Si les Jacobins sont un des fleurons de notre patrimoine historique et architectural, ils n’en sont pas moins devenus au fil des ans, un haut lieu musical incontournable de notre pays. Voilà maintenant 34 ans, qu’à chaque été finissant, le piano y élit domicile grâce à la passion et la ténacité de ses initiateurs : Catherine d’Argoubet et Paul-Arnaud Péjouan.
Piano aux Jacobins est un festival de réputation internationale qui s’est même installé en Chine, donnant en ce mois de mai plusieurs concerts pour sa neuvième saison à Pékin, Shangaï, Wuhan et Guangzhou. En constante évolution, il sait, tour à tour, surprendre et rassurer un public fidèle et toujours impatient, et ravi d’être convié à ce grand rendez-vous automnal.
L’art de la réussite d’un festival et de sa durée, c’est un cocktail savant, à l’alchimie subtile, nécessitant un peu l’aide du ciel qui vient conforter la recette, à savoir, un faisceau d’éléments participant à l’exception du moment et faisant de chaque instant sa rareté. Ainsi, depuis 1980 , tout en conservant en bonne place le répertoire classique et traditionnel qui est la signature même du festival, ces fondateurs ont-ils réussi aussi un autre défi : mêler des compositions plus contemporaines, voire même passer commande, tout comme aborder d’autres genres musicaux, tel le jazz, avec deux « Carte Blanche » cette année données à, Sophia Domancich, une passionnée de jazz mais surtout en quête permanente de nouvelles expériences et sons, et à Yaron Herman, « tombé » à 19 ans, fortuitement mais, définitivement dans le jazz à Paris, musicien à la carrière fulgurante, un phénomène exceptionnel et unique dans l’histoire du piano, premier pianiste de jazz à se produire à la Cité Interdite de Pékin.
« Piano aux Jacobins » fait aussi la part belle aux arts plastiques, ne serait-ce que tous les ans avec la réalisation d’un splendide livre-programme confié cette année à l’artiste plasticien André Cervera dont les œuvres et illustrations sont là pour rappeler l’intemporalité de l’Art, de Clementi à Messiaen, de la brique millénaire au pictural du XXIè siècle.
Le Cloître n’y suffisant plus, un autre lieu, l’Auditorium Saint-Pierre des Cuisines se retrouve investi pour trois soirées cette année, avec trois très très beaux programmes sous les doigts de Jonas Vitaud, pianiste à l’insatiable curiosité musicale et son programme en est une preuve, même chose pour David Violi et, Patrice Amoyel dont les derniers enregistrements font fureur. L’acoustique du lieu pour le piano est assez extraordinaire.
Le Musée les Abattoirs donnera un Tableau-concert avec le tout jeune Ismaël Margain, 3ème grand Prix du jury 2012 du concours Long-Thibaud. C’est la fantastique œuvre-phare du musée, La dépouille du Minotaure en costume d’Arlequin de Pablo Picasso qui sera sa source d’inspiration dans l’interprétation d’œuvres de Schumann, Brahms, Fauré, Ravel. La veille, dans le cadre des Journées du patrimoine, il donne, au Cloître, un concert ouvert à tous, gratuit, avec Scarlatti, Beethoven et Chopin.
Avec sa nouvelle salle, L’Escale, Tournefeuille « entre dans la danse » et accueille Romain Descharmes, pianiste qui effectue, sans tapages, un très beau début de carrière internationale, tandis que pour la première fois, la Prairie des Filtres constitue un nouveau lieu pour ce Festival avec un concert de musique électro / classique concocté par …le petit-fils de Serge Prokofiev, mais oui !!! Gabriel Prokofiev, compositeur et producteur de musique électro et de hip-hop.
En partenariat avec l’ONCT, le jeudi 19 septembre, Tugan Sokhiev dirige son Orchestre National du Capitole de Toulouse dans un concert à la Halle, entièrement consacré à Brahms, avec la Symphonie n°2 et le Concerto pour piano et orchestre n°2. Au clavier, une pianiste vénérée par le public toulousain, et le mot n’est pas trop fort, que nous ne vous présenterons pas, ce serait lui faire offense, j’ai nommé : Elizabeth Leonskaja. Dans le cadre de Piano aux Jacobins, c’est sa huitième !
