Depuis un certain concert réunissant Bernstein et Gould dans ce même concerto, la question de Bernstein « who is the boss ? » est pour certains close, le chef c’est le pianiste. Je n’en suis pas certain et ce soir je reste sur un doute. Peut être les tempi étirés viendraient de la demande du pianiste. En tous cas Adam Laloum, si c’est le cas, méritait un meilleur orchestre et un meilleur chef. Que s’est t il passé pour que les cordes paraissent si fatiguées, pas propres dans certaines fins de traits ?
Adam Laloum méritait mieux
Le manque d‘ampleur des violons semblait indigne des progrès réalisés depuis ces dernières années. Alti discrets et violoncelles timides… Ce n’est pas cela l’orchestre du Capitole ! Seule la timbale très présente, les cors (en de magnifiques soli) et les bois faisaient honneur à la vaste partition de Brahms. Le chef a su ménager de beaux moments tout particulièrement dans l’Adagio. Mais peu de construction d‘ensemble ou des phrasés brutaux gâchaient des qualités indéniables de précision rythmique et de couleurs. Le piano d’Adam Laloum est tout de délicatesse et de poésie sans pourtant être insuffisant dans les moments puissants ou techniquement redoutables. Les moyens sont là mais c’est la délicatesse du toucher, le sens des phrasés et les nuances subtiles qui font de cet artiste un poète du piano. Oubliant que Brahms était relativement jeune lorsqu’il composa son premier concerto, il lui donne toute la profondeur que le compositeur atteindra plus tard et qui n’est ici qu’habituellement suggérée. Le bis offert, un Intermezzo de l‘op.117, a eu les qualités lunaires et mélancoliques de la poésie du « vieux Brahms » avec un sens du legato… crémeux.
Pour la deuxième partie l’orchestre, s’étoffe et le son a complètement changé. Les violons ont retrouvé leur superbe brillance, les violoncelles leur velours et les contrebasses leur forte présence. L’orchestre a brillé de mille feux, les couleurs ont explosé et la lumière a été aveuglante. Kazuki Yamada a offert une lecture stimulante du premier poème symphonique Don Juan de Richard Strauss, écrit à 24 ans. Mais la théâtralité du récit a manqué. En final la grande suite du Chevalier à la rose qui à notre goût, donne trop de place aux valses d‘Ochs et pas assez au sublime du trio final, a été un moment de jubilation orchestrale kaléidoscopique sans lien entre les moments. Certes ce n‘est pas dans cette suite que les qualités de construction du discours musical sont attendues mais le chef japonais semble avoir choisi l’hédonisme du beau son au détriment de la construction et de la fluidité du discours. Les musiciens d’orchestre libres de s‘exprimer n’ont pas caché leur plaisir et le public a répondu avec joie à ce choix interprétatif facile. Il n’est pas certains que d’autres répertoires plus exigeants s’en trouveront bien. Le premier concerto de piano de Brahms a souffert de ce manque de capacité à remplir le vaste tempo que le pianiste avait su, lui, habiter de sa sensibilité. Nous restons charmés par les qualités musicales d’Adam Laloum qui a été un peu trop seul dans le concerto.
Halle-aux-Grains, le 14 mars 2015 ; Johannes Brahms (1833-1897) : Concerto pour piano et orchestre n°1 en ré mineur, op.15 ; Richard Strauss (1864-1949) : Don Juan op.20 ; Grande suite du Chevalier à la Rose (1946) ; Adam Laloum, piano ; Orchestre National du Capitole de Toulouse ; Hazuki Yamada, direction.