Rencontre avec Franck Garric dont les mises en scène de « la Vérité sort de la bouche des bouffons », de Saturnin Popoff, et du « Testament de Vanda », de Jean-Pierre Siméon, sont reprises au Théâtre du Grand-Rond et au Vent des Signes.
Lorsque Tekeli Cie – qui ne se réclame d’aucune étiquette – est née, c’était pour la création, en 2002, de la pièce de Jean-Pierre Siméon « Stabat mater furiosa » qu’interprétait Céline Pique (photo), sous la direction de Franck Garric. C’est un autre solo du poète et dramaturge que l’on retrouve au Vent des Signes. Créé la saison dernière à la Cave Poésie, « le Testament de Vanda » est le monologue bouleversant d’une jeune femme, à bout de course, échouée dans un centre de rétention avec sa fille, après avoir souffert la guerre, la rue, les humiliations, la misère. Une confession sur le mode mezzo voce portée avec sobriété et force par la prodigieuse Céline Pique. Il est des vérités qui font mal…
De l’auteur de « la Vérité sort de la bouche des bouffons », on ne saura rien. Derrière le pseudonyme fantasque et énigmatique de Saturnin Popoff : une pièce folle, absurde, grinçante. Avec ce spectacle, créé et repris aujourd’hui au Théâtre du Grand Rond, Tekeli Cie s’aventure dans quelque chose d’inconnu, loin de l’univers sombre du poète Jean-Pierre Siméon, ou des spectacles pour jeune public déjà montés. Quoique… Le thème de l’enfance qui accompagne la compagnie de création en création, sous-tend « la Vérité sort de la bouche des bouffons ». Cette période bienheureuse où l’on n’avait pas peur du temps qui passe et de la mort et que l’on se remémore à un âge automnal. Sous forme de jeu et dans un éternel recommencement – on dirait qu’on serait mort mais ce serait pour de faux –, la pièce met en scène un personnage de bouffon-despote joué par Franck Garric parce que «aucun des comédiens ne voulait de ce rôle». Armé d’un pistolet, il tyrannise deux clowns et les force à le divertir. Pour tromper sa solitude, exister, exercer son pouvoir.
Mais, explique le metteur en scène et comédien, «même si la pièce aborde plusieurs sujets, comme la prise de pouvoir, la dictature, elle ne cherche pas la démonstration, la dénonciation». La farce est noire, certes, mais l’interprétation distancée des trois comédiens participe à la loufoquerie d’une écriture dadaïste qui pratique avec jubilation l’art du non-sens et du coq à l’âne. Les personnalités éthérées et lunaires de Thierry de Chaunac et de Jean-Marie Champagne (photo) contribuent à la fraicheur du spectacle.
«Quatre-vingt pour cent de la mise en scène provient de la distribution. Le choix des comédiens est fondamental, j’ai pensé à eux dès la première lecture de la pièce. Nous avions déjà travaillé ensemble. Ils ont un univers très distincts». La scénographie alterne entre décor de chapiteau de cirque – saturé d’objets hétéroclites – et sous-bois d’automne. Un bric-à-brac qui, comme la pièce, se soustrait volontairement à toute tentative d’analyse et récuse toute référence théâtrale. «On n’est pas obligé de tout comprendre, il faut accepter de se laisser surprendre», prévient Franck Garric. Jusqu’alors jamais montée, « la Vérité … » est la première pièce de Saturnin Popoff. Un pari réussi qui ne devrait pas s’arrêter là : la compagnie confie avoir passé commande à son auteur de la suite des aventures des bouffons…
Sarah Authesserre
Recueilli en novembre 2012, à Toulouse, pour le mensuel Intramuros
« Le Testament de Vanda », du 4 au 8 décembre, 20h30, au Théâtre Le Vent des Signes, 6, impasse de Varsovie, Toulouse. Tél.: 05 61 42 10 70.
« La Vérité sort de la bouche des bouffons », du 18 au 29 décembre, au Théâtre du Grand Rond, 23, rue des Potiers, Toulouse. Tél.: 05 61 62 14 85.111111