On en oublierait presque qu’ils jouent de la musique…classique !! Jubilatoire ! Environ 130 jeunes musiciens sur une scène paraissant bien exigüe, placés sous la direction de leur chef Christian Vasquez, à peine plus âgé. Plus de 75 cordes dont quatorze contrebasses !! et tous les pupitres à l’avenant. Des mines concentrées, et réjouies quand démonstration est faite que l’on a tout donné et du mieux que l’on sait. Que diable, on n’est pas obligé d’afficher une mine sinistre, avant, pendant et après le concert !
Prière de consulter mon article d’annonce du concert.
Oui, nous avons eu droit à un très beau Berlioz, avec un Carnaval Romain qui ne souffre pas de remarque particulière, et qui fut “berliozien“, à souhait.
Pour suivre, qui a déjà entendu cette Suite du Tricorne interprétée de façon aussi convaincante, et hispanique, osons le mot? Et dans les trois morceaux, la danse des voisins comme celle du meunier sans parler de la Danse finale, exaltante, que Manuel de Falla aurait sûrement applaudi des quatre mains. Pas un seul enregistrement ne peut rendre l’impression extraordinaire que tous ces musiciens enthousiastes ont réussi à nous communiquer. Bien peu d’entre nous ont dû l’entendre interprétée de la sorte, avec les mille couleurs d’une musique rendues par un orchestre fourni mais qui, pour autant, n’en respire pas moins avec un naturel exceptionnel. La salle est déjà sous le charme, conquise.
Quant à la Cinquième de Tchaïkovski, elle fut russe d’abord, et d’un bout à l’autre de ces cinquante minutes. Christian Vasquez n’est pas pour rien dans ce résultat car il faut tenir les rênes de cet attelage aux chevaux si nombreux et impétueux. Comme les deux œuvres précédentes, le chef dirige sans partition. Pas un dixième de seconde ne doit être perdu. L’œil doit être en permanence aux aguets sur tel ou tel pupitre. La discipline est de mise et l’on est soi-même tout surpris d’arriver au presto final sans une seconde d’ennui. Cela n’est pas toujours le cas, si on veut bien le reconnaître, quelle que soit la version que vous écoutez parmi les plus de cent cinquante mises sur le marché en trois-quarts de siècle.
Du pur spectacle vivant qui vous fera oublier, pour un certain temps, telle ou telle galette de votre version favorite qui pourra se révéler alors, bien fade et mièvre et sans dynamique. Là, il est manifeste que l’on ressent une réserve comme incommensurable de puissance d’un orchestre capable, on n’en doute pas, d’assumer fièvre et frénésie.
Gros effort réussi de la part du maestro pour ne pas alourdir l’ensemble mais au contraire, alléger l’œuvre malgré le fatum permanent et l’énorme effectif bien sûr. Et comment oser “chipoter“ sur l’intro à la clarinette, puis ses arabesques et trilles un peu plus en avant, sur les interventions du basson, du cor et la réplique du hautbois, les fortissimos aux cuivres ?
Une fin de symphonie qui convient tout à fait à l’ambiance du concert. La coda se précipite dans une course haletante, avant de s’épanouir dans d’ultimes sonneries aux cuivres. Une fin solennelle, optimiste, sans pompiérisme aucun. C’est Tchaïkovski, point.
Ce sera une ovation finale d’un public sous le charme d’une direction aux tempos soutenus, sans temps mort, d’un dynamisme efficace, parfois intense, toujours rehaussé par un sens constant de l’expressivité, du rythme, mais comment ne pas utiliser en effet la fraîcheur des troupes ??
Après une telle démonstration, il fallait bien un peu de détente, et l’orchestre et ses musiciens aux mines épanouies et réjouissantes surent s’y employer :
Tico Tico de Zequinha de Abreu
Mambo de Leonard Bernstein
Popurri de Perez Prado de Eugenio Toussaint.
Ces trois “encore“ ne pouvaient que déchaîner un peu plus encore !! l’enthousiasme réconfortant d’un public conquis.
Michel Grialou