Si Owen Wingrave et The Turn of the Screw ont brillamment franchi les grilles, il n’en va pas de même pour le public habituel qui a été plus que frileux dans l’envie de découvrir cette affiche inédite. La même semaine, deux opéras de ce même compositeur, jamais donnés ici, ni l’un, ni l’autre, et à fortiori ensemble. Et l’esprit curieux, où s’est-il réfugié ?
Avec un seul metteur en scène, Walter Sutcliffe, qui a su adapter la mise en scène, les décors et les costumes et les lumières. Et faire des économies en passant d’un opéra à l’autre. On ne peut lui en faire le reproche en ces temps de disette. Challenge relevé, et réussi. N’en déplaise aux habitués des opéras sur écran, au Met du Gaumont ou ailleurs, qui se plaindront du côté “cheap“, évidemment.
Manque de curiosité du public pour la musique de Britten, public qui a donc raté la performance en fosse de tous les musiciens, avec peut-être, à mon goût, un petit plus encore pour les quatorze présents pour The Turn of Screw. On n’a pas le temps de rêver aux fantômes pendant les presque 110 minutes de l’ouvrage. Performance de cet orchestre de fosse, ratée par les absents, pourtant, un des deux meilleurs de France. Tant pis, pour eux. Il faut savoir que la même semaine, l’Orchestre donnait, avec un effectif conséquent, un de ses plus beaux concerts comportant des œuvres de Janacek, Martinù et Rachmaninov. Preuve supplémentaire de qualité.
Manque de curiosité encore de sa part pour tout le côté technique accompagnant la mise en scène. Et donc, l’occasion d’applaudir indirectement les prouesses réalisées par les équipes techniques. De cela, un public bien indifférent risque de s’en rendre compte un jour, quand ces équipes quitteront le Théâtre. Il fallait trouver des solutions pour ne pas casser le rythme musical tout en passant d’un tableau à un autre, et les tableaux sont nombreux. Elles ont été trouvées, et tout cela fonctionnait fort bien. Mais, d’aucuns sont plus à l’aise pour suivre les trois tableaux de Tosca. De 3, il fallait passer ici à 22.
Manque de curiosité encore pour ce qui est du côté des voix. Les deux distributions vocales se révélant sans faille et tous les chanteurs compréhensibles dans leur propre langue. Je relèverai juste un tandem plus “chipie“ pour Miles et Flora, sans finalement dire lequel car c’est anecdotique.
Manque de curiosité encore pour un chef, David Syrus, que l’on connaît bien et qui méritait un public plus étoffé, tout comme tous les artistes participant à cette affiche.
Manque de curiosité enfin pour quelques points si finement relevés dans l’article juste paru de Catherine Tessier que les présents liront avec plaisir afin de retrouver trace des éléments repérés et cités mais aussi de ceux, ratés sur le moment.
Enfin, on ne peut que compatir au sentiment de déception et de frustration sûrement ressenti par toute l’équipe artistique du Théâtre qui ne peut qu’être attristé devant une jauge de salle bien insuffisante. Cela peut être, c’est, sûrement, un peu décourageant, mais la passion saura faire oublier.
Constatons simplement qu’aujourd’hui, pour afficher complet, un théâtre occidental d’opéra ne peut y arriver que si l’affiche titre Carmen avec Jonas Kaufmann et Anna Netrebko. Alors…
Michel Grialou