Deux chefs-d’œuvre de l’art vocal sont au rendez-vous du public à la Halle le 23 janvier, le Stabat Mater de Francis Poulenc, ouvrage plus rarement donné, en douze mouvements pour chœur, chœur a cappella et soprano, et la Messe de Requiem – version 1900 – de Gabriel Fauré. Sont à l’honneur, les deux formations vocales de leur créateur, et depuis lors, leur directeur artistique, les – éléments et Archipels, l’atelier vocal des éléments. Elles sont placées toutes deux sous la direction du chef catalan Josep Pons, un habitué de la Halle, très apprécié de l’orchestre, et du public. Il confirme là son goût pour les œuvres chorales du répertoire français. Et bien sûr, l’Orchestre National du Capitole de Toulouse.
Complètent l’affiche, les deux grands solistes, la soprano allemande Christiane Karg, membre de la troupe permanente de l’Opéra de Francfort, et Stéphane Degout, magnifique voix de baryton doté d’une prononciation “impeccable“. La soprano amorce une très belle carrière puisqu’elle vient d’interpréter, saison 2013, le rôle d’Aricie dans Hippolyte et Aricie dans le cadre de la tournée du réputé Opéra de Glyndebourne, et celui de Sophie dans Le Chevalier à la Rose l’attend à l’Opéra de Dresde.
Quant à Stéphan Degout, c’est un des plus enthousiasmants barytons du moment, un des plus grands ! soyons un peu chauvin ! Entre le Staatsoper de Munich pour Les Noces de Figaro et la Scala pour Le Comte Ory, il sera en récital au Théâtre du Capitole le mardi 28 avril. Une présence plus que remarquable pour cette version du Requiem pour grand orchestre de Fauré puisque le baryton n’est présent que dans l’Offertoire et le Libera me.
Depuis sa création en 1997, le Chœur de chambre les – éléments est un ambassadeur de choix de Toulouse et de la région Midi-Pyrénées. Mené de main de maître par Joël Suhubiette, en concert comme au disque, ils font de l’opéra et de l’oratorio, tout en restant très attachés à la défense du répertoire a cappella et à la création contemporaine, la musique d’aujourd’hui étant une part essentielle de l’ensemble. Leurs derniers enregistrements en sont une preuve éclatante.
Au travers de ses œuvres a cappella sacrées et profanes, le chœur célèbre aussi, en plusieurs lieux, le cinquantième anniversaire de la disparition de Francis Poulenc.
Mais le Francis Poulenc du Stabat Mater n’est pas celui des “ années folles “, celui qui donne dans l’érotisme avec son ballet Les Biches (1924), ou dans la grivoiserie avec les Chansons gaillardes (1926) ,ou encore dans la provocation surréaliste avec Les Mariés de la Tour Eiffel (1921). C’est plutôt celui du moine, « Il y a en lui, du moine et du voyou. » dixit Claude Rolland. Ce seront, en 1936 les Litanies à la Vierge Noire, puis en 1937 une Messe a cappella, puis quatre Motets pour un temps de pénitence.
En 1949, pour rendre hommage à son ami décédé, le peintre et décorateur Christian Bérard, il songe tout d’abord à un Requiem, mais il trouve cela trop pompeux. Puis, l’hymne composé à la fin du XIIIè siècle a davantage ses faveurs pour plusieurs raisons. D’autre part, l’œuvre, à son goût, n’en est pas moins aussi tragique qu’une messe des morts. Et les souffrances physiques du Christ et celles – morales – de sa mère sont traitées avec une chaleur humaine, une « caressante tendresse » parfaitement conformes à son génie catholique et latin. De son propre aveu, le Stabat Mater trouve naturellement son prolongement dans l’opéra qui occupera cinq ans de sa vie : Le Dialogue des Carmélites, ouvrage devenu une pépite du répertoire lyrique du XXè siècle. Pas de percussions et pas d’orgue dans ce grand orchestre qui ne présente pas moins que : 2 flûtes, un piccolo, 2 hautbois, un cor anglais, 2 clarinettes, une clarinette basse, 3 bassons, 4 cors, 3 trompettes, 3 trombones, timbales et 2 harpes. Une composition orchestrale à remarquer pour une œuvre chorale de ce type. Durée environ trente minutes.
Gabriel Fauré compose la plus grande partie de son Requiem dans les premiers jours de 1888 alors qu’il vient d’assumer deux chocs affectifs successifs, d’abord le décès de son père en juillet1885 puis celui de sa mère le 31 décembre 1887. Plusieurs versions vont voir le jour dont la première était pour baryton et orgue. Celle dite à « orchestration définitive » fera autorité à partir de sa création, le 12 juillet 1900 pour l’Exposition universelle de Paris, au Palais du Trocadéro. « Mon Requiem, on a dit qu’il n’exprimait pas l’effroi de la mort. Quelqu’un l’a appel é la berceuse de la mort. Mais, c’est ainsi que je sens la mort : comme une délivrance heureuse, une aspiration au bonheur de l’au-delà, plutôt que comme un passage douloureux. »
« L’effroyable tempête que nous traversons nous rendra-t-elle à nous même en nous rendant notre sens commun, c’est-à-dire le goût de la clarté dans la pensée, de la sobriété et de la pureté dans la forme, le dédain du gros effet ? » question que se posait Gabriel Fauré sur l’écriture de son Requiem, en avril 1915, à près de soixante-dix ans, dans un entretien accordé à un journal ariégeois.
Michel Grialou
jeudi 23 janvier 2014 – Halle aux Grains
Orchestre National du Capitole
Choeur de Chambre les Éléments