Les cadres bougent. La rubrique Musique du Théâtre Garonne semble s’étoffer. En collaboration avec la Librairie Ombres Blanches, ce sont deux soirées, les 23 et 24 janvier, consacrées aux deux compositeurs Schumann et Bach, comme l’a souhaité Adam Laloum. Une confrontation à l’évidence, originale. Les programmes seront différents et ne cherchent pas à tout prix l’exceptionnel, les œuvres interprétées étant connues de tous les mélomanes amoureux du piano.
Par contre, nous sommes impatients de savoir le sort qu’Adam Laloum va faire de chacune, le jeune pianiste étonnant son auditoire pratiquement à chacune de ses apparitions en concert que ce soit en récital ou comme concertiste. Pour le dire simplement, l’artiste ne joue pas qu’avec ses doigts déclenchant alors chez l’auditeur comme une sorte d’attraction. Jeu captivant car très singulier, interrogateur. « Jouer avec son cœur, c’est déjà pas mal. » a-t-il pu confier.
Un analyste de haut vol vous dirait : « Pourtant, il y a un mystère Laloum, qui émeut, fascine ou dérange, en tout cas impose le respect : plus il se produit, et moins on le connaît. Plus l’artiste se livre, et plus les ressorts secrets de son jeu se dérobent. »
Vous vous devez de consulter cette adresse qui vous apprendra beaucoup sur le pianiste et vous donnera aussi quelques clés sur ses choix délibérés d’interprétation. De cette “bio“, je retiendrai les quelques phrases suivantes : « Evidemment, l’époque dans laquelle nous vivons, exige une grande solidité mentale, mais Schumann est mort fou, Chopin était très dépressif, et je crois que pour être un bon interprète, il faut une sorte d’empathie, essayer de pénétrer dans le monde des compositeurs, cela demande beaucoup d’intelligence et de sensibilité. Les expériences de la vie (intérieure et extérieure) sont très importantes, elles font les interprètes que nous sommes. Il me semble que parfois, on perd le sens des priorités, la dimension artistique de notre métier, bien que nous ne soyons que des interprètes. »
Que je complèterai encore par ces clés, clés qui vous aident à mieux “rentrer“ dans telle ou telle de ses interprétations, liées à un besoin de sa part, semble-t-il, de modestie et d’effacement devant le compositeur. Des qualités que l’on ne retrouve pas chez tout interprète ! « …Je crois que nous aimons tous quand la musique est jouée naturellement, je fais donc tout mon possible pour préserver ce naturel, qui nous échappe si souvent et que l’on peine à retrouver. Un naturel déjà faussé à la base par nos connaissances et nos névroses…Souvent ce naturel n’arrive qu’après des heures de “prises de tête“ avec la partition, c’est un moment plutôt gratifiant dans le travail d’interprétation. »
Le programme est le suivant :
vendredi 23 à 20:30
Schumann 20’
Kinderszenen opus 15 (Scènes d’enfant)
Bach 16’
Concerto Italien en fa majeur
Schumann 26’
Humoreske opus 20
samedi 24 à 20:30
Bach 25’
Partita no6 en mi mineur
Schumann 33’
Études Symphoniques opus 13
Le 23, il donne de Robert Schumann, en ouverture de concert, les Scènes d’Enfants, ce cycle de treize pièces courtes composées en 1838, il a vingt-huit ans, en pleine période d’intense production pianistique. Derrière la simplicité et l’apparent dépouillement d’une œuvre par ailleurs facilement accessible aux pianistes amateurs, se cache l’une des productions les plus secrètes et les plus subtiles de leur compositeur. En seconde partie, ce sera la fantasque Humoreske, opus 20, la Grande Humoresque en si bémol majeur. Quelques mots sur l’œuvre en question, et sur une autre, la Sonate op.11, les deux associées dans sa réponse, deux grandes partitions, l’une et l’autre.
« J’apprécie la grande forme. C’est le cas de la Sonate op. 11, mais je vous ferais remarquer que, si l’Humoresque se joue d’une traite, elle est parcourue d’atmosphères très changeantes. Pour moi, ce sont autant de séquences variées réunies dans une partition imaginée d’un seul élan ! On reproche souvent à Schumann de moins maîtriser la grande forme. Je crois que ce jugement est hâtif. Schumann n’avait pas toujours envie de s’exprimer sous la même forme et était très conscient de tout ce qu’on pouvait lui reprocher. L’engagement artistique et humain est bien plus important pour Schumann que l’opinion publique. Schumann est un obsessionnel, pourquoi s’en cacher ? »
Quant au pourquoi de ces deux œuvres qui le touchent plus qu’une autre : « Elles sont liées à des souvenirs, des émotions. À l’âge de 15 ans, j’ai écouté en boucle l’Humoresque par Claudio Arrau. J’ai voulu jouer cette pièce que j’ai travaillée seul. Évidemment, je l’ai laissée tomber. J’y suis revenu périodiquement, inlassablement. C’est peut-être l’œuvre qui me touche le plus de Schumann. Je ne l’ai programmée en concert que depuis deux ans. Au début, ce n’était pas vraiment formidable… C’est une œuvre déroutante, épuisante avec des difficultés techniques maximales. L’interprète doit prendre des risques extrêmes. La présence du public ajoute un surplus d’adrénaline. Une fois encore, je l’ai mise de côté avant de la reprendre pour l’enregistrer car elle m’obsède. Tout comme la Sonate. »
Michel Grialou
vendredi 23 janvier et samedi 24 janvier à 20h30
Théâtre Garonne
présenté avec la Librairie Ombres Blanches
en partenariat avec le Goethe-Institut dans le cadre de la semaine franco-allemande