Je me souviens fort bien du jour où j’ai reçu le premier opus de Sin City, comme un grand uppercut dans la face. En juin 2005, on découvrait sur grand écran la première adaptation de l’œuvre de Frank Miller* par le bouillonnant Robert Rodriguez.
Avec Sin City, on pénétrait sur un territoire barbare, sombre, où les frontières du bien et du mal s’entremêlaient sauvagement, où la violence la plus noire côtoyait une certaine forme de rédemption, où les gueules amochées, les justiciers et les amazones implacables venaient faire parler la poudre. Sin City, c’était surtout une aventure visuelle, un défi technique qui loin d’effrayer Rodriguez le nacho texan lui avait permis de s’approprier l’univers extraordinairement graphique de Miller.
Alors forcément, lorsque quelque neuf années plus tard on apprend la sortie d’une suite, même si l’on a bien quelques réserves concernant la nécessité d’un tel procédé, on ne peut s’empêcher d’aller voir.
Johnny joue aux cartes, aux machines à sous et il empoche le magot, à coup sûr. S’il est venu traîner ses guêtres dans Sin City, c’est pour participer à un tournoi de poker et se mesurer au sénateur Roark.
Dwight est détective privé et s’est fait une spécialité de filatures minables. A – t – il d’autre choix que de répondre à l’appel désespéré d’Ava, celle qui l’a quitté après lui avoir consciencieusement piétiné le cœur ?
Nancy travaille dans un bar où son déhanché reste la principale attraction. Cela ne l’empêche pas de noyer son malheur dans la tequila en tentant d’oublier la mort de John Hartigan. Tout ceci sous l’œil plus ou moins attentif de Marv, toujours à la recherche de quelques types à dérouiller, histoire de garder la forme.
Dans un premier temps, j’ai été drôlement contente de retrouver tout ce petit monde, me frottant les mains par anticipation, ravie de poursuivre les aventures dans la ville de toutes les perditions, savourant la perspective de m’en prendre, graphiquement s’entend, plein la gueule.
Pourtant, rapidement, l’évidence s’impose. Si la technique est inattaquable, l’univers Millerien toujours magnifié, si le personnage de Marv le cabossé restera LE rôle de Mickey Rourke, tout ça ne suffit pas à occulter que Robert et son comparse Francky se sont confortablement reposés sur leurs lauriers.
En comparaison d’un premier volet détonnant, aux tournures scénaristiques imaginatives, les deux ostrogoths assurent ici un service minimum en réutilisant les bonnes vieilles recettes, ne rougissant même pas à reprendre une construction similaire. Il faut dire que contrairement au Sin City d’origine, pas de collaboration en vue avec le copain de toujours, Quentin Tarantino. Ici, ce roublard de Rodriguez a dû se débrouiller seul, ceci expliquant peut – être cela …
Il vous restera toutefois la possibilité d’apprécier un tournage en 3D assez immersif, la croupe généreusement ondulante de Jessica Alba et les (innombrables) jeux d’ombre sur la ferme poitrine de la vénéneuse Eva Green. Parce que les garçons ne sont pas en reste, vous pourrez également vous délecter du postérieur de Josh Brolin (qui vient remplacer Clive Owen dans le rôle de Dwight). Vous pourrez aussi apprécier la chevelure gominée de Joseph Gordon – Hewitt ainsi qu’un chirurgien parfaitement sous acide incarné par Christopher Lloyd.
Même ce bon vieux Bruce passera vous faire un petit coucou.
Si quelques ultras et ceux qui découvriront Sin City, j’ai tué pour elle sans avoir vu le précédent opus seront certainement comblés par le film, je me suis sentie pour ma part bien flouée. Et la perspective qu’un troisième volet patiente dans les cartons du Troublemaker Studios** ne viendra certainement pas me réconforter.
En vous remerciant.
Pierrette Tchernio
* : Frank Miller est avant tout un talentueux dessinateur de BD (vous pouvez vous en faire une idée ici ou ici), souvent controversé pour la violence de ses romans graphiques, sa fascination des armes à feu et ses prises de positions parfois contestables. Scénariste, réalisateur (The Spirit), il a aussi été adapté au cinéma avec 300.
** : Nom des studios de Robert Rodriguez.