Jazz sur son 31 – Concert Marylin Mazur
Composition du groupe
Josefine Cronholm: voix
John Taylor: piano
Anders Jormin: contrebasse
Marilyn Mazur: percussion, batterie, voix
Marylin Mazur est tout à la fois batteuse, percussionniste, chanteuse et même jadis danseuse. Cette américaine du Danemark a illuminé de sa présence magnétique de nombreux groupes dont celui de Jan Garbarek pendant 14 ans, et qui vint avec elle, enceinte, à la Salle Nougaro et donna un concert déjà presque mystique.
Depuis elle a cheminé et fondé ses propres groupes.
Ce soir, pour Jazz sur son 31, elle est venue avec son quartet jouant la musique du cd « Celestial Circle » parue en décembre 2010 chez ECM.
Et sa musique devient autre :
«En réalité, Celestial Circle est très différent de tous les autres groupes ; il est beaucoup plus acoustique, plus jazzy et plus lyrique dans son expression. C’est vraiment de la musique “apaisante”, en comparaison à celle que j’avais jouée auparavant. Quand j’ai réuni ce groupe, j’avais le projet de créer une musique plus dépouillée que celle des autres ensembles».
Et portée par le piano souverain de John Taylor, la voix de mezzo aux mille facettes de Josefine Cronholm, le socle de la basse de Anders Jormin, elle a offert le plus étrange et sans doute le plus accompli du festival Jazz sur son 31.
Ce groupe est devenu presque mythique, avec mille couleurs qui ne sont pas sans rappeler le groupe Azimuth avec le même John Taylor, et aussi Norma Winstone et Kenny Wheeler.
Mais là où sourdait une douce mélancolie, maintenant cette musique s’élance plutôt vers la musique des sphères et la spiritualité. C’est la démarche actuelle de Marylin Mazur :
« Ma spiritualité est plus liée au ciel qu’à un dieu spécifique. Je suis une croyante en les forces de la vie et l’aspect émotionnel et mystique est une partie importante de ma musique ».
Elle pense que la musique a un pouvoir d’élévation et devient un moyen d’entrer dans les niveaux les plus profonds de la vie.
Elle voudrait que sa musique « redonne de l’énergie et de l’amour, pour que les gens prennent du plaisir à échanger des bonnes vibrations ».
Musique de connexion, musique parfois planante, mais jamais musique ennuyeuse comme une célébration.
Et cette musique est surtout merveilleusement expressive. Avec sa forêt de cloches, de gongs, de tambours, de cymbales, de blocs de bois, et de clochettes, c’est un monde frémissant et magique qui se déploie.
Ce concert « Celestial Circle » est éminemment vocal, par rapport aux précédents albums de Marilyn, davantage instrumentaux. La voix y prend une importance majeure et le rôle de Josefine Cronholm en est primordial.
Et Marylin Mazur se met aussi à chanter : « J’aime beaucoup la voix, car c’est l’expression la plus intime des êtres humains. C’est le plus doux et bel instrument et il touche tout le monde. J’aime surtout la voix très directe, qui ne prend aucun style particulier, qui est davantage l’expression de l’humain ».
Aussi on entend des improvisations aériennes, des chansons et aucun prêchi-prêcha mystico-délirant.
C’est de la musique libre, plus légère que l’air. Alternant les passages improvisés, et les chansons écrites, dont « Your eyes », « Drumrite », « Among the trees », « Oceanique » sont les plus marquantes, un beau fleuve de sons se déploie, et jamais Marylin Mazur ne se met trop en avant, se fondant dans le groupe, à part un très court solo, restant totalement à son écoute.
Tout respire, et malgré la grande complexité harmonique qu’elle recèle, cette musique paraît évidente et simple. Et quand l’immense John Taylor prend la parole, bien des anges passent. Tout semble libre, et les inflexions de la voix de Josefine Cronholm tissent un chemin de rêveries.
On passe du solo au duo, au trio, aux improvisations, sans que jamais le fil ne se rompe.
Marylin Mazur abandonne parfois les routes du rythme et du groove, pour se créer une nouvelle manière plus intériorisée. Tout devient inflexion, notes suspendues, traits de lumière, bruits de vagues, dans cette musique.
La grande virtuosité du groupe se fait surtout mélodie infinie. On est plus dans la musique du monde que dans le jazz, mais on ressent toute l’empathie de cette musique qui sait aussi devenir chaleureuse et groovy.
Ce concert devient une alchimie prenante, où tension, nuances et énergie donnent effectivement de bien bonnes vibrations.
Gil Pressnitzer
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