Piano aux Jacobins est bien l’une des meilleures preuves que la musique est indissociable de la respiration culturelle de Toulouse. C’est la XXXVe édition de cette manifestation sans thème particulier, hormis celui de l’écoute d’une palette très vaste des différents styles de l’interprétation pianistique, du classique au jazz en passant par le baroque jusqu’au contemporain.
Une écoute qui a lieu, pour la grande majorité des concerts, dans le cadre magnifique s’il en est, et ô combien chargé d’histoire, du Cloître des Jacobins. Quatre à cinq cents “fidèles“ se pressent dans la Salle Capitulaire vieille de plus de sept siècles pendant que le piano trône sur une estrade dans une chapelle attenante plus petite. Les galeries du Cloître aussi ancien ont été refaites et terminées il y a quarante ans seulement et peuvent accueillir une autre partie du public. Avec précaution, le jardin peut être investi par quelques chaises les soirs de grande affluence. Fini le temps pas si lointain où il servait de cour de récréation aux collégiens tout proches de Pierre de Fermat.
Les deux complices, Catherine d’Argoubet et Paul-Arnaud Péjouan sont très attachés à l’un des principes fondateurs, à savoir, l’affiche se doit de mêler toujours de jeunes artistes à des figures emblématiques du clavier. Ainsi, cette année avons nous deux phares, que dis-je deux phares d’Alexandrie au rendez-vous avec Menahem Pressler et Aldo Ciccolini, le premier ouvre la série des concerts au Cloître le 3 septembre pendant que son acolyte sera à la Halle, exceptionnellement, le mardi 23 . Faut-il présenter ces deux institutions, et leur programme ? Non !
Les liens privilégiés que Piano aux Jacobins a su tisser sans faillir avec les artistes sont bien l’une des clés de son succès. Ils sont invités, et ils ne demandent qu’à revenir. Ainsi, pour les habitués du Cloître, des noms comme Till Fellner, Philippe Bianconi, Marc-André Hamelin sonnent bien à leurs oreilles. On retrouve ainsi avec bonheur ces pianistes qui montrent ici leur fidélité au public du festival.
Attentives aux talents en devenir, ces rencontres musicales se doivent de réserver une place de choix à des artistes de la nouvelle génération. Les mélomanes découvriront des nouveaux. Ce sera, de façon confidentielle, le jeune japonais Kotaro Fukuma dans un concert-lecture à la Librairie Ombres blanches, le lundi 8. Mais encore, Teo Gheogiu, Sophie Pacini, Inon Barnatan, Yevgeny Sudbin, Denis Kozhukhin, chacun dans un programme captivant, très diversifié leur permettant de montrer l’éventail de toutes leurs qualités.
Mais le Festival se doit aussi de mettre en avant des compositeurs actuels, et par exemple de passer commande d’une nouvelle partition. Ce sera Papillons de Bruno Mantovani, défendue par Philippe Bianconi.
Piano aux Jacobins s’étend depuis plusieurs années dans la cité, présentant ses 25 concerts dans plusieurs autres sites comme l’Auditorium Saint-Pierre des Cuisines et ses trois dates, dont David Lively, un des premiers invités du festival. Avec David Bismuth et Nicolas Stavy, ils se chargent de la présentation des œuvres, et pour certaines, rares, elle sera, à n’en pas douter, fort intéressante.
La Halle aux Grains aussi avec le concert d’ouverture de la saison de l’Orchestre du Capitole, le jeudi 18. Ce partenariat nous donne comme soirée le Concerto pour piano n°1 de Tchaïkovski. Le soliste est le russe Behzod Abduraimov et bien sûr, Tugan Sokhiev à la direction. Le concerto sera suivi de la Symphonie du Nouveau Monde de Dvorak. Du haut de ses tout juste vingt-quatre ans, le pianiste a déjà une fiche bien remplie. Présent au Cloître l’an dernier, il revient aussi pour un récital le 24. Chopin, Liszt, Debussy, Ravel, voilà un beau programme à détailler.
Il y a quelques années, la pianiste chinoise Xiao-Mei Zhu nous offrait de magnifiques Variations Goldberg de Bach. Cette année, elle les laisse à l’américain Jeremy Denk qui en a fait son cheval de bataille, et nous donnera par contre, de Bach toujours, L’Art de la fugue.
Piano aux Jacobins pousse jusqu’à Tournefeuille le samedi 20, salle dite L’Escale, avec un concert de Li Shuman, jeune pianiste chinoise couverte de récompenses que l’on a hâte d’entendre et qui donnera le même programme au Cloître deux jours plus tard.
Double performance aussi avec le tout jeune Rémi Geniet qui se consacre à Bach, le dimanche 21 au Cloître pour la Journée du patrimoine – événement gratuit – et la veille dans les locaux rénovés du Centre Régional de Documentation Pédagogique.
On pousse encore jusqu’à la Cité de l’espace pour une performance originale et gratuite avec le pianiste Edouard Ferlet dans Metamorphoses Bach suivi de Treephones avec piano et Gregor Nikolai Hilbe, DJ drumer. Le concert est donné dans le cadre de la Nuit européenne des chercheurs organisée par l’Université de Toulouse.
Mais il se ramifie aussi jusqu’aux grandes métropoles chinoises. Le nombre de concerts va grandissant au fil des ans, preuve d’une réussite totale. C’est un atout considérable pour le rayonnement international de la ville de Toulouse.
Jazz, jazz, le jazz est devenu incontournable du Festival. Carte blanche à deux valeurs sûres du monde du jazz, Manuel Rocheman et Jacky Terrasson. Les connaisseurs auront déjà coché les dates du 27 et du 30 au Cloître.
Ainsi, grâce à ce festival qui occupe tout le mois de septembre, la rentrée semble plus douce à tous ceux qui veulent partager de superbes moments de musique, oublier les premiers soucis de l’automne, faire le plein d’émotions auditives mais aussi visuelles. Et sans restriction car jeunes et étudiants bénéficient de conditions tarifaires très privilégiés qui ne peuvent que les encourager à partager.
Clin d’œil supplémentaire d’un de ses fondateurs, Paul-Arnaud Pejouan-Cassanelli qui, sous le pseudo Axel Arno cache ses talents d’artiste plasticien, et réalise trente projets de vitraux qui illustreront l’affiche et le programme du Festival. Que de cordes à l’arc !!!
Michel Grialou
Festival International Piano aux Jacobins
du 3 au 30 septembre 2014
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