Pour débuter ce concert, l’orchestre, un peu pléthorique pour une oeuvre du premier romantisme, s’est lancé sans finesse dans l’ouverture du Freischütz de Carl Maria Von Weber. Les instrumentistes ont semblé presque pris au dépourvu avec des attaques parfois imprécises et des cors en ordre dispersé. Les gestes énergiques du chef lui donnant presque un coté martial par moment. Lui a fait suite une oeuvre contemporaine du compositeur américano-iranien Richard Danielpour, Darkness in the ancient Valley. Cette suite est construite comme la quatrième symphonie de Mahler avec en final un chant de soprano. Richement orchestrée, cette partition ne manque pas d’allure en faisant référence à Britten y mêlant quelques éléments ethniques. Il y a eu des moments d’une grande violence dignes des musiques de films en Cinémascope. La tragédie de la vie des Iraniens est ainsi rendue perceptible avec un effet immédiat comme le compositeur aime à parler directement aux émotions de l’auditeur. Le chant final confié à une soprano est troublant. Une femme, parlant pour son pays, l’Iran, accepte par amour les coups presque mortels de son époux espérant toujours arriver à se relever par la force de son amour. La voix de soprano assez corsée de Soula Parassidis ainsi que sa diction tranchée sont très évocatrices des dangers encourus en Iran et de la force de la résistance de son peuple. Il s’agissait de la création française de cette pièce.
Après l’entracte la quatrième symphonie de Mahler a été proposée dans une interprétation immédiate et hédoniste par Giancarlo Guerrero. La beauté de cette partition très lumineuse a ainsi resplendi, limpide mais sans ombres. Le trouble qui peut sourdre, la dérision et l’humour noir contenus dans certaines pages n’ont pas été invités par un chef soucieux à tout moment de beauté sonore. L’orchestre a été très généreux en somptuosité de timbres et moins en nuances et subtilité de phrasés. Le premier mouvement dans un tempo prudent a déroulé ses ensorcelants mélisses en toute candeur sans dérision ni gentilles moqueries lors des archets frappés ou les riches percussions. Le deuxième mouvement contenant une marche funèbre avec un premier violon en scordattura est resté très élégant et joyeux sans jamais rien d’inquiétant ou de vraiment provoquant. Le troisième, Ruhevoll, a eu la beauté des songes avec une avancée de tapis volant sans jamais rien de trop profond. Le final a été un peu décevant par manque d’humour mais la partition jouée ainsi au premier degré avec une soprano au chant ferme reste un pur joyaux mettant en valeur le génie d’orchestrateur de Mahler et la virtuosité de l’orchestre du Capitole. L’évocation de l’ambivalence de l’enfance n’a même pas été effleurée. Cette version solide et avant tout centrée sur le beau son a été bien accueillie par le public. Mais nous nous sommes souvenu de l’interprétation si complète sur bien des plans, y compris l’ambivalence de l’image du paradis enfantin, donnée par ce même orchestre autrement plus engagé avec un Tugan Sokhiev très inspiré en mars 2010…
Hubert Stoecklin
Toulouse. Halle-aux-grains, le 17 décembre 2014.
Carl Maria Von Weber (1786-1828) : Der Freischütz, ouverture; Richard Danielpour (né en 1956) : Darkness in the ancient valley ; Gustav Mahler (1860-1911) : Symphonie n° 4 en sol majeur. Soula Parassidis, soprano ; Orchestre National du Capitole de Toulouse ; Giancarlo Guerrero, direction.