Tout commence à l’enterrement de Lucette où Antoine son âme sœur depuis 54 ans, retrouve ses partenaires de toujours, Mimile et Pierrot, pour le soutenir.
Et voilà ces trois vieux, aux gueules dignes du meilleur Audiard et à la gouaille bien fournie, partis dans leurs souvenir d’antan. Pourtant, le lendemain, au retour de son rendez-vous de chez le notaire, Antoine se précipite dans la maison et repart armé de son fusil sans plus d’explication. Les deux compagnons ne tardent pas à savoir le pourquoi et à se lancer à sa poursuite, puis à reprendre leur éternelle lutte contre les laboratoires pharmaceutiques du richissime Garan Servier, leur ennemi de toujours.
Voilà comment commence ce road-movie vers la Toscane, pour éviter que leur ami ne commette l’irréparable. Accompagnés de la charmante et non moins caractérielle Sophie, petite fille de Lucette, dominée par ses hormones au vue de son état.
Nos trois papis anarcho-syndicalistes sauront vous séduire et vous embarquer sans restriction dans cette course-poursuite à l’élan des meilleures comédies italiennes des années 60 à 70 (les monstres…), où la rudesse des personnages s’allie à une poésie et une sagacité sans fin.
L’auteur sait créer un fil conducteur, lâchant par petites grappes le passé agité de nos protagonistes, nous permettant ainsi de nous imprégner de leur amitié aussi indéfectible qu’intemporelle, baignant le tout dans une réalité actuelle aussi vraie que difficile.
Avec « Les vieux fourneaux », Wilfried Lupano confirme qu’il fait partie des grands crus de scénaristes de BD, rien d’étonnant car né en 1971 comme mon auguste personne, super millésime s’il en est.
De plus, ce Toulousain d’adoption va chercher son inspiration dans notre vie de tous les jours et quoi de mieux comme laboratoire in vivo qu’un bar comme « Le Filochard » dont il est le propriétaire, entre autres lieux de la nuit toulousaine, pour puiser sa matière première.
Quant au trait qui anime avec force et caractère les illustrations, c’est celui de Paul Cauuet, encore un Toulousain, et il en fallait pour ne pas trahir notre chère triplette. Même si le dessin reste simple et épuré, il n’en est pas moins sincère et authentique rendant des plus expressives cette formidable et attachante aventure humaine.
A la fois vaudeville truculent et satire de la société individualiste et consommatrice, cette œuvre va vous conquérir de manière insidieuse jusqu’à ne plus vous lâcher.
Demandez donc son avis au jury qui lui a remis le Fauve d’Angoulême, autrement dit le prix du public 2015 !
Alors, comme le dit l’adage « c’est dans les vieux pots que l’on fait les meilleures soupes » : faites chauffer les (vieux) fourneaux, et à table !!!
Juan Bub
Les Vieux Fourneaux, Tome 1 – Ceux qui restent, Wilfrid Lupano et Paul Cauuet. Dargaud, 2014.