Quand on prononce l’acronyme DJ, l’image du pousseur de disques dans la cage de verre d’un night-club qui s’appellerait « Le Nite Klub » est assez loin. Celle d’une superstar à coiffure christique en résidence perpétuelle à Ibiza, est, quant à elle, un peu trop proche.
Entre ces deux clichés, la nuit appartient à des artisans du son, brodant leurs sets comme des paillettes sur le plastron d’une robe de soirée.
Toulouse est riche de ces petits mains. Parmi elles, c’est dans le quartier des Carmes que s’est installé DJ No Breakfast.
Parce que la musique est, avant tout, une passion et qu’une passion se partage, DJ No Breakfast possède un site internet, construit comme un journal extime. On y découvre ses collaborations, ses rencontres, ses voyages, ses enthousiasmes. On peut, aussi, y écouter ses mixtapes à la lumière diurne.
Il y a beaucoup de choses à apprendre sur djnobreakfast.tumblr.com.
Par exemple : de la même manière qu’il existe des films de genre, il existe, aussi, des mixs de genre.
Celui de DJ No Breakfast révèle une connaissance extensive de la production musicale des années cinquante à nos jours, avec un faible pour les musiques du Monde. On imagine facilement les centaines d’heures de digging* nécessaires à cette récolte. Mais parce qu’il ne suffit pas d’être érudit pour être DJ, le Toulousain affirme une science du collage égale à une anthropologie de la fête internationale.
A la lisière de la fiction radiophonique, ses sets mêlent sons naturels, bribes de conversations et beats lointains, assemblent genres musicaux oubliés (comme le calypso) et méconnus (tel le hip- hop turc). C’est pointu (mais plaisant), insolite (mais excitant), raffiné (mais grisant comme un Martini Dry).
Aucun doute n’est possible sur la capacité de DJ No Breakfast à composer des mixs permettant aux gens d’oublier leurs pesanteurs. Néanmoins, son travail affiche, aussi, une vertu pédagogique: celle de savoir faire la différence entre consommer la musique et l’entendre vraiment.
Ce zèle explique, probablement, la singularité de ses propositions et de ses renoncements. Ne comptez pas sur lui pour diffuser le dernier tube, ni le prochain d’ailleurs. Son engagement esthétique est ailleurs.
Devant cette démonstration de tempérament, on se rappelle que les gens les plus séduisants sont ceux qui ne cherchent pas à plaire, pas à tous, pas à tout prix.
Disponibles sur son site, les mixtapes de DJ No Breakfast suggèrent que c’est sérieux, le métier de DJ, et que c’est cette rigueur qui donne toute sa matière à la fête.
Et maintenant ? Dansez. Vous le voulez.
* digging : terme désignant la recherche perpétuelle de raretés musicales
Cinq questions à DJ No Breakfast :
On sent, dans vos mixs, une grande précision narrative, quelque chose qui les rapproche de scenarii. Définir la bande-son d’une nuit, c’est un travail de mise en scène ?
Merci, je laisse la mise en scène aux scénographes, en ce qui concerne la musique, mes dj sets sont toujours préparés, certes, mais toujours de façon à laisser une grande part à l’improvisation, au ressenti par rapport au moment, au lieu, aux gens et mon humeur personnelle bien sûr. Je ne pense pas que l’on puisse vraiment parler de précision dans mon travail, je parlerais plutôt d’une certaine sensibilité : savoir adapter ses sélections musicales pour rester toujours en osmose avec le public. Nous sommes des funambules toujours sur le fil, l’attention du public est souvent dure à obtenir, mais encore bien plus dure à garder. C’est une histoire que l’on raconte sans jamais connaître son dénouement, mais je pense que c’est justement de ces contraintes que naissent les meilleures créations.
Vous collaborez souvent avec des plasticiens et vidéastes. Quelles influences ces collaborations visuelles ont-elles sur votre travail musical ?
Effectivement, je suis passionné d’images, plus jeune, j’ai étudié le dessin, l’histoire de l’art et la photographie, je me suis même essayé au graffiti un temps (je me suis fait très vite attraper). Ces moments de collaborations sont effectivement précieux, car ils me sortent de ma solitude! (ahaha !) Non plus, sérieusement, ils me permettent généralement de changer mon costume d’entertainer du dancefloor » en celui d’artiste de galerie ». Je peux ainsi m’exprimer librement et proposer une bande- son encore plus personnelle, plus excentrique, plus expérimentale, plus propice au foisonnement de l’imagination.
Vous êtes la moitié du duo « Guachafita », projet musical tournant autour de la musique d’Amérique Latine. Si je ne m’abuse, « Guachafita » est un mot de la Région Caraïbe de Colombie, signifiant « vacarme », ou « chahut ». Il s’avère que vous revenez d’une tournée au Pérou et en Colombie. Quels sont vos liens avec ces pays (réels et/ou affectifs) ?
Oui « Guahcafita » est effectivement un mot d’argot colombien qui signifie le « chahut ». L’idée est de proposer une alternative à la domination des majors de l’industrie musicale, qui malheureusement standardisent la musique à l’échelle planétaire, laissant souvent très peu de place à l’originalité. Avec mon compère Laundrymix, l’autre moitié du duo Guachafita, on a décidé de faire la part belle à la culture underground des pays d’Amérique Latine et d’Afrique, mais pas seulement, du Moyen- Orient, d’Inde ou d’Asie. Plus généralement, nous défendons tous les artistes qui se passionnent pour d’autres cultures et qui utilisent des influences, des « samples », des rythmes de ces pays lointains dans leurs compositions. Je vous invite à découvrir quelques styles d’urgence: CUMBIA – BAILE FUNK – KUDURO – TARRAXO – ZOUK BASS – MAMBO DE CALLE – DEMBOW.
La question que Guachafita pose : est ce que de nos jours la communication et le marketing à outrance ne masqueraient pas un manque cruel de talent et d’originalité? N’est ce donc pas justement le travail du DJ que de dénicher les courants musicaux émergeant et les talents de demain?
Pour revenir à l’Amérique Latine, j’ai eu la chance de partir travailler au Mexique après le bac, j’avais envie d’aventure, hey bien, je n’ai pas été déçu ! Quelle expérience incroyable et quelle claque pour un petit blanc bec de dix-huit piges. Je pense que j’ai gardé au fond de mon cœur un attachement profond pour ce continent , sa culture, son amour inconditionnel de la musique, de la danse et de la fête!
Y a t-il une chose très importante que les gens devraient savoir sur votre travail et que vous aimeriez leur dire ?
( j’hésite entre deux réponses totalement différentes )
Oui, hey bien, justement que DJ c’est un travail! Un dj set représente des heures et des heures de préparation, de solitude, de recherche, d’écoute pour quelques heures d’euphorie pure. ( ou alors )
« Open your mind and your ass will follow! » ahahah!
Pouvez-vous nous donner l’un de vos sites webs favoris ?
SOUNDCLOUD : http://soundcloud.com
Probablement encore une des meilleures plate-formes pour découvrir des artistes des quatre coins de la planète.
Eva Kristina Mindszenti
Sites Internet
tumblr : http://djnobreakfast.tumblr.com/
mixcloud : http://mixcloud.com/djnobreakfast
site de guachafita : http://guachafita.fr
Festival des Cinémas Indiens de Toulouse
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