« Jersey boys », un film de Clint Eastwood
En adaptant pour le 7ème art la comédie musicale éponyme qui triomphe dans le monde entier depuis sa création en 2005, Clint Eastwood joue sur du velours. En effet, ce musical reprend, plus ou moins, la vie d’un groupe américain des sixties qui survécut aux Beatles, dépassant les 100 millions de disques vendus ! Ils sont quatre, dont trois issus de cette jeunesse incertaine du Jersey, déjà largement infiltrée par la mafia. L’un deux, Frankie, a une voix impossible, celle d’un petit canard, toute dans le nez mais avec laquelle il arrive, grâce à une parfaite maîtrise de celle-ci, à atteindre des notes suraigües. Nous sommes au tout début des années 60,le style de Frankie est original. Le quatrième larron, Bob, est un compositeur génial. Avec leurs deux autres acolytes, Tommy et Nick, ils vont former un groupe choral unique, mêlant un son caractéristique italo-américain à une vocalité nouvelle. Les hits vont se succéder et être repris par des artistes du monde entier. C’est la gloire, la fortune ! Oui. Le bonheur ? Non, car derrière ces sunlights, la pieuvre déroule ses tentacules. Et demande des comptes. D’autant que Tommy, le leader du groupe, doit avouer un beau jour qu’il doit une somme colossale à la mafia. Le groupe n’y résiste pas sous sa forme originale, Frankie et Bob poursuivront de concert une carrière en duo (ce qui a été plutôt la réalité historique depuis le début, mais bon…). Sur des rythmes pop qui rappellent bien des choses, ce film peut paraître léger, enlevé, plaisant. Il n’en est rien. Clint Eastwood s’attarde ici à dépeindre une jeunesse privée de repères, une voyoucratie galopante, des liens plus qu’étroits entre le showbiz et des réseaux pas tout à fait clairs. Et ce n’est pas tout, notre cow-boy préféré ne fait pas l’économie, et comme il a raison, sur un problème majeur pour tout artiste, celui de sa vie de famille. Celle de Frankie explosera dramatiquement. Ce sont toutes ces réflexions qui sont les thèmes conducteurs profonds de ce film.
Alors bien sûr, sur les 2h14 de projection, il y a au moins une bonne heure de chansons, interprétées ici à la perfection par des comédiens épatants. Et pour cause, ce sont eux qui sont également sur les planches du musical. C’est plutôt malin de la part de ce réalisateur de ne pas nous avoir infligé la énième présence à l’écran de tel ou tel improbable acteur hollywoodien et d’avoir privilégié les vrais interprètes de cette comédie musicale. Il s’agit de John Lloyd Young (Frankie), Vincent Piazza (Tommy), Erich Bergen (Bob) et Michael Lomenda (Nick). Avec leur voix, leurs cheveux gominés, leur dégaine, leur gouaille, ils sont vraiment extraordinaires. Seule référence à Hollywood, Christopher Walken joue ici le parrain omniscient avec une gourmandise évidente. Somptueusement réalisé (cadrage, lumière, direction d’acteur, reconstitution), ce film est un bijou. Et ne loupez pas le générique final ! C’est une vraie cerise sur le gâteau.
Robert Pénavayre
Clint Eastwood : Un Bon ? Une Brute ? Un Truand ?
Sans équivoque aucune, il s’agit bien d’un Bon ! De ses débuts d’acteur en 1955, il a alors 25 ans, dans des films d’épouvante, Tarantula, La Revanche de la Créature, à ce Jersey Boys, quel chemin ! Césarisé, oscarisé, le parcours de ce fils de comptable californien est une suite – presque – ininterrompue de succès autant pour sa carrière de comédien que celle de réalisateur. De la vie de Charlie Parker, Bird, à celle de Nelson Mandela, Invictus, en passant par celle de J E Hoover, J. Edgar, Clint Eastwood aime à se colleter avec des personnages qui ont, dans leur domaine, marqué l’Histoire. Jersey Boys en est une ultime preuve en date.
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