Sous-sols d’Ulrich Seidl part d’une idée simple : dans leur sous-sol, les gens seraient plus libres, plus eux-mêmes. La chambre est à l’adolescent ce que le sous-sol est à l’adulte : son univers à lui. Le réalisateur nous fait découvrir l’intimité d’Autrichiens, célibataires ou en couple, jeunes ou âgés, homme ou femme.
Les morceaux de vie ou les témoignages face caméra sont tous en plan fixe. Le cadrage toujours judicieux renforce la puissance de ces portraits. Et le montage est tout simplement extraordinaire : le croisement des parcours nous hypnotise de plus en plus. Bienvenue donc dans un monde où on peut chanter de l’opéra dans une salle de tir, où une tête flotte au dessus de trains miniatures, où les obsessions relèvent de la psychiatrie ou seraient condamnées par la loi, où la sexualité est très très libre. Si vous pensiez que Michael Haneke était quelqu’un de malsain, ce film montre que l’Autriche regorge de personnes du même acabit. Tantôt touchant, tantôt hilarant, définitivement grolandais, Sous-sols est un grand film.
Pour la seconde projection de Sous-sols durant la compétition du Fifigrot 2015, le festival avait été assez lucide inconscient pour me laisser l’honneur de le présenter au public. J’en avais profité pour lire la traduction des mots du réalisateur, lorsque Maxime Lachaud, programmateur émérite de cette édition, l’avait rencontré lors du non moins excellent événement qu’est L’Étrange Festival :
L’idée du film est née à l’époque où je travaillais sur le film « Dog Days ». J’ai constaté que les caves en Autriche étaient un lieu de loisir, souvent assez spacieux, plus grand que les lieux d’habitation proprement dit, cela a éveillé mon intérêt. D’un autre côté, c’est un lieu ambigu car il a plusieurs significations. C’est aussi un lieu qui est sombre, un lieu de la peur, un lieu du crime, un lieu où les gens commettent des abus. C’est cette ambivalence qui m’a intéressé, entre d’un côté le loisir, le temps libre, l’endroit où on assouvit ses désirs et de l’autre côté la terreur. C’était le point de départ. À cela s’ajoute l’aspect de double vie, un symbole des abîmes, des gouffres de certains Autrichiens. Le symbole de nos abîmes à nous, et lorsque vous voyez le film, vous ne devez pas oublier de vous demander dans quelle mesure vous-mêmes vous allez à la cave et dans quelle mesure cela concerne aussi vos propres abîmes.
Je conclurai ici comme je l’ai fait en salle : si vous sentez une ressemblance entre vous et l’une des personnes du film, ce n’est pas bon signe !
Retrouvez l’intégralité de l’interview d’Ulrich Seidl par Maxime Lachaud ici.
Merci à Maxime Lachaud, Yohann Cornu, Emmanuel Vernières, et Ulrich Seidl.