La nouvelle saison lyrique affiche au Théâtre du Capitole sept nouvelles productions ou coproductions, et invite de magnifiques baguettes pour diriger les huit opéras programmés, dont trois ouvrages italiens, deux français et une création.
Pour la plupart déjà invités à Toulouse, les chefs d’orchestre seront les véritables stars de la nouvelle saison lyrique du Théâtre du Capitole. Au fil des huit opéras programmés, d’exaltantes baguettes se succèderont en effet à la tête de l’Orchestre national du Capitole, connu pour être le meilleur orchestre de fosse français avec celui de l’Opéra de Paris. Directeur artistique sur le départ pour l’opéra de Santiago du Chili, Frédéric Chambert a choisi de programmer en ouverture et en clôture de cette nouvelle saison des titres français peu présents sur les scènes lyriques.
L’année débutera avec « Béatrice et Bénédict » : «À mon sens, cette partition est l’une des plus vives et des plus originales que j’aie produites», écrit Hector Berlioz. Créée en 1862, le dernier ouvrage du compositeur est une comédie virtuose pleine de vie et d’humour, inspirée de la pièce de William Shakespeare « Beaucoup de bruit pour rien ». Cette coproduction avec le Théâtre royal de la Monnaie était déjà à l’affiche de l’opéra bruxellois cette saison, dans une mise en scène – accueillie sans enthousiasme – de Richard Brunel. Celui-ci est de retour au Théâtre du Capitole après la réussite en 2013 d’ »Albert Herring », de Benjamin Britten. Pour la direction musicale, on retrouvera le chef italien Tito Ceccherini qui a déjà dirigé avec brio à Toulouse « les Pigeons d’argile », de Philippe Hurel, et « le Château de Barbe-Bleue », de Béla Bartók.
Créé en français en 1849, « le Prophète » de Giacomo Meyerbeer clôturera la saison dans une mise en scène de Stefano Vizioli, à qui le Capitole confia en 2014 une production des « Deux Foscari » de Giuseppe Verdi. Véritable monument, cet imposant opéra «à la française» est doté d’un livret basé sur l’ »Essai sur les mœurs et l’esprit des nations » de Voltaire, et s’inspire de la révolution des anabaptistes de Westphalie menée au XVIe siècle par Jan Bockelson dit Jean de Leyde. Il sera servi par le chef allemand Claus Peter Flor (photo) grand familier de l’Orchestre du Capitole qui s’est déjà illustré ici dans « la Flûte enchantée », « Madame Butterfly », « Hänsel et Gretel », « Tristan et Isolde », « Faust », etc.
Représenté pour la première fois à la rentrée prochaine, à l’initiative du Centre français de Promotion lyrique, un ouvrage composé par Martin Matalon sera mis en scène par Jorge Lavelli. Ce dernier signe le livret en français, d’après la pièce de Copi « l’Ombre de Venceslao ». Associant neuf maisons d’opéra, ce spectacle réunit donc trois artistes argentins qui se sont installés à Paris. Resté inédit pendant vingt-deux ans, le texte a été écrit en 1977, au lendemain du coup d’État du général Videla en Argentine. Il fut ensuite monté par Lavelli, qui déclarait à l’époque: «Copi plonge sans retenue dans la mythologie argentine. La pièce m’avait semblé très difficile à monter. Je l’ai relue avec plaisir et sa force m’a convaincu. Ce n’est pas une piécette de plus mais une grande œuvre de Copi qui avait la théâtralité dans la peau. La pièce aborde un thème dont se nourrit toute la littérature argentine : l’aventure d’un individu isolé qui se confronte à l’obstacle de la nature et s’interroge sur les véritables raisons d’être de l’homme. Mais Copi reste Copi, avec sa cruauté, sa dérision, son regard ravageur. Il raconte l’histoire d’une famille disséminée dans les immensités de l’Argentine des années cinquante. Venceslao abandonne ses biens, part avec sa maîtresse vers le Nord, vers les frontières mythiques de l’Argentine, tandis que les plus jeunes, plus ambitieux, partent pour Buenos Aires. Tous finiront par rencontrer la mort. Dans une scène finale, onirique, le personnage principal revient, tel une ombre, pour se réconcilier avec ceux qui lui ont été fidèles. La destruction de la famille de Venceslao répond assez bien à notre époque de faillite idéologique et d’absence d’idées, où le grand idéal se résume à une monnaie unique… Cette pièce pose mille questions, interroge à nouveau les valeurs de base, comme la famille ou la société», assurait alors Jorge Lavelli.