Honneur à la benjamine venant affronter le public du Cloître. A 20 ans à peine, la pianiste italienne Beatrice Rana a déjà fait beaucoup parler d’elle dans ce petit monde du piano. Avec Scarlatti, Clementi, Schumann, nous sommes, nous aussi, tout à fait disposés à la couvrir d’éloges !!
Autres piliers qui viennent et reviennent au Cloître, car ils aiment, et nous les aimons aussi : Menahem Pressler, l’inoubliable chambriste, Richard Goode, dont le seul dessein est de faire entendre la voix du compositeur dans toute sa plénitude, et enfin, notre colosse virtuose aux mains de velours, destructeur virtuel de piano, Boris Berezovsky. A coup sûr, de grands moments d’émotions en perspective. Et qu’importent les œuvres constituant leur programme puisque nous répondrons présents aux soirées consacrées à ces véritables légendes vivantes du piano.
Les amateurs du clavier de Jean-Sébastien Bach iront écouter David Fray qui, entre toccatas et partitas, consacre tout son récital au Cantor.
L’Institut Cervantès est Partenaire avec deux artistes, eux-aussi valeur sûre du Festival, Joaquim Achucarro et Luis Fernando Perez, ce dernier en train de calquer avec bonheur sa carrière sur celle pleinement réussie de son aîné. Les deux participent à des événements prestigieux tout comme leurs enregistrements sont grandement salués par la critique.
Figure importante du piano britannique, le gallois Llyr Williams a gagné quelques échelons de plus côté notoriété internationale. Musicien très complet, à la fois soliste, chambriste et accompagnateur, il allie sens architectural et imagination poétique. Impatients nous sommes aussi de redécouvrir la Wanderer Fantaisie de Schubert et les Tableaux d’une exposition de Moussorgsky interprétés par la jeune pianiste géorgienne, Nino Gvetadze, une personnalité rayonnante, “fan“ de Franz Liszt, couverte de récompenses dans les concours prestigieux.
Jonathan Biss, pianiste américain, nous revient. Même impatience de découvrir sous ses doigts son Schumann qui concilie lyrisme tempétueux et raffinement sonore, révolte fauve et détachement olympien. Tout comme on est impatient de voir comment le bulgare Evgeni Bozhanov affronte touches blanches et noires car, la nouvelle étoile montante du piano a du caractère se permettant de refuser le 4ème prix du jury du dernier Concours Chopin ! et faisant ainsi une entrée fulgurante sur la scène internationale, confirmée par les récitals donnés dans la foulée.
Enfin, trois noms auxquels il va falloir peut-être s’habituer, du moins, c’est tout le mal qu’on leur souhaite. Ils ont pour eux d’être de jeunes pianistes avec des débuts de carrière confondants, des qualités faisant l’admiration du public, et des programmes audacieux d’une extrême diversité comme si rien ne leur faisait peur. Les vieilles pierres du Cloître vont se retrouver toutes émoustillées, à l’écoute de si jeunes talents dont la valeur n’attend pas……Bezhod Abduraimov, Karim Said, Benjamin Grosvenor vont, à n’en pas douter, nous surprendre. Il faudrait ajouter à la liste un quatrième larron en la personne du tout jeune Kit Amstrong qui, s’il n’offre pas un programme de récital très diversifié , du moins autant que ses jeunes collègues, n’en fait pas moins alterner Ligeti et Bach !! Ces jeunes n’ont vraiment peur de rien !
Voilà de quoi distraire durant le mois de septembre tous les amateurs de piano, pratiquants ou non ! et faire, qui sait, de nouveaux adeptes, les tarifs pratiqués et diverses formules permettant de découvrir sans se ruiner. Un bon point à noter.
Michel Grialou
Festival International Piano aux Jacobins
du 03 au 30 septembre 2013
Site Internet
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