Les Grands interprètes ont une nouvelle fois invité Raphaël Pichon et son Ensemble Pygmalion et le public est venu très nombreux. Les qualités de ce jeune chef ne cessent de se développer et dans bien des répertoires. Après une messe en si magnifique en 2013, ici même, nombreuses étaient les attentes pour cet autre chef d‘œuvre, la Messe en ut de Mozart. Raphaël Pichon a choisi d’enrichir cette messe incomplète par trois motets des frères Haydn, amis du divin Mozart. Même si ainsi sans entractes le concert a duré presque deux heures, le temps a filé sans pouvoir être compté. Les qualités de Pichon sont celles d‘un esthète. Les sonorités riches, variées, les nuances très développées autant à l’orchestre que dans les choeurs, la souplesse des phrasés soutenant les solistes, toute cette beauté est mise au service des partitions pour en rendre la structure limpide. Ainsi le motet avec orchestre de Joseph Haydn al permis de comprendre la différence stylistique entre les deux compositeurs qui étaient grands amis. Structures plus clairement affirmées chez Haydn, et sections plus opposées, quand Mozart par un geste souple fait passer de l’air d’opéra aux choeurs fugués puis aux moments chambristes, avec une évidence confondante.
Michael Haydn est un compositeur plus proche de la sensibilité mozartienne. Ses deux Motets a capella ont une belle profondeur et une intensité troublante. Ainsi complétée par des pièces de choix, la Grande messe en ut devient une action de grâce à la beauté du monde de la musique fêtant tous les genres vocaux.
Une autre qualité de Raphaël Pichon est sa sureté de choix pour les chanteurs. Dès leur duo, les deux dames aux timbres complémentaires offrent des moments
de grande musicalité en mêlant leurs voix. Chacune dans son solo a ébloui par la facilité et le rayonnement de son chant. Le “Laudamus te” de Marianne Crebassa est enjoué et profond à la fois. L’ “Et incarnatus est” de Joelle Harvey ouvre les portes de la musicalité chambriste la plus voluptueuse. Les deux hommes ont aussi brillé, surtout le ténor Krystian Adam au timbre mozartien, mais trop peu en raison de leurs trop courtes interventions en ensembles.
Le choeur généreux et précis, engagé à la vie à la mort, a été merveilleux de bout en bout, dans les doubles choeurs avec puissance, comme les moments *a capella* avec une grande délicatesse. Les échanges de sourires entre les choristes et le chef disent bien la complicité qui les unit. L ‘orchestre est plein de fougue également virtuose et précis.
La gestuelle très souple de Raphaël Pichon permet aux arabesques de la musique de se déployer avec une grande liberté. Les moments de tension et la précision qu’ils requièrent, n’en prennent que davantage de force. Une magnifique équipe, un chef charismatique et généreux sont les éléments de ce succès, défendant totalement des partitions revisitées et magnifiées.
chronique publiée sur clasiquenews.com