La 10e édition du marathon des mots est belle et bien partie ! Même si les affiches annoncent son déroulement du 26 au 29 juin, un prologue a eu lieu mercredi avec Marie-Christine Barrault pour la lecture de « Neige » d’Oran Pamuk, à Colomiers. Cette « fidèle marathonienne », pour reprendre l’expression de Serge Roué, a lu la « Correspondance » de Camille Claudel aux Carmélites. Cette 1ère lecture a affiché «COMPLET ». Nous découvrons l’artiste, l’amoureuse, la combattante, la révoltée, la sœur, la fille, la délaissée.
« [Ma vie] un roman […] même une épopée, « l’Iliade » et « l’Odyssée ». Il faudrait bien Homère pour la raconter, je ne l’entreprendrai pas aujourd’hui, et je ne veux pas vous attrister. Je suis tombée dans le gouffre. Je vis dans un monde si curieux, si étrange. Du rêve que fut ma vie, ceci est le cauchemar. », écrira-t-elle le 24 mai 1934, alors qu’elle est internée (elle le sera 30 ans).
Toujours issues de ce livre, deux lettres qu’elle n’a pas écrites : une de sa mère informant l’asile qu’elle lui a écrit, les mettant en garde des risques d’éventuels courriers qu’elle pourrait commettre ; et celle d’Eugène Blot, en 1932, qu’elle ne lira jamais :
« Un jour que Rodin me rendait visite, je l’ai vu soudain s’immobiliser devant ce portrait [L’Implorante], le contempler, caresser doucement le métal et pleurer. Oui, pleurer. Comme un enfant. Voilà quinze ans qu’il est mort. En réalité, il n’aura jamais aimé que vous, Camille, je puis le dire aujourd’hui. […] Oh ! je sais bien, Camille, qu’il vous a abandonnée, je ne cherche pas à le justifier. Vous avez trop souffert par lui. Mais je ne retire rien de ce que je viens d’écrire.
LE TEMPS REMETTRA TOUT EN PLACE. ».
Camille Claudel est morte en 1943. La lecture de ses propres mots nous a fait toucher du doigt la tragédie de sa vie.
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L’inauguration officielle de ce marathon avait lieu au Théâtre du Capitole. Première fois que je me rend dans ce lieu. Des CRS, en nombre, sont sur le parvis à l’accueil. Cette phrase n’a pas de lien avec la précédente, -j’en suis presque certaine-, mais aurait plutôt à voir avec un éventuel débordement des actions des intermittents. Durant le discours de lancement, Serge Roué et Dalia Hassan accueilleront sur scène les représentants des délégations.
(Note : j’aime bien l’idée que les 4 intermittents soient rentrés sur scène en file indienne, prolongée, sans discontinuité, par les pas de Philippe Calvario et Dominique Blanc). Le Marathon a toujours été solidaire des intermittents, avec ou sans actualités à la une, cette année ne fait pas exception (lire ici la lettre du Marathon à ce sujet). Le discours des quatre porte-paroles est concret, clair et éclairant, démystifiant les différents amalgames colportés depuis le conflit sur la réforme de leur statut.
Puis vient la lecture de « L’Amant » par Dominique Blanc et Philippe Calvario. Pour ceux qui étaient présents au Marathon d’Avril, Judith Henry avait prêté sa voix à ce texte, à l’inauguration du Marathon d’Avril (rappel ici). Le nouveau découpage, mais surtout une lecture à deux voix hier soir, font que nous redécouvrons ce roman. La limousine est toujours noire, ils traversent toujours le fleuve ; l’intimidation de l’un, la jeunesse de l’autre sont là, mais c’est différent. Le Marathon a cela de fascinant : chaque lecture est unique, même si elle a déjà été proposée. A l’instar de Judith Henry, Philippe Calvario et Dominique Blanc sont à la hauteur du texte, comme la comédienne nous l’a prouvé durant 1h15 avec la lecture de « L’occupation », de Annie Ernaux, la veille à la Cinémathèque.
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Troisième lecture qui conclut ma journée : « Michel », une création autour de Michel Foucault, au Sénéchal. À la fin des années 70, Hervé Guibert et Mathieu Lindon, l’un journaliste au « Monde », l’autre au « Nouvel Observateur », se rencontrent chez leur ami commun, Michel Foucault. Les comédiens Clément Hervieu-Léger de la Comédie-Française et Guillaume Poix incarnent Hervé Guibert et Mathieu Lindon, ensemble, à travers une lecture inédite des textes des deux auteurs. De la connaissance de l’autre à la première rencontre initiant l’amitié-amoureuse, leur admiration envers le philosophe, l’accompagnement dans la maladie, à la levée du corps, puis l’après.
Les textes sont beaux, la lecture est bouleversante.
Ceux présents comprendront ce morceau de conclusion.
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