Reprise au Théâtre du Capitole d’une production des « Noces de Figaro », de Mozart, signée Marco Arturo Marelli. Avec le baryton américain Lucas Meachem, la distribution sera dirigée par Attilio Cremonesi dont c’est le retour dans la fosse de l’opéra toulousain.
Créé en 1786 à Vienne, « les Noces de Figaro » est l’adaptation de la pièce subversive de Beaumarchais créée deux ans plus tôt au Théâtre de l’Odéon, à Paris, après avoir été interdite durant six ans. Le librettiste Lorenzo da Ponte et Wolfgang Amadeus Mozart réussirent à convaincre l’empereur progressiste Joseph II d’autoriser leur opéra dont le contenu est finalement plus inoffensif que le texte original. Mais, même si la critique sociale y est atténuée et que le compositeur se concentre sur l’affectivité des relations, le personnage du comte Almaviva demeure la figure de l’aristocrate ridiculisé par son valet. Quiproquos et péripéties s’enchaînent frénétiquement le temps de cette « Folle journée » (sous-titre de la pièce), où Figaro complote avec la complicité de la comtesse pour dissuader le comte de séduire Suzanne – que le premier doit épouser le soir même. Cette intrigue est pervertie par de multiples enjeux et personnages, dont le jeune Chérubin, cet adolescent en proie à des pulsions amoureuses incontrôlées.
Déjà invité à diriger à Toulouse « Così fan tutte » en 2011, puis « Don Giovanni » deux ans plus tard, le chef italien Attilio Cremonesi retrouvera la fosse du Théâtre du Capitole pour boucler cette fameuse trilogie de Mozart et da Ponte. Ce dernier avoue : «C’est la première fois que je dirige « les Noces de Figaro » dans leur version scénique. Chaque fois que je reprends la partition, je reste stupéfait devant la qualité du travail dramaturgique de Mozart, devant le caractère joyeux qu’il parvient à insuffler dans les airs mais aussi devant la richesse et la complexité de ses ensembles, en particulier dans les deux finales d’actes. Selon moi, « les Noces de Figaro » demeure un opéra traversé par un souffle de jeunesse, en particulier dans les airs, plus doux, presque “romantiques”.»
Selon le chef, «les thèmes qui reviennent dans le répertoire opératique sont presque toujours les mêmes : amour, pouvoir, lutte entre les classes sociales, jalousie, haine, mais aussi pardon et réconciliation. Les faiblesses humaines et leurs passions sont toujours les moteurs de ces livrets. Da Ponte est un maître absolu lorsqu’il s’agit de créer des intrigues, des fictions à double sens tout en décrivant dans le même temps des sentiments ardents. Et tout cela est transformé en un chef-d’œuvre par Mozart. Combien de compositeurs du XIXe siècle se sont insurgés contre « Così fan tutte » en se demandant comment il était possible que Mozart utilise son génie pour mettre en musique un livret aussi inepte ! Pour moi, les trois œuvres sont des monuments distincts, simplement reliés par un long fil rouge», assure Attilio Cremonesi.
Ce dernier poursuit : «Au langage semi-sérieux de la parole et de la musique d’un Figaro, s’oppose celui élevé du Comte. La perspicacité des attitudes et des expressions de la Comtesse fait contrepoint aux passions (souvent violentes) de Suzanne. Entre ces deux pôles prend place Chérubin, dont la sournoiserie et l’impulsivité sont caractéristiques d’un homme jeune et passionné. La musique de Mozart raconte et décrit chaque détail précis, chaque différence dans la passion, chaque rang social. En ce sens, mon rôle est d’obtenir la plus grande caractérisation musicale pour chaque personnage, afin que les différenciations du livret et de la musique soient présentes dans notre interprétation», prévient Attilio Cremonesi. (photo)
Créée en 2007 à l’Opéra de Lausanne, cette coproduction est signée par le metteur en scène et décorateur Marco Arturo Marelli. Selon lui, «personne avant Beaumarchais n’avait critiqué de façon aussi virulente les privilèges de la naissance, la toute-puissance décrétée d’une noblesse qui n’avait dû que se donner la peine de naître. Une puissante raillerie est également dirigée contre le clergé, les institutions cléricales et les fondements étatiques de l’époque féodale. Tout cela a fait que l’œuvre était interdite en Autriche. Afin de pouvoir tout simplement représenter la pièce, da Ponte a dû diminuer la force explosive politique. Mais en collaboration avec Mozart, la force explosive érotique de la pièce a été augmentée et c’est ce qui rend l’œuvre encore plus intemporelle que « la Folle journée » de Beaumarchais. La révolution de Mozart va plus loin : pour lui il ne s’agit pas seulement de l’égalité hommes femmes dans la société ou de l’abolition des différences entre les classes sociales, mais de la libre autodétermination de l’être humain en soi et c’est ce qui rend son œuvre impérissable.»
Marco Arturo Marelli avoue : «Dans « les Noces de Figaro », il n’y a pas de personnage principal, puisque l’un dépend de l’autre. Certes, Figaro est le personnage titre, mais musicalement, le personnage principal est clairement Suzanne. Dans les ensembles aussi, c’est elle qui tient les fils en main. Le fait que dans certains ensembles la Comtesse soit musicalement subordonnée à Suzanne peut être lu au sens figuré aussi. L’idée de Mozart pour cette pièce est de dire que tous ont la même valeur et importance, c’est son idéal pour la communauté humaine. Jeune metteur en scène, je me sentais sans doute plus proche des personnages de Chérubin, de Suzanne et de Figaro, mais avec l’âge, l’histoire du mariage entre la Comtesse et le Comte a gagné en importance pour moi», termine le metteur en scène.
Le baryton américain Lucas Meachem (photo) interprète à Toulouse le rôle du Comte Almaviva, après avoir chanté sur la même scène celui de Wolfram dans « Tannhäuser ». Déjà distribué au Théâtre du Capitole en Marcello dans « la Bohème » en 2010, la basse uruguayenne Dario Solari revient en Figaro. Pour leur première apparition sur la scène toulousaine, les voix de Nadine Koutcher, Anett Fritsch et Ingeborg Gillebo sont attendues pour servir respectivement la mélancolie de la Comtesse Almaviva, l’espièglerie de Susanna et la jeunesse de Cherubino. Enfin, appréciée la saison dernière en Doña Francisquita, c’est le retour à Toulouse de la soprano espagnole Elisandra Melián sous les traits de Barbarina. Celle-ci donnera également un récital dans la série des Midis du Capitole.
Jérôme Gac
Du 15 au 26 avril,
au Théâtre du Capitole,
place du Capitole, Toulouse.
Tél. : 05 61 63 13 13.
Rencontre avant la représentation, 19h00.
Récital : Elisandra Melián (soprano)
& Miles Clery-Fox (piano),
jeudi 21 avril, 12h30,
au Théâtre du Capitole.
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photo: « Les Noces de Figaro »
© Patrice Nin
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