« La Ritournelle », un film de Marc Fitoussi
Brigitte et Xavier sont mariés depuis pas mal d’années si l’on en juge par l’âge de leurs enfants. Ils sont éleveurs de bovins en Normandie et n’ont pas spécialement de problèmes d’argent d’autant que leur savoir-faire les amène à récolter trophées sur trophées dans les plus prestigieux concours. En fait ils n’ont aucun problème si ce n’est celui de gérer le train-train quotidien fatalement répétitif autant que saisonnier. Totalement investi dans son élevage, Xavier ne voit pas sa Brigitte se déliter devant ses yeux. Pourtant une plaque d’eczéma suspecte sur la poitrine d’icelle devrait l’alerter sur un début, si ce n’est de dépression, du moins de mal de vivre. Eh oui, la bergère a du vague à l’âme. La vague en question va se transformer en tsunami lors d’une rencontre fortuite avec Stan, un beau et ténébreux trentenaire, une rencontre qui va la pousser vers une escapade parisienne. En solo. Dans la capitale, elle fait des pieds et des mains pour retrouver le jeune homme. Ce ne sera pas sa seule rencontre. Sur son chemin passe Jesper, un dentiste danois, un peu plus de son âge, mais tout aussi avenant. Brigitte va faire le pas fatal. Tout est-il finit entre nos deux éleveurs ? C’est la question que l’on peut se poser d’autant que Xavier, flairant le problème, a suivi sa tendre et douce…
Dans le genre scénario convenu, difficile de faire pire, sans parler de dialogues caricaturaux vis-à-vis du monde rural. Mais ce qui est consternant, ce sont les deux rôles principaux. Isabelle Huppert est totalement à contre-emploi et ne l’assume pas du tout, rejouant en permanence et depuis une éternité de temps son même personnage haut perché, par instant lunaire mais en aucun moment émouvant. Sa Brigitte se balade au milieu de ses charolais en toque de fourrure et poncho écossais avec la même crédibilité qu’un poisson rouge dans un aquarium de piranhas. Le vrai talent est d’investir un personnage et, dans ce domaine, toutes les comédiennes ne s’appellent pas Catherine Deneuve. Encore plus cruelle déception, le Xavier de Jean-Pierre Darroussin. Ce comédien caméléon, que l’on a connu bien plus inspiré est ici à son mieux… lorsqu’il ne dit rien, ses regards prenant l’avantageux relai de dialogues vraiment à tomber par terre. Quel gâchis ! Heureusement, il y a des seconds rôles qui explosent littéralement à l’écran. Il en est ainsi de Pio Marmaï, Stan d’un naturel confondant, Michael Nyqvist, Jesper d’une classe supérieure, Marina Foïs pour une courte scène qu’elle cannibalise avec une rare gourmandise, enfin Jean-Charles Clichet dans le rôle de l’ouvrier de ferme. Il tient à lui seul, et de quelle manière, l’unique moment d’émotion du film ! Et ce n’est pas la pitoyable copie de la fameuse scène extraite de « La femme du boulanger », dans laquelle ici Pomponette est remplacée par une charolaise, qui va alléger le propos et redonner un peu d’originalité à cette comédie d’un niveau bien passable.
Robert Pénavayre
Marc Fitoussi : le tout en un
On n’est jamais aussi bien servi… Dialoguiste, scénariste ainsi que réalisateur de son dernier opus, le Français Marc Fitoussi, à l’aube de ses quarante ans, poursuit une carrière de cinéaste spécialisé dans la comédie. Quelle soit douce-amère, acidulée, déjantée voire potache, c’est bien dans ce style que cet angliciste émérite et diplômé de l’Histoire de l’Art, semble vouloir s’exprimer jusqu’à présent. Après avoir étudié la mise en scène et la direction d’acteur à l’Université de Los Angeles, il débute son cursus professionnel à la fin des années 90 avec une série de courts métrages qui sera suivie d’un moyen métrage. En 2007, son premier long : La vie d’artiste, réunit Sandrine Kiberlain, Emilie Dequenne et Denis Podalydès. Excusez du peu !