Martin Vlach est Tchèque et photographe. Ce sont les deux seules informations que l’on possède sur lui, et c’est presque obscène, dans un World Wide Web aussi bavard et bruyant qu’un million de journaux intimes déclamés simultanément.
Son site, martinvlach.tumblr.com, lui ressemble : c’est un modèle d’ascétisme. Aucune tentative scénographique ici: le patronyme de l’artiste sert d’entête à une page où des clichés en noir et blanc se succèdent en déroulement perpétuel. Pas d’introduction, pas de présentation. Légère tentative d’égayement tout de même: il y a un lien vers son Twitter, très pratique si vous lisez le Tchèque, et un lien Lastfm, au cas où vous aimeriez la même musique que lui.
C’est peu. Pourtant, dans ce dénuement, le site s’avère être une grande réussite formelle.
Alignant les photos avec une précision métronomique sur un fond d’une austérité absolue, Martin Vlach dégage son œuvre de toute autre contrainte esthétique que celle qu’elle véhicule déjà. Son site est un mur de photos, et vous ne verrez qu’elles. C’est beaucoup mieux comme ça.
Sans titre pour les individualiser, les œuvres partagent la puissance très subtile d’une clarté crépusculaire. Leur succession construit une atmosphère fantasmagorique, où chaque cliché se nourrit du mystère du suivant et du précédent. Car c’est bien le mystère qui sous-tend cette œuvre. Mystère d’un brouillard permanent. Énigme de corps qui tombent et de cétacés qui s’élèvent dans les airs. Secret de silhouettes dressées en pleine forêt ou au centre de landes désertes.
En photographie, il existe deux sortes d’instants : celui qui capture le mouvement et inscrit son sujet dans une dynamique perpétuelle et celui qui, au contraire, l’immobilise dans une posture immuable. Le moment capturé s’en trouve alors dilaté, jusqu’à atteindre, non pas l’éternité, mais plus vaste encore : l’intemporalité.
Ce sont ces moments là que travaille Martin Vlach.
Contemplatives et intériorisées, les photographies du Tchèque proposent un univers doté d’une très grande qualité d’espace, de silence et de lumière : très loin des bruissements incessants des espaces réels de la vie ou virtuels d’internet.
Au-delà de sa beauté évidente, son travail témoigne, surtout, de l’autorité narrative inhérente à l’image. Quand un seul regard suffit à vous plonger au cœur d’émotions complexes ou à provoquer une attente.
En ce sens, les photographies de Martin Vlach sont, aussi, un travail littéraire. Il est le cadet des frères Grimm. La quatrième sœur Bronté. Plus probablement : le troisième frère Čapek.
Plutôt que de les voir, peut-être faudrait-il mieux lire les photographies de Martin Vlach. Et leurs histoires hors du temps. Hors, même, de l’éternité.
Quatre questions à Martin Vlach :
Vos photographies évoquent des explorations intérieures. Elles donnent l’impression d’avoir été très patiemment élaborées. C’est le cas ?
C’est plutôt le contraire. Si vous voulez créer quelque chose d’honnête et d’émotionnel, il ne faut pas trop le préparer.
Vous utilisez la photographie (parfois considérée comme l’art du réel) pour créer des univers oniriques. Pour vous, la création artistique est-elle un amplificateur de réalité (exacerbant ses émotions, ses équilibres et déséquilibres) ou est-ce, au contraire, un moyen de s’en éloigner ?
Le deux, il me semble. Pour moi, au départ, c’était un échappatoire à la réalité, mais au final, ces photos expriment les émotions réelles que j’avais en les créant.
Y a t-il une chose très importante que les gens doivent savoir sur vos photographies et que vous voudriez leur dire ?
Peut-être qu’ils ne devraient pas trop réfléchir dessus. Ils ne devraient pas chercher à savoir comment elles sont fabriquées.
Pourriez -vous nous donner l’un de vos sites web préférés ?
J’aime vraiment beaucoup Freude von Freuden (http://www.freundevonfreunden.com/)
Eva Kristina Mindszenti
Site internet de Martin Vlach : http://martinvlach.tumblr.com/