Dire que ce long – métrage m’intriguait est un secret éventé. Supposer qu’il aurait un impact sur ma petite personne était une éventualité.
Prétendre que j’en appréhenderai l’ampleur était plus présomptueux …
Un garçon (que je ne saurais nommer, comme aucun des autres protagonistes d’ailleurs) au visage poupin et à l’air terriblement inoffensif, fait sa rentrée dans un pensionnat réservé aux sourds.
Pris en charge par l’un des élèves, il est rapidement dépouillé de son argent et emmené à se battre pour pouvoir s’intégrer. Il est finalement associé à un groupe où les garçons plus âgés asservissent les plus jeunes, tabassent les petits vieux qui sortent du supermarché et ont surtout organisé un lucratif réseau de prostitution. Toutes les nuits, l’un d’entre eux emmène 2 filles de l’école sur un parking où transitent des routiers.
Quand celui assigné à cette tâche ne peut plus exercer sa fonction (il s’est fait écraser par l’un des camions), le garçon prend le relais. Non sans éprouver une forte attirance pour l’une des filles.
Cela va être un peu compliqué pour moi d’arriver à vous parler correctement de The tribe …
Le premier film (comment peut – on arriver à produire un projet aussi percutant dès un premier long – métrage ?) du réalisateur ukrainien Myroslav Slaboshpytskiy ne peut laisser personne indifférent. Il y a tant de choses à dire à son sujet.
En premier lieu, son parti pris d’aborder la surdité (et à travers elle le mutisme, le rejet et l’impossibilité de communiquer) par une méthode extrême : un film silencieux, en seule langue des signes, sans aucun sous – titre pour aiguiller le spectateur (une façon ironique de le placer du côté des exclus).
Pour autant, le film qui en résulte n’a rien d’énigmatique, la lecture des événements est parfaitement claire (n’oublions pas que le cinéma reste avant tout une affaire d’images).
Il est toutefois déconcertant de découvrir une pellicule totalement dépouillée des habituels artifices sonores (en plus de l’absence de dialogues parlés, The tribe ne comporte effectivement aucun habillage), les scènes prenant alors une tout autre dimension dans le silence. Qui aurait cru qu’une baston deviendrait presque poétique par le seul piétinement de feuilles mortes ?
Myroslav Slaboshpytskiy filme ce pensionnant digne d’un goulag sibérien (ses grilles omniprésentes, ses murs qui tombent en lambeaux …) où les adultes ont disparu ou sont au cœur des trafics, par de très longs plans – séquences qui pourraient rappeler à certains l’Elephant de Gus Van Sant, la crasse et un désespoir insondable en plus.
Car ici tout est d’une noirceur extrême, tout est froid, tout est condamné à être abîmé, détruit.
Et c’est là que j’aurais envie de toucher 2 mots à Myroslav. Si le film est incontestablement bien réalisé (ce type est le roi du plan – séquence et de la caméra qui s’enlace à son personnage), si l’on peut comprendre l’enjeu très autobiographique de The tribe collant au plus près d’une réalité ukrainienne cruelle mais réelle, la longueur de certaines scènes n’apporte pas forcément plus à la portée du message, à part celle d’une désagréable sensation de nausée …
Un avortement clandestin filmé en temps réel, le fracassage en règle des crânes d’un, 2, 3 puis 4 compagnons de chambre du garçon, des ébats crapoteux à même le sol dégueulasse d’une chaufferie, tout cela devient rapidement insupportable … Pour ma part, j’ai toujours pensé que la suggestion au cinéma était souvent plus efficace pour marquer durablement un esprit.
Il n’est toutefois pas exclu que je me sois transformée au fil du temps en parfaite mauviette ou que je n’ai pas su embrasser la démarche un tant soit peu arty mais frontale et totalement assumée de Myroslav Slaboshpytskiy.
Si vous allez voir The tribe, n’hésitez pas à venir (me) faire part de votre avis.
En vous remerciant.
Pierrette Tchernio