« De guerre lasse », un film d’Olivier Panchot
Réaliser un polar dans l’environnement marseillais n’est pas très original. C’est pourtant le cas du dernier opus d’Olivier Panchot. Soit. Et pourtant, combien cette cité porte en elle de fantasmes, d’illusions, de tragédies, de lumières, de bruits, d’odeurs. Ce n’est pas un port, un bout du monde, pour rien. Scénariste également, Olivier Panchot nous jette dans ce maelstrom avec une redoutable habileté. Mais attention, le dernier film de ce cinéaste n’a pas grand-chose à voir avec Borsalino et sa vision très carte postale de la cité phocéenne. Ce sont plutôt les trop fameux quartiers Nord que nous allons arpenter. Les couleurs, désaturées, sont blanches, hivernales, froides comme l’acier confie le réalisateur. C’est dans cette atmosphère que le polar va se transformer en tragédie. Tout tourne autour d’Alex. Une bonne trentaine et bâti comme une armoire. A la suite d’un différend entre clans, et plus particulièrement avec celui de l’Île de beauté, Alex s’est littéralement exfiltré de Marseille pour se mettre à l’abri dans la Légion étrangère. Il vient de la déserter après quatre ans en Afghanistan. Il retourne clandestinement dans ce lieu où il risque la mort, du bruit plein la tête et, surtout, la furieuse envie de retrouver celle qui n’a jamais cessé d’occuper ses pensées. Un brin romanesque, mais bon, pourquoi pas ? Armand, son père et ancien caïd du milieu pied-noir, s’est retiré des affaires et laissé libre son champ d’action aux Corses en espérant, à tort, qu’ainsi ces derniers ficheront la paix à son fils. Mais dans ce laps de temps, les choses ont évolué et la géographie des pouvoirs aussi. Le danger se rapproche d’Alex car dans les milieux l’information circule rapidement. Entre recherche de faux-papiers et retrouvailles avec la bien-aimée, la discrétion n’est plus de mise. La chasse à l’homme commence. Les réflexes d’Alex, acquis au combat, sont aussi violents qu’efficaces. Cela va-t-il suffire ? D’autant que ce malheureux doit affronter un secret de famille enfoui depuis l’indépendance de l’Algérie. En fait, Alex n’arrête pas de rebondir de guerre en guerre. La tragédie familiale va s’immiscer dans la lutte sans merci des clans, offrant au passage une réflexion pertinente sur le racisme soit disant ordinaire dont sont encore victimes les familles franco-algériennes. Dans un casting sans faute et sans véritable star (c’est reposant !), Jalil Lespert (Alex) est tout simplement magnifique d’engagement et de justesse de ton, tout comme Tchéky Karyo, Armand qui confine au pathétique et qui déclenchera malgré tout la tragédie. Formidablement entouré par des seconds rôles particulièrement efficaces : Mhamed Arezki, Hiam Abbass, Jean-Marie Winzing et Olivier Rabourdin, Olivier Panchot signe ici son meilleur opus à ce jour.
Robert Pénavayre