Ce qui m’intéresse c’est de mettre à jour l’exacte jonction de l’humain et de l’animal. J’ai toujours besoin de découvrir cette personne-là, chez moi comme chez les autres. » Rocio Molina
Dans le sillage radical du nouveau flamenco, Rocio Molina signe Bosque Ardora pour six musiciens et trois danseurs. La nouvelle icône du flamenco contemporain enflamme la scène et renouvelle “sacrément“ les codes du genre, et qu’importe la musique, les sols, la gestuelle ou le lieu, pourvu qu’il y ait abandon total du corps au mouvement et à l’expression de soi.
Création 2014 à la Biennale de Lyon, Bosque Ardora, annonce sa nouvelle pièce avec : 3 danseurs, 6 musiciens et une bande-son qui mène la danse et fait chanter le décor.
Chorégraphie : Rocio Molina
Direction artistique et dramaturgie : Rocio Molina et Mateo Feijoo
Danseurs : Rocio Molina, accompagnée par Eduardo Guerrero et David Coria
Musiciens : Eduardo Trassierra, guitare – José Angel Carmona, chant – José Manuel Ramos « Oruco », palmas et compás – Pablo Martín Jones, percussions – José Vicente Ortega Sierra « Cuco », trombone – Agustín Orozco, trombone.
Danseuse prodige auréolée de nombreux prix prestigieux, l’andalouse Rocio a interprété sur les scènes du monde les chorégraphies des plus grands chorégraphes flamenco dès l’âge de 13 ans, avant de fonder sa compagnie à 19. Elle est aujourd’hui une icône charismatique du flamenco contemporain, réputée pour son travail, au croisement de la danse, de la musique et de la mise en scène, un travail qui ouvre le flamenco à une grande variété de lieux et aux influences de multiples disciplines artistiques, lui offrant ainsi tout un monde d’univers pour s’exprimer et s’épanouir. Elle rejoint les Isabel Bayo, Belen Maya et autres nouvelles coqueluches de l’expression contemporaine de cette danse si profondément ancrée dans la culture hispanique, une danse qui n’est plus l’apanage des hommes.
« Bosque Ardora » est bâtie autour d’une scénographie multimédia qui associe sonorisation numérique et matériaux organiques comme le papier et les végétaux : un décor « vivant » que la danse fait chanter, mettant en résonance des couleurs, des sons et des rythmes. Dans cette forêt sensorielle, Rocio campe une Artémis, chasseresse farouche protectrice des femmes et des jeunes animaux, qui fait vibrer nos sens et nos émotions comme un musicien les cordes.
A côté des danseurs, Israël Galvan, Andrès Marin, on retrouve les Rocío Molina, Belén Maya, Rafaela Carrasco, Isabel Bayón, Concha Vargas, nouvelle génération de danseuses andalouses qui s’approprie les codes du flamenco masculin, maîtrisant aussi bien volutes que claquements de talons. Des histoires dansées sans tabou qui inscrivent leur art dans la modernité. Longtemps dans l’ombre des hommes, la mentalité hispanique n’y est pas pour rien, supportant la hiérarchie des sexes, le mot macho est bien sur toutes les lèvres, c’est terminé. Elles ont pris du galon, même si, jusqu’à présent : « Ce sont les femmes qui constituent statistiquement la majorité du public des spectacles en Espagne. Cela explique en partie le fait qu’elles imposent leur goût en élisant des hommes.»
Et si le public a encore besoin de volants et robes à pois du flamenco traditionnel, elles réussissent à imposer leur style nouveau qui ne fait pas l’unanimité chez les inconditionnels bien sûr. Mais, elles possèdent une telle technique qu’elles sont alors inattaquables sur ce plan là. Souvent passées par des apprentissages tous azimuts, du ballet classique à la danse traditionnelle, elles se sont aussi approprié les codes du flamenco masculin. Et d’abord, le fameux zapateado, ce martèlement véloce des pieds qui passe à la seconde du crissement de pas sur la neige aux rafales de mitraillette. « Il faut voir Rocío Molina, 29 ans, faire crépiter ses chaussures. Visage en cœur, petit chignon haut perché, silhouette de fille en vacances, elle possède un tempérament sidérant. »
Rocio Molina – Bosque Ardora -Teaser from Mister Dante on Vimeo.
Historiquement, le flamenco sépare les genres et coupe le corps en deux. Aux danseurs, la verticalité, le travail des jambes, les claquements de talons, les rythmes secs. Aux femmes, les braceos (mouvements de bras), les volutes, les “bombillas“ que l’on vissent et dévissent grâce à la souplesse des poignets, les ronds de hanches souples. Depuis une vingtaine d’années, tout se mélange et les femmes en profitent et ne sont plus reléguées au rang de faire-valoir du “mec“. « Cela fait grandir le flamenco en développant un langage corporel global beaucoup plus puissant », glisse Rocío Molina. Après avoir dansé avec une bouteille de vin au pied, elle s’attaque aux thèmes de la chasse et de la guerre dans Bosque Ardora.
Mais les danseuses jouent aussi avec l’imagerie traditionnelle, ressortant l’éventail, le châle et surtout la fameuse bata de cola, cette immense traîne à volants qui métamorphose l’interprète « en reine des abeilles. ». « C’est une prolongation de mon corps et une arme pour la femme, souligne Rocío Molina. Elle donne du pouvoir tout en étant belle et poétique. »
L’ensemble est détonant, bouscule, a ses pour, et ses contre, en tous les cas, ne laisse personne indifférent.
Michel Grialou
Rocio Molina – Bosque Ardora
mardi 07, mercredi 08 et jeudi 09 octobre 2014 à 20h30
Odyssud
en partenariat avec le festival flamenco de Toulouse
.