Le Théâtre du Capitole reprend une production de « Rigoletto » signée par Nicolas Joel en 1992. L’Orchestre et le Chœur du Capitole sont dirigés par Daniel Oren, avec le baryton français Ludovic Tézier dans le rôle-titre et le ténor albanais Saimir Pirgu à ses côtés.
Déjà reprise plusieurs fois depuis sa création en 1992 à Toulouse, une production de Nicolas Joel de « Rigoletto » est de nouveau à l’affiche du Théâtre du Capitole. Habitué de la scène toulousaine, Ludovic Tézier, l’un des grands barytons français d’aujourd’hui, interprétera le rôle-titre aux côtés du ténor albanais Saimir Pirgu. Si le premier abordera ce rôle phare de l’opéra pour la deuxième fois seulement – après Besançon, en 2011 -, le second a déjà chanté le rôle du Duc de Mantoue sur de grandes scènes européennes, notamment au Royal opera House de Londres et au Staatsoper de Vienne la saison dernière. La soprano géorgienne Nino Machaidze fera ses débuts au Capitole en Gilda.
Pour cet opéra créé à la Fenice de Venise en 1851, Giuseppe Verdi s’appuie très fidèlement sur le livret de Francesco Maria Piave, inspiré de la pièce de Victor Hugo « le Roi s’amuse ». Comme chez Hugo, le livret mêle le pathétique, le dramatique, le grotesque et le comique. C’est le portrait de Rigoletto, bouffon au service du Duc de Mantoue et père de Gilda. Pauvre bossu complice des agissements de son maître coureur de jupons, il l’aide à enlever des jeunes filles jusqu’à ce qu’il découvre que sa fille est l’une des innombrables victimes du Duc. Pris à son propre piège, Rigoletto médite une vengeance qui se retournera contre lui…
Pour échapper à la censure, le personnage du Duc de Mantoue remplace le François 1er de la pièce de Hugo. Il est interprété par un ténor verdien à la voix enjôleuse, et ses airs sont célébrissimes – tel le fameux «La donna è mobile, Qual piuma al vento, Muta d’accento – e di pensiero. Sempre un amabile, Leggiadro viso, In pianto o in riso, – è menzognero…» (Comme la plume au vent, Femme est volage, Est bien peu sage – qui s’y fie un instant. Tout en elle est menteur, Tout est frivole, C’est chose folle – que lui livrer son cœur. Femme varie, femme varie, Fol qui s’y fie – un seul instant).
Dix-septième ouvrage de Giuseppe Verdi, « Rigoletto » inaugure la «trilogie populaire» du compositeur. Dans les années 1850, ce dernier travaille à l’élaboration d’une nouvelle esthétique plus personnelle et plus brillante. Il parvient ici à créer un langage musical d’une souplesse inouïe, où les airs s’enchaînent avec un naturel irrésistible. Le caractère très vivant et émouvant que la musique injecte au personnage de Rigoletto est assurément l’une des raisons du succès populaire immédiat de ce chef-d’œuvre.
Remarquable chef verdien, Daniel Oren (photo) retrouve la fosse de l’opéra toulousain après de mémorables performances dans ce répertoire, tel ce « Trouvère » bouleversant en 2012, puis « Un bal masqué » la saison dernière. Directeur artistique du Teatro Giuseppe Verdi de Salerne, le chef israélien est invité par les plus prestigieuses maisons d’opéra : Opéra Bastille, Royal opera House de Londres, Vérone, Barcelone, etc.(1) Daniel Oren précise : «Verdi a écrit trois opéras, l’un après l’autre, de 1851 et 1853 : « Rigoletto », « le Trouvère », « la Traviata ». Ce rythme de production lui était habituel. Faut-il rappeler qu’en trois ans également, entre 1842 et 1844, il a composé « Nabucco », « les Lombards », « Ernani » et « les Deux Foscari » ? Et entre 1845 et 1847, il en a produit cinq : « Giovanna d’Arco », « Attila », « Macbeth », « les Lombards » et le remake pour l’Opéra de Paris des « Lombards »: « Jérusalem » !».
Selon le chef, «la différence avec les œuvres précédentes, et ceci plus particulièrement pour « Rigoletto » et « la Traviata », réside dans le choix inattendu de thématiques en prise avec son temps. Il s’agit alors de traiter de la condition humaine de personnages oppressés par le pouvoir, c’est Rigoletto face au Duc de Mantoue, ou bien des effets dévastateurs des conventions sociales, c’est Violetta. (…) Quant au « Trouvère », il est dramaturgiquement un retour à l’antique, qui s’appuie en l’occurrence sur le romantisme espagnol. Nous pouvons dire cependant que ces trois opéras constituent une trilogie car ils sont comme une ligne de partage des eaux dans la production verdienne. Il est incontestable qu’il y a un avant et un après à cette trilogie dans le regard de la critique et du public.»
Pour le metteur en scène Nicolas Joel, «c’est l’apparition de la psychologie dans l’opéra. Ce qui passionne ici Verdi, ce n’est pas l’intrigue en elle-même, mais plutôt la nature profonde des personnages, au premier rang desquels bien sûr Rigoletto. Ce personnage illustre à merveille ce que l’on appellera plus tard, en termes de typologie vocale, le “baryton Verdi”. Il y en a eu avant certes, mais avec Rigoletto, le compositeur trouve le paradigme de ce type de voix. Cette rupture, on la trouve également dans l’abandon de la structure traditionnelle de l’opéra, et plus particulièrement des airs qui font place ici à des scènes.»
Le metteur en scène poursuit : «Je montre donc un père déchiré, obligé par des conventions sociales de jouer un rôle, celui d’un bouffon. On apprend très vite qu’il vit dans le souvenir de sa femme disparue et dans l’amour qu’il porte à sa fille. Tout cela, le compositeur le montre avec un génie sans égal de la caractérisation musicale. On ne peut chanter Rigoletto si l’on n’est pas un grand artiste. Ce rôle réclame des qualités de comédien et des ressources vocales gigantesques. Vu les exigences en tous genres de ce rôle, j’ai toujours essayé d’aider l’interprète. Tout en le guidant dans ce que j’estime être la vérité de l’ouvrage, je me suis constamment placé à ses côtés, que ce soit Alain Fondary ou Juan Pons, pour ne citer qu’eux au Capitole. Aujourd’hui je me réjouis d’avoir à travailler avec Ludovic Tézier sur ce rôle. C’est pour moi un partenaire de longue date et le voir accéder à cet Everest du répertoire pour baryton est pour moi une grande joie», termine Nicolas Joel dans un entretien publié par le Théâtre du Capitole.
Jérôme Gac
Du 17 au 29 novembre,
au Théâtre du Capitole,
place du Capitole, Toulouse.
Tél. : 05 61 63 13 13.
Rencontre, avant la représentation, 19h00.
Diffusion en direct sur Radio Classique,
jeudi 26 novembre, 20h00.
Conférence, jeudi 12 novembre, 18h00 ;
Journée d’étude : «Victor Hugo,
le drame romantique français et l’opéra»,
jeudi 19 novembre, de 9h00 à 17h00.
Au Théâtre du Capitole (entrée libre).
(1) Collaborateur habituel de Daniel Oren, le jeune chef italien Francesco Ivan Ciampa dirigera la représentation du 22 novembre, à 15h00.
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photo: « Rigoletto » © Patrice Nin
–> Toulouse Espace Culture / L’Afficheur Culturel