Cet été, grâce à amis sur facebook, leur tristesse m’apprenait la mort de Menahem Golan, dont le nom ne me disait, au premier abord, rien. « Mais si, tu le connais, le mec des studios Cannon, qui ont produit les films avec Chuck Norris, Charles Bronson et un Godard ». Avouez quand même que cette phrase ressemble à « trouvez l’intrus ». Et pourtant, elle est bien vraie.
Le documentaire « The Go-Go Boys : The inside story of Cannon Films » donne la parole à Menahem Golan et Yoram Globus, deux cousins israéliens, qui après avoir connu le succès avec leur société de production « Noah Films », fondée au début des années 60, décident de partir à la conquête du cinéma américain. Ils racontent, face caméra, mais jamais ensemble, le début de leur collaboration, leur succès en Israël, leur fulgurante ascension sur le sol américain, où ils rachètent le groupe Cannon en 1979. La réalisatrice Hilla Medalia intercale images d’archives, et interviews d’époque, ainsi que des scènes cultes de leurs productions. L’un de leur premier gros succès sera le film « Breakin’ », sur le break dance (la danse du moment en 84). Si vous regardez bien la scène choisie, vous reconnaîtrez, dans son t-shirt noir à fines bretelles et bien rempli, Jean-Claude Van Damme, avant « Bloodsport » que ces même cousins produiront en 88.
Leur importance est comparable à celle des plus grands des chefs d’État : ils feront la couverture de « Newsweek », qui les surnommera les Go-Go Boys, en référence à leur côté fonceur (ils achètent aussi des salles des cinéma en Europe) et à leur boulimie de production. Le record sera 42 films en un an.
Il y a aussi des interviews tournées en 2013, d’acteurs et de réalisateurs qui ont travaillé avec eux, ou encore du réalisateur Eli Roth (ami de Tarantino), qui, s’il n’a pas travaillé avec eux, était un grand amateur des productions Cannon, où l’apparition du logo métallique de la firme en début de film lui garantissait que « ça allait être génial : armes, filles nues, violence. » Il oublie les ninjas.
Le documentaire montre aussi qu’en parallèle des films d’action, -leur marque de fabrique dans les années 80-, ils s’attaquent à des projets plus « artistiques », comme le dit Menahem Golan, avec Cassavetes, Barbet Schroeder. Si comme moi vous aviez entendu parler de la signature du contrat avec Godard sur un serviette en papier, le film rétablit la vérité : elle est en tissu, et très grande (en même temps, elle vient du Cartlon). Au moins l’un de leurs films était chaque année en compétition au Festival de Cannes, pour atteindre le summum en 1986 avec 6 films en compétition. Vous souvenez-vous du galion sur la Croisette pour la présentation de « Pirates » de Polansky ? Ça aussi c’est leur idée : changer la façon d’annoncer les films, faire des soirées cannoises, et du marketing à outrance.
Le documentaire montre la complémentarité des deux cousins : Menahem trouve les projets, et Yoram les financements. Cette collaboration est évoquée en terme de « couple », avec tout ce que cela comprend : leur temps et leur énergie sont entièrement consacrés au cinéma, au dépend de leur famille. Leurs épouses et enfants en témoignent eux aussi face caméra. La chute de la Cannon est aussi montrée, mais toujours sous l’angle d’amoureux du cinéma malchanceux : Menahem refuse de parler des échecs, comme « Superman IV », son cousin disant qu’ils étaient trop absorbés par d’autres projets pour s’occuper au mieux de celui-là. Alors que Menahem croira toujours (et jusqu’à sa mort) que le projet de demain sera la consécration, Yoram voudra lever le pied dans cette épopée. Le couple divorcera, ne s’adressant plus la parole pendant plusieurs années. Ils retourneront en Israël, avec de nouveaux projets. Les dernières images de « The Go-Go Boys » les montrent ensemble, évoquant de futurs projets et regardant en mangeant du pop-corn leurs films. Leur passion est intacte.
« The Go-Go Boys » est un documentaire très touchant sur ce couple de passionnés de cinéma, truffés d’étonnantes et amusantes anecdotes. Il fut présenté aux Festival de Cannes dans la section « Cannes Classique », où il avait évidemment sa place, le Festival ayant été renommé à l’apogée de leur omniprésence « le Festival Cannon ». Cependant, il faut noter que ce documentaire est produit par « Noah Films », à savoir par les deux héros eux-mêmes. Il est donc raisonnable de penser que l’autre documentaire « Electric Boogaloo : The Wild, Untold Story of Cannon Films » qui traite aussi de la firme Cannon, rassemblera des témoignages peut-être un peu plus discordants.