L’ascendance des liens filiaux turlupine suffisamment le réalisateur Hirokazu Kore – Eda pour qu’il en fasse l’axe central de son dernier long – métrage. La cellule familiale et l’enfance sont des thèmes récurrents dans son univers mais avec Tel père, tel fils il creuse davantage le sillon en posant la question : qui, de la génétique ou d’un vécu commun, fait qu’un enfant est bien le rejeton de ses parents ?
Le petit Keita, 6 ans, est un pur produit de la société nippone. Son père est un architecte obsédé par le travail, qui ne vit que pour la réussite professionnelle. Il lui impose une discipline militaire avec piano obligatoire et cours du soir pour préparer l’entrée au cours préparatoire, ne se consacrant à l’enfant qu’à de rares occasions. Le reste du temps, c’est sa mère qui doit faire respecter cette charte, en bonne épouse respectueuse (pour ne pas dire soumise) qu’elle est.
Un appel invite Ryota et Midori à se rendre à l’hôpital où leur fils a vu le jour. On leur révèle qu’il n’est pas le leur et qu’il a été échangé le jour de sa naissance. On convie les 2 familles à se rencontrer et faire plus ample connaissance afin de procéder, comme c’est le cas en pareille circonstance, à l’échange des enfants.
Malgré un postulat de départ délicat et qui pourra même sembler horrible à nombre d’entre vous (c’était mon cas), Hirokazu Kore – Eda s’en sort tout simplement comme un chef.
Familier du monde de l’enfance, père lui – même d’un enfant de 5 ans auquel il n’accorde pas beaucoup de temps (c’est lui qui le dit), le réalisateur s’est posé beaucoup de questions sur la filiation et la problématique des liens génétiques face à ceux tissés au fil du temps.
Confrontant deux familles très différentes (les » J’ai la gagne, j’ai engendré Terminator » face aux » Procrastination j’écris ton nom, tu seras un glandeur mon fils « ), il met en exergue tout ce que des parents souhaitent transmette à leur progéniture (à la manière douce mais aussi de façon plus radicale) de leurs simples espoirs à des traumatismes plus profonds.
Mené avec énormément de délicatesse et d’intelligence, d’une retenue très japonaise (peu d’effusions à l’écran, beaucoup de choses sont intériorisées sans amoindrir une émotion palpable. Quand on sait que Steven Spielberg a racheté les droits de ce bien joli film, on craint le remake …), Tel père, tel fils suit ces deux familles qui apprennent à se connaître et découvrent comment » les autres » ont élevé leur enfant génétique.
Parlons – en d’ailleurs de ces enfants. Ils sont épatants, jouent avec un naturel aussi déconcertant que désarmant et distillent de petites plages d’humour bienvenues.
Ils entretiennent une réelle complicité avec leurs confrères adultes. Ces derniers ne sont d’ailleurs pas en reste, tous fort justes, du couple Masaharu Fukuyama / Machiko Ono, englué dans une situation où les blessures d’enfance rendent toute communication impossible à celui formé par Lily Franky et Yoko Maki, beaucoup moins verrouillé quoique aussi perdu.
Le film avance à petits pas, précautionneusement (comme le font les uns vers les autres dans cette histoire), au fil des mois, dans des saynètes accompagnées de quelques notes aigrelettes de piano.
Contemplatif juste ce qu’il faut, aucunement donneur de leçon, Hirokazu Kore – Eda offre un film très doux sur la transmission et l’esprit de famille. Cela donne plus qu’envie de se pencher sur le reste de sa filmographie.
En vous remerciant.
Pierrette Tchernio