Journaliste, une périlleuse vocation
Eté 2004, la réélection du républicain George W. Bush est loin d’être gagnée face au démocrate John Kerry. Le 9 septembre, l’émission phare de CBS, 60 minutes, présentée par l’iconique Dan Rather depuis un quart de siècle, lance un énorme pavé dans la mare républicaine en affirmant, documents à l’appui, que George W. Bush a été pistonné afin de ne pas partir au Viet Nam. Tout cela est le fruit d’une longue investigation menée par une équipe de journalistes sous la direction de Mary Mapes.
Immédiatement, une armée de bloggeurs se mobilise pour démontrer techniquement que les documents présentés sont faux tant en termes de format que d’interligne et de typographie. Une commission interne à CBS est réunie afin de juger de l’affaire. Mary Mapes et son équipe sont licenciées et Dan Rather prié de faire valoir ses droits à la retraite (il a alors 73 ans !). L’affaire fait grand bruit, non pas que l’on parle du passé militaire plus que trouble de Bush Jr., mais plutôt parce que le sujet retenu par les médias est le faux-pas de CBS et de son présentateur vedette. L’histoire est plus que vraie.
Le film qui nous la raconte est inspiré, de très près, du livre-témoignage de Mary Mapes. James Vanderbilt signe ici son premier film. Connu avant tout pour ses scénarios (Zodiac, Spiderman, etc.), ce cinéaste-débutant nous laisse un peu sur notre faim car dans sa réalisation il y a deux films. Le premier nous décrit l’enquête d’investigation dans le moindre détail, quitte à nous perdre en chemin. Le second, bien mieux maîtrisé, se focalise sur « la mise à mort » des journalistes. C’est alors que se font jour, si l’on peut dire, les zones d’ombres dans lesquelles se retrouvent journalistes, politiques et financiers. Même si nous ne sommes pas totalement innocents sur le sujet, cette partie-là est aussi édifiante qu’effrayante. Porté par un duo de choc : Cate Blanchett (Mary Mapes) et Robert Redford (Dan Rather) sans oublier des seconds rôles au cordeau, ce film est une ode aux qualités inhérentes au métier de journaliste d’investigation en termes d’indépendance, de résistance, de volonté, de pugnacité et, comme disait Dan Rather à la fin de toutes ses émissions, de courage. Même s’il n’est pas totalement abouti, il s’inscrit dans une longue liste de films sur ce thème (voir le récent Spotlight) qui révèlent, si ce n’est la grandeur, du moins l’urgente nécessité de cette profession.
Robert Pénavayre
« Truth, le prix de la vérité »
Réalisateur : James Vanderbilt
Avec : Cate Blanchett, Robert Redford, Topher Grace, etc.
Durée : 2h06’
Genre : Drame, Biopic
Robert Redford : L’homme qui murmurait à l’oreille de la gloire
Ce Californien qui se voulait décorateur, se tourne très rapidement vers le théâtre. Son premier rôle sur les planches sera celui d’un basketteur. Il a 23 ans. Nous sommes en 1959. Tout naturellement, c’est ensuite la télévision qui s’intéresse à cette gueule d’ange, une plastique qui n’échappera pas longtemps aux limiers du 7ème art. Dès 1961, le cinéma lui fait les yeux doux. Un demi-siècle plus tard, Robert Redford est devenu une icône ayant prouvé son talent autant devant la caméra (Out of Africa et quelques autres 80 titres) que derrière celle-ci (Et au milieu coule une rivière parmi 9 réalisations). En somme une légende vivante dont le parcours révèle en tous points son ancrage démocrate, écologiste et progressiste.