Pour les « 50 ans, 50 moments de cinéma » de la Cinémathèque de Toulouse, le moment 27 vous invite à passer une soirée avec le réalisateur Sébastien Lifshitz, qui présentera ses deux derniers films : « Les Invisibles » à 19h et « Bambi » à 21h ce mercredi 18 juin.
« Les Invisibles » donne la parole à des personnes âgées et homosexuelles, justifiant doublement le titre de ce documentaire. 10 portraits, totalement différents, mais une parole aussi libre qu’apaisée pour retracer leur vécu. Écouter Yann et Pierre, Bernard et Jacques, Pierrot, Thérèse, Christian, Catherine et Élisabeth, Monique, Jacques, c’est découvrir les valeurs de la société d’après-guerre, mais aussi connaître leurs envies actuelles d’anonymes de plus de 70 ans.
« Bambi », quant à lui, donne la parole à Bambi, figure mythique des cabarets parisiens des années 50-60 et l’une des premières transsexuelles françaises. Femme passionnante, elle raconte, sans tabou elle aussi, ses choix de vie depuis son enfance en Algérie, où elle revient pour ce documentaire. Son parcours est hors du commun, elle ne s’est rien interdit. Bambi était sur Toulouse pour présenter ce documentaire le mois dernier à l’occasion de la journée mondial de lutte contre l’homophobie. Ne loupez pas la venue du réalisateur cette semaine !
Bambi
En plus d’avoir répondu au questionnaire « les films que j’aime« , Sébastien Lifshitz a bien voulu revenir sur ces 2 films, lors d’un entretien la semaine dernière. Un grand merci à lui !
Comment s’est fait le choix de ces 2 films parmi votre filmographie pour les 50 ans de la Cinémathèque de Toulouse ?
Je pense que la Cinémathèque voulait montrer « Les Invisibles » et souhaitait un film complémentaire. Je leur ai proposé « Bambi » parce que c’est un film qui s’est fait dans la continuité des « Invisibles », même s’il est à la fois différent et qu’il parle d’une vie différente de celles des protagonistes des « Invisibles ». Il est quand même fait dans la même esthétique et avec le même dispositif.
J’ai lu que c’était lors du montage de « Bambi » que vous aviez décidé d’en faire un 58 minutes au lieu d’un 26 minutes pour Canal +.
Quand j’ai rencontré Bambi et qu’elle m’a raconté sa vie, un peu dans les grandes lignes, j’ai trouvé cette histoire saisissante et je me suis dit qu’il fallait en faire un film. D’ailleurs, au tout début, j’ai même pensé inclure son témoignage aux « Invisibles ». Et très vite, je me suis rendu compte qu’il s’agissait de deux choses différentes. On ne peut pas considérer que la transsexualité soit la même chose que l’homosexualité. Historiquement, ça renvoie à des parcours, à des lois et à des références très différentes. Et j’avais le sentiment que la vie de Bambi était suffisamment riche et complexe et que je ne pourrais pas la mêler aux autres témoignages. Très vite, je me suis dit qu’il fallait en faire un récit autonome. Je suis allé voir Pascale Faure qui s’occupait des Programmes Courts et Créations à Canal +, pour lui proposer un film sur la vie de Bambi. Elle la connaissait de nom. Pascale trouvait ça formidable, et m’a dit oui tout de suite. Comme un idiot, j’ai proposé un format court, pensant que je pouvais résumer la vie de Bambi en 26 minutes. Déjà au tournage, je me suis rendu compte que de la richesse et la densité de ce qu’on filmait : le format court allait probablement poser problème. Et au montage, il y eut l’évidence que j’avais un matériel beaucoup trop important. Ou alors, il aurait fallu avoir un parti pris, c’est-à-dire ne traiter qu’une partie de la vie de Bambi. J’ai présenté le problème à Pascale et, contractuellement, l’heure de programme ne pouvait être dépassée parce qu’au-delà, le film deviendrait un long-métrage. Je devais donc rester en-dessous de 60 minutes. On a fait un film de 58 minutes. Il aurait pu aller au-delà et être un long-métrage mais c’était le contexte de production.
Si dès le départ vous aviez décidé d’en faire un long-métrage, auriez-vous filmé différemment ?
L’esthétique aurait été la même mais il est évident que si j’avais su dès le départ que j’étais sur un format long, j’aurais tourné davantage de scènes pour pouvoir nourrir le film. Il finit d’une manière un peu brutale. A partir du moment où elle rentre dans l’éducation nationale, on aurait aimé développer plus cette vie-là et peut-être aussi sa vie de femme à la retraite que je n’ai pas pu traiter. En même temps, je pense qu’on perçoit la femme qu’elle est aujourd’hui par sa seule présence à l’image. C’est une femme merveilleuse.
Mais déjà, avec ce que j’avais, j’aurais pu aller au-delà d’un film d’une heure. Il en va ainsi dans la production des films : on les fait dans la contrainte, et évidemment cela a une incidence sur la forme des films et c’est aussi ça qui est intéressant d’une certaine façon. L’heure que j’avais à disposition m’a obligé à contracter beaucoup le récit, à faire des ellipses.
On a édité par la suite un DVD avec une heure de bonus qui sont des vrais bonus pour le coup, et pas du remplissage, comme il y en a souvent dans les DVD. Là, il s’agit vraiment d’une grande partie de la matière que je n’ai pas pu utiliser au montage et il y a des choses absolument formidables dedans.
Quels sont actuellement vos projets ?
Je travaille sur un projet documentaire pour le cinéma, et je commence aussi à écrire un projet de fiction. J’ai besoin des deux, je ne veux pas du tout me spécialiser dans un genre plus qu’un autre.
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