué. Pour le moment, on peut encore faire ces films-là ici.
La musique de Pascal Humbert et de son groupe Wovenhand est aussi très portée sur la foi
David Eugene Edwards est un fils de prédicateur. J’écris en écoutant des musiques, c’est-à-dire que l’acte d’écrire ne fonctionne que si la musique est là. Elle me pousse à écrire. Quand l’écriture se met en marche, j’écoute uniquement dix à quinze morceaux qui deviennent des morceaux récurrents dans l’écriture, que je peux passer en boucle des centaines de fois. Ça définit ce que va devenir la bande son. Quand l’écriture est terminée, il y a une idée très précise de ce que va devenir la musique. Ici, il y avait beaucoup de morceaux de Pascal Humbert. Je connaissais 16 Horsepower, j’ai contacté Pascal car j’avais vraiment envie que ce soit lui qui fasse les musiques. Il était revenu du Colorado, il était avec le groupe Détroit. On a contacté le groupe qui a fait une session d’enregistrement, où on a retiré qu’un seul morceau. In fine, on n’a travaillé qu’avec Pascal pour composer des musiques chez lui. On a repris des morceaux qu’il a fait lors de ses précédentes formations. Puis il a fait toutes les musiques additionnelles. Le coup de bol est qu’il habite dans les Pyrénées, on était tous les deux dans sa petite cuisine dans sa bergerie dans les montagnes avec un micro, et 2-3 semaines avant, il a récupéré ses instruments de musique des États-Unis, dont cette fameuse guitare Dobro. C’est une vieille guitare en acier soudé dont le vibrato est un enjoliveur de Chevrolet ; c’est le son de 16 Horsepower. Quand tu as des morceaux que tu écoutes depuis toujours, que le mec est face à toi et compose de morceaux de musique avec le même son, mais que tu sais que c’est pour ton film, que ça va être pour toi, c’est des moments de bonheur !
Était-ce facile de gérer les différentes casquettes que vous portez sur ce film ?
Autant sur « Eldorado », ça avait été facile parce qu’on avait préparé et anticipé la chose. J’avais peur de gérer la réalisation et ça s’était très bien passé, de manière très naturelle. Sur celui-ci, contre toute attente, ça a été très dur pour moi. On a suivi le plan de travail, et je commençais à tourner trois semaines après eux. Quand j’ai vu les premières rushes, j’étais super content car je voyais une qualité de jeu de haut niveau, et en même temps, je pensais « je ne vais jamais y arriver ». Je suis entré dans une forme de parano : ne pas être à la hauteur des autres, le metteur en scène ne va pas aimer ce que je fais -sauf que le metteur en scène, c’est moi. J’ai fait un blocage. Il m’a fallu du temps pour rentrer dedans.
La part du film qui se décide au montage ?
Le tournage a duré huit semaines, de février et mars, et le montage d’avril à octobre. Celui-ci est très différent des autres films. Assez vite, la structure a été mise en place, elle était très fidèle au scénario, ce qui ne m’était jamais arrivé, car au tournage, le scénario change beaucoup. « Eldorado », « Les Géants » étaient en écriture permanente, puis après le premier montage, il y avait de nouveau du tournage deux mois plus tard qui permettait de finir le film. La structure narrative pour « Les Premiers Les Derniers » ne permettait pas de changements. Je savais aussi que le lendemain du tournage, je perdais tous mes comédiens, sauf mon chien. Le montage a été différent car il fallait rythmer cette structure. Ça a été très compliqué à trouver car c’est un rythme lent. Il n’y a pas eu de scène coupée : ce qui a été écrit a été filmé, et ce qui a été été tourné a été monté. Ewin Ryckaert, le monteur est sur le plateau et monte en parallèle dès le début du tournage.
C’est votre film le plus personnel…
Tout à fait. Celui-ci particulièrement… C’est le plus personnel que je ne referai jamais. Je ne peux même pas le revoir, je ne vois que le début et la fin. Il va me falloir du temps pour le revoir celui-là. C’est un vrai film charnière, une vraie mise à nu. C’est pour ça que j’ai pensé impliquer tout ce que je suis, y compris cette part mystique. En Europe, c’est très dur de parler de Dieu, alors qu’aux États-Unis, tout le monde peut le faire sans aucun problème, même dans le rock, Nick Cave, Mark Lanegan, tout ça c’est en veux-tu en voilà. Leonard Cohen aussi, ce sont tous des grands mystiques. Mais chez nous, c’est très vite mal pris et associé à un cul béni. Or je suis croyant, je ne fais pas de prosélytisme, il n’y a pas de dogmatisme. Je ne me sens pas catholique du tout. Je suis un paléochrétien mélangé à de l’animisme, car je suis en recherche permanente de spiritualité. Il faut qu’on puisse affirmer qu’on est croyant en disant que ça n’implique rien d’autre que ça. C’est une réflexion très personnelle, c’est pour ça que c’est très important pour moi de le dire, encore plus qu’auparavant.
Quand un film si personnel est fini, dans quel état est-on ?
D’habitude, je suis quand même très inquiet. J’accompagne ce film beaucoup plus que les autres. Ici, c’est ma seizième avant-première, il m’en reste encore huit, puis il y aura le festival de Berlin, et les avant-premières en Belgique. J’ai besoin de ce débat avec le public après. Jusqu’à présent, toutes les projections se sont merveilleusement bien passées, avec de beaux débats après, très profonds. Ça fait du bien. Je sais que j’ai fait le film que je devais faire. Même si le film va être sur le marché, ça me saoule toujours un peu de parler d’entrées. Je me sens soulagé, assez serein, avec des moments d’angoisses, comme si quelque chose avait été accompli. D’avoir fait ce film, j’ai l’impression que je vais pouvoir passer à autre chose après, quelque chose de plus détaché. Il y a une forme de renaissance qui s’annonce.
Vos futurs projets, comme réalisateur ou acteur ?
Mon prochain film sera un polar, au sein d’une famille, la même thématique revient. Ça doit m’obséder quelque part, alors que j’ai eu une enfance heureuse… mais de ce fait, on essaie peut-être de la reconstituer et de la retrouver.
Là, j’ai terminé le prochain film de Katell Quillévéré, la réalisatrice de « Suzanne » et « Un poison violent », qui a adapté « Réparer les vivants » qui parle du don d’organes. Le tournage s’est fait en novembre-décembre. Et je joue un vrai méchant dans un film de gangsters, un méchant vraiment méchant. Je ne l’ai encore jamais fait : jamais gentil, pas de rédemption, rien. Après les gens auront peur de moi dans la rue (rires). C’est réalisé par l’un des sbires dans mon film, un de ceux qui viennent récupérer le téléphone à la fin. En fait, c’était un vrai truand qui a attaqué des fourgons, fait 12 ans de prison, a été en rédemption et il a écrit un super polar.
Interview conjointe avec Maxime Lachaud