C(h)oeur au féminin
Pour son premier long distribué en salle, Audrey Dana s’offre une magnifique brochette de comédiennes françaises, toutes générations confondues. Ou presque. Par ordre alphabétique, jugez plutôt : Isabelle Adjani, Alice Belaïdi, Laetitia Casta, Audrey Dana herself, Julie Ferrier, Audrey Fleurot, Marina Hands, Géraldine Nakache, Vanessa Paradis, Alice Taglioni, Sylvie Testud. Qui dit mieux ? Que leur propose-t-elle ? D’incarner un panorama de notre société vue au travers du prisme féminin. Car il est bien connu que les femmes entre elles évoquent des sujets sensibles qu’elles tiennent éloignés des réunions mixtes. Entre mère de famille et pdg, créatrice de mode et psychologue, docteur et lesbienne, etc., le panel est, sinon complet, du moins assez large pour donner l’occasion à Audrey Dana de croquer quelques belles individualités. Tout à la fois romantique dans la recherche de l’âme sœur, un rien débridé lorsqu’il est question de sexe, faisant soudain place à l’émotion, suscitant le plus souvent un rire décomplexé, avec des scènes oniriques surprenantes, ce film est une mise en abyme, selon la formule consacrée aujourd’hui, d’une certaine condition féminine. Leur recherche du mâle parfait est assez appuyée tout en restant plausible. C’est d’ailleurs le moment de parler de celui-ci. Une poignée d’excellents comédiens se collent à ce jeu de massacre : l’humoriste Alex Lutz (un vrai talent qui explose dans des situations qu’il fallait oser…), Stanley Weber (le fils de, en super héros sur Vélib), Nicolas Briançon (pulvérisé littéralement par Julie Ferrier), Guillaume Gouix (toujours aussi attachant et lunaire), Marc Lavoine (une apparition) et Pascal Elbé (pour la scène la plus comique de ce film). Victimes de la libido déjantée de cette horde de harpies, ils sont les vrais moteurs du rire, renvoyant le rôle de mâle dominant au rang des oubliettes. Ne reculant devant rien, quitte à choquer les âmes bien pensantes, Audrey Dana nous livre ici un film typique d’un premier long, avec cette soif de dire des tonnes de choses, quitte à ne pas les approfondir. Le problème est là. Les personnages sont posés sur l’écran sans recul. La virtuosité du montage et son efficacité ne permettent en aucun moment de s’attarder sur telle ou telle situation, tel ou tel personnage. Ils deviennent des silhouettes. C’est voulu bien sûr, mais au bout de deux trop longues heures, on en vient à se demander si ce film choral fort sympathique n’aurait pas gagné à laisser de côté son aspect stroboscopique et mécanique pour nous permettre d’entrer en empathie avec ces femmes et ces hommes qui sont à n’en pas douter le quotidien de notre environnement. Cela dit, le moins que l’on puisse reconnaître est qu’Audrey Dana a de l’estomac et du savoir-faire. Attendons la suite avec impatience et sans préjugés.
Robert Pénavayre