Par ce troisième opus, Jean-Marc Andrieu achève un triptyque entamé en 2008 consacré à la musique religieuse de Jean Gilles avec son orchestre Les Passions et le chœur Les Éléments. Il se fait sans aucun doute le champion de la redécouverte de ce maître trop tôt disparu. Après un Requiem de référence, puis de prenantes Lamentations de Jérémie, agrémentées de motets de circonstance, voici une Messe en ré de jeunesse, vraisemblablement composée à Aix-en-Provence et le solennel Te Deum de 1698 pour la paix de Ryswick, qui mettait un terme à la guerre de la Ligue d’Augsbourg…
L’interprétation raffinée de JM Andrieu allie la couleur des timbres à un équilibre lumineux entre les voix où dominent des rythmes dansants. Avec des sonorités soyeuses et rondes, l’orchestre est appuyé par un opulent continuo où l’on trouve un rare serpent. Les dialogues entre solistes, dessus et basses présentent sobriété et douceur avec une étonnante combinaison de trio de basses.
Mais le joyau de cet enregistrement est sans conteste cette Messe en ré inédite que l’on suppose de la jeunesse aixoise du compositeur, pour laquelle le chef a d’ailleurs restitué les parties instrumentales intermédiaires avec l’harmonie et la conduite des voix. On se demande pourquoi une œuvre aussi originale, fine, expressive, presque sensuelle dans l’écriture a pu dormir aussi longtemps à la Bibliothèque Nationale. Modeste et hors des modes du temps, Gilles s’écarte de la pompe versaillaise et des grandes arias solistes pour suivre un chemin plus spirituel dont il partage la ferveur.
Il règne une légèreté méridionale dans l’ensemble et l’on se plaît à trouver quelques esquisses du Requiem postérieur d’une décennie, ainsi que des parentés avec l’intimité d’un Charpentier. Mais la ferveur confiante de l’émouvant dialogue entre les solistes et le chœur dans l’Agnus Dei annonce l’immense tendresse des futures œuvres religieuses de Joseph Haydn.
Les moments de grâce sont nombreux avec des parties solistes harmonieuses, de beaux échanges avec le chœur à son meilleur et un orchestre mené de main de maître.
Cette résurrection rend une justice méritée à la musique de Gilles si longtemps occultée par les fastes parisiens. On peut espérer que cette superbe messe ainsi exhumée connaîtra un succès commercial équivalent à la tout aussi juvénile Messe solennelle de Berlioz que John Eliot Gardiner nous avait restitué, il y a bientôt vingt ans.
Ce disque rare a été bien reçu par la critique spécialisée obtenant quatre étoiles de Classica, cinq Diapasons, ainsi que La Clef du site ResMusica. Un coffret rassemblant les trois volumes dédiés à Gilles doit paraître courant avril chez le même label Ligia.
Alain Huc de Vaubert
Pour lire cet article dans son intégralité, prière de se reporter au site ResMusica.com