On ne va pas quitter Richard Wagner aussi vite. Après Tristan et Isolde au Théâtre du Capitole, changement de direction et tout droit le mardi 24 février pour 20h15 au cinéma CGR de Blagnac pour Le Vaisseau fantôme en direct du Royal Opera House de Londres, autrement dit EN DIRECT de Covent Garden. Vous serez confortablement installé pour une vingtaine d’euros et vous aurez évité un aller-retour Toulouse-Londres plus une nuit d’hôtel plus, le meilleur marché du voyage, un fauteuil d’orchestre à quelques 190£ l’unité ! une poignée de livres !
L’opéra est chanté en allemand sous-titré en français, d’une durée d’environ 2h 20 et divisé en trois actes.
ILLUS
Tout d’abord, la production dans son ensemble :
Chef d’Orchestre – Andris Nelsons
Metteur en scène – Tim Albery
Décors – Michael Levine
Lumières – David Finn
Costumes – Constance Hoffman
Gestin de l’espace – Philippe Giraudeau
Le Hollandais – Bryn Terfel – baryton-basse
Senta, fille de Daland – Adrianne Pieczonka – soprano dramatique
Daland, navigateur norvégien – Peter Rose – basse
Steersman ou le Timonier – Ed Lyon – ténor
Mary, gouvernante de Senta – Catherine Wyn-Rogers – mezzo-soprano
Erik, un chasseur – Michael König – ténor
Chœurs et Orchestre du Royal Opera House
Pas la peine de chipoter, ce Vaisseau va attirer la foule d’abord par la présence du gallois …Bryn Terfel. Ce basse-baryton, comme il se définit, est un “monstre“ de scène et de chant. Son émission est d’un naturel confondant, forgée à l’école du récitatif mozartien, il a marqué tous ses rôles, de Don Juan en passant par le Comte, de Falstaff à Wotan, de Mephisto à Scarpia (mais il a commencé par Angelotti !), de Jochanaan à l’Orateur, du Messager des Esprits à Hans Sachs, de Wolfram à Créon, …si l’on n’envisage que les rôles sur scène. Mais peut-on se contenter d’un Bryn Terfel uniquement pour le chant ? L’artiste le reconnaît, il lui faut la scène et donc, le public. Au Covent Garden, il est comme chez lui. Mozartien au départ, il a basculé dans l’univers des rôles wagnériens convenant à sa tessiture. Mais son rôle fétiche, Falstaff, est toujours bien présent.
Autre parenthèse, quand on a vécu les chants des supporters des équipes de rugby dans les enceintes galloises ! on pense tout de suite à l’importance des eisteddfods, ces concours de chant régulièrement organisés entre différents villages du nord et du sud du pays de Galles. Bryn Terfel a connu l’émulation de ces concours. « J’ai moi-même chanté des airs populaires dès mon plus jeune âge ». C’est une contrée où la tradition artistique est très vivante avec de nombreux amateurs animant chorales, fanfares, un véritable vivier.
Senta, la fille de Daland, le marchand norvégien, c’est Adrianne Pieczonka, soprano canadienne. Elle se produit sur les plus grandes scènes de l’art lyrique de Vienne au Met en passant par la Scala, Salzbourg, Paris……Elle fut la vedette de la reprise de Der Fliegende Holländer à Paris en octobre 2010. Un large répertoire dû à des goûts très éclectiques dans lequel Wagner occupe une place prépondérante. Ce furent Freia, puis Eva, Elsa, Elizabeth, Sieglinde et Senta. Elle vous dirait qu’elle a cette musique du compositeur allemand dans la peau et que plus elle la chante, plus elle l’aime.
« Le rôle de Senta n’est pas très long mais vocalement très exigeant, à la fois dramatique et aigu, avec de nombreux si naturels. Je n’ai pas voulu l’aborder trop tôt, et je l’envisage de manière plutôt lyrique. Senta ne vit pas vraiment dans un monde réel, elle cherche à échapper à son ennui quotidien en se réfugiant dans le rêve, à un tel point qu’on se demande si elle n’évolue pas vers la folie. »
Autre atout : ce sont les chœurs, et l’orchestre. L’importance des premiers dans l’ouvrage est telle que la représentation peut tourner à la catastrophe s’ils se révèlent insuffisants. Pas d’angoisse ici. On est au Covent Garden.
De plus, à la baguette, nous avons une nouvelle star de la direction d’orchestre, et d’opéra, le jeune letton Andris Nelsons. Il faut avoir dans l’oreille son sensationnel Lohengrin à Bayreuth en 2010. Il sait vous rendre incroyablement vivant toutes les forces vives du plateau, aussi bien les musiciens que les choristes et les solistes avec toute son énergie et sa vigueur. Lyrisme, fluidité, délicatesse et fondu de la lecture de l’œuvre, voilà quelques qualités du bonhomme.
