En 2012, la lecture de La lettre qui allait changer le destin d’Harold Fry arriva le mardi… nous avait bouleversés. Où il était question d’Harold, un homme bon, simple, presque naïf, qui reçoit un mardi matin une lettre qui va changer sa vie. C’est Queenie qui lui a envoyée. Elle est une ancienne collègue de travail qui a toujours eu un sentiment amoureux envers Harold mais qu’elle n’a jamais exprimé pour plusieurs raisons.
D’abord Harold est marié, ensuite Harold ne lui a jamais démontré un quelconque attachement. A la suite d’un drame qui a touché au plus profond la famille d’Harold, drame dans lequel Queenie estime avoir sa part de responsabilité, celle-ci quitte son travail et cette petite ville anglaise pour littéralement se réfugier très loin à la frontière écossaise.
C’est de là qu’elle lui envoie, longtemps après, sa première lettre. Une lettre dans laquelle elle lui explique atteindre la fin de sa vie. Derechef Harold abandonne son petit confort provincial et part, à pied, rejoindre Queenie, accomplissant ainsi une sorte de pèlerinage, parfois picaresque, sur les routes de la Blanche Albion, persuadé que Queenie l’attendra avant de partir.
Le présent livre n’est pas une suite à La lettre qui… car l’histoire est parallèle chronologiquement mais vue depuis la maison de soins palliatifs dans laquelle Queenie décline lentement mais inexorablement. Avant le terme qu’elle sait proche, elle veut s’affranchir de tout ce qu’elle n‘a pas dit à Harold. De son amour à sa relation équivoque avec son fils disparu tragiquement, elle va confier ses ultimes pensées à une infirmière au nom étrange : Mary Inconnu…
Elle va aussi remplir des pages et des pages de signes, elle qui ne peut pratiquement plus écrire. Et surtout Queenie va attendre l’arrivée d’Harold en même temps que tous les malades de cette unité de soins. Rachel Joyce nous fait vivre ces semaines d’espoir balayé souvent par la Grande Faucheuse, car pour tous le temps se contracte. Elle nous décrit ces scènes de la vie quotidienne avec franchise, subtilité, émotion bien sûr et en évitant de sombrer dans le mortifère, soulignant plutôt la force du peu de vie qui anime les pensionnaires.
A la fin, la gorge nouée, nous comprenons que nous avons lu deux livres en un et nous en restons totalement bouleversés. Queenie voulait partir en paix et sa confession épistolaire prend ici la forme du roman dramatique d’une vie à côté de laquelle deux âmes n’ont fait que se croiser. C’est en tremblant d’émotion, les yeux embués, que l’on se résout à tourner la dernière page et à refermer ce livre.
Robert Pénavayre
une chronique de ClassicToulouse
« La Lettre de Queenie » roman de Rachel Joyce – XO Editions – 347 pages