Trois opéras italiens seront à l’affiche au cours de cette saison. « Le Turc en Italie », que Gioacchino Rossini signa en 1814 dans le moule à succès de son « Italienne à Alger », sera dirigé par l’excellent Attilio Cremonesi, artisan d’une fabuleuse trilogie Mozart & Da Ponte sur la même scène. Après sa « Doña Francisquita », Emilio Sagi s’est vu confier cette nouvelle production qui affiche de grands noms du belcanto : les barytons Alessandro Corbelli (« Falstaff ») et Pietro Spagnoli (photo) (« Le Barbier de Séville », « L’Italienne à Alger »), le jeune ténor Yijie Shi découvert en 2014 dans « la Favorite », la mezzo-soprano Silvia de La Muela (« Hänsel et Gretel ») ou encore la soprano Sabina Puértolas.
Créé en 1844 d’après Victor Hugo, « Ernani » sera dirigé par Daniel Oren, l’un des meilleurs chefs verdiens qui a ses habitudes à Toulouse où il s’est illustré dans « le Trouvère », « Un Bal masqué » et « Rigoletto ». Déjà invitée à mettre en scène « Don Giovanni », Brigitte Jaques-Wajeman sera aux commandes de cette nouvelle production. L’opéra de Giuseppe Verdi sera servi par un quatuor prometteur : le ténor Alfred Kim (« Le Trouvère », « Turandot »), le baryton Vitaliy Bilyy (« Le Trouvère », « Un Bal masqué »), la soprano Tamara Wilson (« Le Trouvère », « Les Deux Foscari ») et la basse Michele Pertusi. Avec Maurizio Benini à la baguette, l’unique reprise de cette saison luxuriante sera la production de Nicolas Joel d’une « Lucia di Lammermoor » conçue en 1998. Créé en 1835, l’opéra de Gaetano Donizetti sera chanté par un trio d’excellence : l’incroyable ténor Sergey Romanovsky (« Castor et Pollux »), le baryton Vitaliy Bilyy, et dans le rôle-titre la sublime soprano Nadine Koutcher (« Les Noces de Figaro »).
On retrouvera Tito Ceccherini dans la fosse pour « l’Enlèvement au sérail », de Wolfgang Amadeus Mozart, mis en scène par l’acteur Tom Ryser interprétant lui-même le rôle parlé du Pacha Selim. Ce singspiel dont la création eut lieu à Vienne en 1782, est l’un des tout premiers chefs-d’œuvre lyriques de langue allemande. Dans la distribution, on attend avec impatience le retour de Jane Archibald sous les traits de Konstanze – après sa Reine de la Nuit de « la Flûte enchantée » à la Halle aux Grains – et celui de la basse Franz Josef Selig, déjà apprécié dans « Daphné » de Richard Strauss. Créé en 1956, d’après Voltaire, l’opéra de Leonard Bernstein « Candide » sera à l’affiche durant les fêtes de fin d’année, avec le jeune ténor américain Andrew Stenson dans le rôle-titre. Une coproduction avec l’Opéra national de Bordeaux et le Glimmerglass Festival à New York, revisitée par Francesca Zambello, directrice du Washington National Opéra.
Jérôme Gac
Théâtre du Capitole, place du Capitole, Toulouse.
Tél. : 05 61 63 13 13.
–
photo: Claus Peter Flor © Peter Rigaud
–