Dans la vie, il y a des gens qui n’hésitent pas à se mettre en danger : courageux soldat du feu, valeureux pacificateur de zones de guerre, intrépide océanographe, hardi vulcanologue, téméraire cycliste en milieu urbain … Tous les jours, des hommes et des femmes se mettent au service de leurs congénères et de la sauvegarde de la planète (ou voudraient tout simplement arriver au boulot en évitant les embouteillages et une empreinte carbone trop conséquente).
Il y en a d’autres qui, par l’intermédiaire un peu moins flamboyant d’une feuille de papier et d’un stylo, risquent tout autant leur peau, dans le but ultime de la préservation de la liberté d’expression.
Ces dessinateurs de l’ombre méritaient bien qu’on leur accorde les honneurs du grand écran. C’est à présent chose faite avec le documentaire Caricaturistes.
À l’origine de l’aventure, l’amitié et l’admiration réciproque entre deux hommes : le réalisateur Radu Mihaileanu (Vas, vis et devient, Le Concert, La source des femmes …) et le dessinateur Plantu.
Partageant des références communes, ils ont eu envie de parler des valeurs et de l’importance de la caricature à travers le monde. Il est vrai que Plantu a de quoi transmettre, voilà de nombreuses années qu’il dessine (pour Le Monde, L’Express …) et qu’il est très investi dans son domaine. En effet, avec le concours de Kofi Annan (alors secrétaire général des Nations Unies), il a créé en 2006 Cartoonig for Peace, association de satiristes du monde entier visant à promouvoir (notamment) le dessin de presse comme langage universel.
C’est tout naturellement que Radu Mihaileanu est devenu scénariste / producteur du projet (la caméra étant confiée à Stéphanie Valloatto), Plantu assurant le rôle de fil conducteur.
Le documentaire offre ainsi un espace de parole à des caricaturistes du monde entier : Michel Kichka (Israël), Baha Boulhari (Palestine), Jeff Danziguer (USA), Angel Boligan (Mexique), Pi San (Chine), Mikhail Zlatkovsky (Russie), Nadia Khiari (Tunisie), Rayma Supran (Vénézuela) et autres dessinateurs du Burkina Faso, de la Côte d’Ivoire, d’Algérie …
Tous racontent leurs conditions de travail, relativement aisées pour certains (si l’on omet le coup de fil d’un président en fonction, passablement irrité par la dernière caricature dont il fait l’objet), beaucoup moins évidentes pour d’autres (relevant d’une » simple censure « , à des menaces d’emprisonnements, obligations d’exil ou des conséquences plus dramatiques encore …).
Beaucoup font part des circonstances qui les poussèrent à prendre le crayon (d’histoires très personnelles à des contextes politiques qui traversèrent – et traversent encore – leurs pays), expliquent combien la mission d’information à travers la caricature s’avère essentielle (notamment auprès d’un public désintéressé de la politique ou, dans certains cas, ne maîtrisant pas la lecture). Chaque témoignage apporte des éclaircissements sur les nuances et codes en matière de dessin, les sujets que les auteurs préfèrent éviter (les tabous différant radicalement d’un pays à l’autre).
Caricaturistes met également en avant la solidarité entre dessinateurs, montrant leur capacité à relayer le travail de leur pair quand celui – ci est menacé (comme ce fut le cas pour le danois Westegaard lors de l’affaire des caricatures de Mahomet) ou n’est plus en mesure d’exercer son métier (lorsque l’un des rares contestataires du régime syrien eut les mains brisées par les sbires de Bachad el – Assar).
Joyeusement emmené par le très guilleret et éclairant Plantu, permettant de découvrir la richesse et la diversité des dessins de presse (aussi variés qu’il y a d’auteurs et de pays), soulignant l’importance de la contestation, Caricatures nous rappelle le rôle ô combien primordial du dessin de presse, balance essentielle à l’hégémonie du pouvoir en place.
En vous remerciant.
Pierrette Tchernio