C’est non sans émotion et un zeste de malice que je vais mettre en ligne cet article sur le dernier film de François Ozon. Son jeune rédacteur, Victor Pascal, a non seulement des choses à dire mais un style à suivre. En attendant qu’il ait son blog de chroniqueur, ce qui ne saurait tarder, je lui prête ma page. C’est bien la moindre des choses pour un film qui parle aussi un peu de transmission entre générations …
Dans la maison
Directeur : François Ozon
Acteurs : Fabrice Luchini, Ernst Umhauer, Kristin Scott Thomas, Emmanuelle Seigner, Bastien Ughetto, Denis Ménochet…
Genre : Thriller
Nationalité : Français
Sortie nationale : 10 Octobre 2012
Durée : 1h45
Synopsis : Un garçon de 16 ans s’immisce dans la maison d’un élève de sa classe, et en fait le récit dans ses rédactions à son professeur de français. Ce dernier, face à cet élève doué et différent, reprend goût à l’enseignement, mais cette intrusion va déclencher une série d’événements incontrôlables.
Dans la maison, librement adapté de la pièce espagnole de Juan Mayorga, intitulée « Le Garçon du dernier rang », est un film maîtrisé, et cela à tous les niveaux. François Ozon, fils de parents enseignants et initié au cinéma par Joseph Morder et Eric Rohmer -ce dernier étant le mentor de Fabrice Luchini durant ses débuts sur grand écran- signe là son treizième long métrage, et le chiffre lui porte bonheur. Le début du film s’ouvre sur un adolescent seul, Claude (Ernst Umhauer), attendant devant les portes fermées de son établissement, où un professeur de littérature, Germain Germain (Fabrice Luchini) fait lui aussi sa rentrée des classes, las de l’enseignement où les nouveaux « apprenants » ne s’intéressent plus à rien. Le nouvel élève qu’est Claude, doué pour l’écriture mais aussi dangereusement pervers, va remettre en selle l’ancien professeur passionné qu’est Germain, pourtant averti de la dangerosité du jeu dans lequel il se lance par sa femme Jeanne (Kristin Scott Thomas), jusqu’à un final inattendu mais inévitable.
Le film, dont le thème principal est la curiosité et ses aspects les plus poussés, tourne autour de deux personnages rongés par cette curiosité, vis à vis des autres plus que d’eux même, qui finissent par tomber dans le voyeurisme pur et simple. Jeanne, protagonniste en dehors de cette relation élève-professeur qui pourtant ne peut s’empêcher de lire les rédactions du jeune garçon, est l’exemple par excellence de cette curiosité malsaine, que au fond, chacun de nous possède (il suffit de regarder le succès de la presse people…). Plongés dans une ambiance impersonelle où l’uniforme est remis à l’ordre du jour, où les rues, les parcs et les maisons se ressemblent, les personnages du film se débattent à leur façon pour trouver une identité qui leur fait défaut, un rôle à jouer dans l’histoire, qu’elle soit fiction ou réalité.
François Ozon, de la rencontre de ces deux personnages, fait naître une relation subtile et fragile, emmenée par un Luchini qui joue juste dans un rôle taillé sur mesure, et un jeune acteur de 21 ans au visage angélique mais au regard malveillant rappelant celui de Jean-Baptiste Maunier dans « Les Choristes », qui surprend par sa capacité à intriguer. S’inspirant de Hitchcock, De Palma, et largement de « Théorème » de Pasolini (cité dans le film), mêlant fiction et réalité, réel et fantasme, Ozon ballade à travers les pièces de cette maison pourtant si banale ses personnages, manipulant leurs désirs pour créer une ambiance malsaine camouflée de sexualité, à la fois refusée puis assumée par le spectateur, devenu voyeur à son tour, acteur à son tour, devenu un personnage de plus dans le labyrinthe d’Ozon. 4 / 5 .
Victor Pascal