Immersion au cœur de la ville, propulsion entre passé et futur : le festival de danse contemporaine Neuf9 s’ouvre sur le patrimoine à Auterive et sur l’émergence des jeunes talents… sous le regard bienveillant de têtes d’affiches.
La dernière fois que l’on a vu Samuel Mathieu, il dansait avec seize métronomes. C’était au théâtre Le Vent des Signes et son spectacle s’appelait « la Performante ». On retrouvera le chorégraphe audacieux à Auterive, au cœur du Neuf9 Festival qu’il dirige depuis cinq ans. Pendant une semaine, la ville entière se fera scène, voyant tous ses espaces transformés en plateaux de danse. Ainsi, le jeune collectif de danse de rue A/R investira le marché du vendredi matin qui deviendra l’outil de son « États des lieux », le temps d’un moment d’échange et de proximité avec le grand public.
Le festival a offert à la jeune génération une carte blanche sous forme de projets in situ : les dix danseurs de la formation Extensions du Centre de développement Chorégraphique de Toulouse proposeront des déambulations dans cinq bâtiments représentatifs d’Auterive. Cette même promotion sera également dirigée par la chorégraphe Rita Cioffi. Ex-danseuse de la compagnie Dominique Bagouet, elle est porteuse du désir de l’équipe festivalière de maintenir vivant le répertoire et d’opérer un raccord entre passé et avenir. Pour la première fois depuis la disparition prématurée de Dominique Bagouet en 1992, elle remontera « Necesito », dernière création de cette figure majeure de la jeune danse française.
La Compagnie Samuel Mathieu proposera de son côté sa toute première pièce jeune public : « La dynamique des émotions ». Samuel Mathieu, dont on connaît l’intérêt pour les arts plastiques, a choisi deux artistes, Yves Klein et Pierre Soulages — par ailleurs unis par des liens d’amitié — pour construire ce fil tendu entre le bleu et l’outrenoir, entre les anthropomorphies de l’un et les lithographies de l’autre. Un spectacle coloré, organique et ludique qui regarde au plus profond de l’enfance. Le festival accueillera aussi des amis fidèles et artistes de renom. Josef Nadj interprétera avec Cécile Loyer « Sho-bo-gen-zo » (photo), dont la création musicale a été confiée à la contrebassiste et improvisatrice Joëlle Léandre et au multi-instrumentiste Akosh Szelevényi. Pièce méditative et poétique sur le Japon, variation sur la question du temps, elle est inspirée de l’œuvre de maitre Dogen, fondateur de l’école zen sôtô.
Puis l’on retrouvera Cécile Loyer en duo avec Joëlle Léandre pour « Cascade », créée cette année au Centre national de la Danse. Un spectacle hybride composé d’images, de sons, d’accessoires, de mouvements, accumulés et multipliés qui s’enchainent et se dénouent en une multitude de tableaux drôles et absurdes. Dans un tout autre genre, « Unpunished », de la compagnie néerlandaise Bodies Anonymous de Guilherme Miotto, nous livrera des images fortes et fascinantes mettant en scène deux performers enfermés dans un donjon urbain qui deviennent chacun le bourreau de l’autre. Une œuvre physique et sensuelle à la croisée des danses tribales africaines et des street dances américaines comme la house, le popping et le krump…
Par ailleurs, la manifestation réitère son lien avec la musique. Si les compositions de Joëlle Léandre sont au cœur de deux propositions chorégraphiques, deux figures de la nouvelle génération révéleront au public leur univers singulier. Le musicien et plasticien Arnaud Paquotte — invité avec Samuel Mathieu du prochain festival du CDC — présentera au Boulodrome un dispositif sonore et lumineux laissant entrevoir la rencontre du fer et de l’électricité. Et de Maxime Denuc, on entendra la pièce baroque pour orgues à l’Église Saint-Paul. Dans les rues ou dans les salles, la danse se fera protéiforme. Elle sera l’héroïne d’un film documentaire dans lequel huit danseurs de formations diverses s’approprient huit espaces publics toulousains, improvisant sous le regard des gens… Et se déploiera au travers de deux expositions photos.
Sarah Authesserre
une chronique du mensuel Intramuros
Festival Neuf9, du 25 novembre au 1er décembre, à Auterive. Tél. 05 61 22 19 09.