Opéra très visuel, la mise en scène a son importance. Avec ses acolytes aux décors, costumes et lumières, et même gestion de l’espace, Tim Albery se concentre sur la psychologie et l’idéalisme du capitaine solitaire grâce à un décor minimaliste centré sur le Vaisseau fantôme, la pittoresque maison de Senta et la mer impétueuse.
Un peu d’histoire
Condamné par le diable à errer sur les mers parce qu’il a, un jour, osé défier la tempête soulevée contre lui par les dieux, le Hollandais ne peut espérer trouver le salut que dans la fidélité d’une femme, un cœur fidèle jusqu’à la mort, dont l’amour lui apportera la Rédemption. Tous les sept ans, il lui est permis de faire escale à terre pour poursuivre sa quête. Au cours d’une de ces étapes, il rencontre un marchand sur son bateau, pris lui aussi dans la tempête, avec lequel il se lie d’amitié et lui propose d’épouser sa fille, lui faisant miroiter maints trésors. Le marchand, plutôt cupide, lui promet.
Dans la maison de son père Daland, la jeune fille Senta attend son fiancé Erik, toute absorbée dans la contemplation d’un vieux tableau, portrait fidèle du Hollandais volant tel qu’on l’avait vu en Ecosse cent ans plus tôt. Dès que le Hollandais lui apparaît, accompagnant son père, elle ne le quittera plus des yeux, et lui jure fidélité jusqu’à la mort. Le personnage du tableau est devant elle et elle doit le sauver. Chose que son fiancé putatif Erik ne peut comprendre. C’est lors d’une dispute dont est témoin le Hollandais que celui-ci, croyant à une infidélité de Senta, n’a plus qu’à repartir sur les flots, reprenant sa quête, pendant que Senta se jette dans la mer. Alors, le vaisseau peut s’abîmer enfin, son capitaine et l’équipage.
L’Ouverture est un véritable petit chef-d’œuvre en soi qui résume admirablement, du point de vue musical, les données du poème. La musique de cette Ouverture “colle“ au poème comme la chair aux os. Somptueuse, grandiose, c’est une sorte de grand portique sonore qui nous introduit immédiatement au cœur du drame, en pleine tempête, dans ce monde fascinant et angoissant de la légende du Hollandais volant maudit. Elle fut composée en dernier. C’est un “tube“ de toute compilation qui se respecte consacrée à des ouvertures d’opéras. Il en est de même, d’ailleurs, pour toutes les interventions des chœurs, chœur des fileuses, chœur des matelots…
Comme dans tous ses autres drames, Wagner a rédigé lui-même le poème qui sert de livret et composé la musique de son Hollandais Volant, Der Fliegende Holländer, ou du Vaisseau fantôme. Après bien des vicissitudes , l’œuvre sera créée le 2 janvier 1843 au Théâtre Royal de la Cour à Dresde, très peu de temps après son opéra Rienzi que nous avons eu la chance de voir représenté à Toulouse, pour la première fois, il y a peu, en octobre 2012. Malgré plusieurs opéras déjà écrits, ce Vaisseau, Wagner le considère comme son premier opéra digne d’un festival, jugeant cette œuvre comme une charnière importante dans son évolution artistique.
La légende du Hollandais volant est le premier poème populaire l’ayant profondément ému. La trame, déjà rencontrée chez un certain Henri Heine, n’existe que de manière grossière dans la légende populaire, de sorte qu’il faut tout le talent d’un poète pour lui donner une forme littéraire. C’est à que, force est de reconnaître malgré tous ses détracteurs que Wagner est aussi un poète en plus d’un compositeur. Cet opéra, avec force il voudra le débarrasser de l’étiquette « romantique », car n’ayant rien à voir avec l’univers fantastique de l’opéra romantique, avec son nationalisme et son folklore.
La ballade de Senta constitue, bizarrement peut-être un des premiers morceaux que Wagner mit en musique. C’est dans cette ballade que se trouve le germe musical qui se développe progressivement pour recouvrir le drame tout entier. Wagner veut créer un « véritable drame musical ». Le Vaisseau fantôme ne devra contenir ni arias, ni duos, ni trios. Que la mélodie dût naître à partir de la déclamation était une exigence que Wagner s’imposa rigoureusement lors de la réalisation de ce drame musical.
Michel Grialou
Opéra en direct du Royal Opéra House de Londres
Cinéma Méga CGR de Blagnac – mardi 24 février 2015 à 20h15