Et l’on démarre fort, par une délocalisation, mais à bon escient !! avec Calacas, par le Théâtre équestre Zingaro. Le spectacle est donné sous chapiteau à Auch dans le cadre du CIRca, pôle national des arts du cirque. Ce spectacle époustouflant est conçu, scénographié et mis en scène par Bartabas. Tous ceux capables de rêver encore, seront à la fête.
Ce créateur inspiré, “mi-homme, mi-cheval“, mélange avec subtilité l’art équestre, le théâtre, la musique et la danse, un spectacle total entre le réel et l’irréel, entre le ciel et le sable foulé par les sabots. Signifiant “squelette“ en langage mexicain, “Calacas“ résonne comme une fête… celle de la mort, les cavaliers se réduisant à des tas d’os bringuebalants, l’ensemble constituant des images assez époustouflantes.
Après avoir martelé la terre de son Théâtre équestre Zingaro, durant plus d’un quart de siècle, voici queBartabas s’attaque au ciel. Et qu’il entend y festoyer de plus belle en mettant la camarde en cavale et les morts vivants à cheval. Préparez-vous à entrer dans une danse de l’âme joyeusement macabre, déroulée sous vos yeux autant qu’au-dessus de vos têtes. Un double carnaval endiablé mené au son du tambour des chinchineros, des fanfares mexicaines et des orgues de Barbarie. Avec encore et toujours le cheval, le conducteur des âmes des morts le plus sûr qui soit parmi les animaux, passeur, coursier, messager et ange gardien.
Quelques propos du créateur : « Ce qui m’intéresse, avec Calacas, c’est la danse macabre. Une danse de mort, c’est aussi une danse de vie. J’ai fait des recherches sur ce que représente le carnaval, aussi bien au Moyen Age que dans différentes cultures. Assez vite et très naturellement, je me suis approché du Mexique parce que c’est là qu’on trouve l’imagerie la plus passionnante, bien qu’il y ait de grands points communs entre la danse macabre du Moyen Age et la tradition mexicaine.[….]
Dans le spectacle, j’essaie de dévoiler, à travers la musique et grâce à l’animal, comment le Mexique a évolué par rapport à cette tradition qui était celle des Indiens d’Amérique. La représentation de la mort au Mexique est très joyeuse et dynamique. Mais il y a aussi un temps qui se regarde. Et la fuite en avant due au mouvement. Les musiciens seront tout le temps en mouvement pendant le spectacle. C’est la notion même du carnaval. Un déplacement perpétuel. Je l’ai transcrit en scénographie, en une piste suspendue entre ciel et terre, une piste en l’air, une en bas. Il y a plusieurs niveaux qui permettent toujours d’être en mouvement, différemment. Plus la notion « entre ciel et terre » qui est très nouvelle à Zingaro : associer le volant avec le cheval. Et puis, il y a évidemment le cheval vecteur de voyage qui permet de voyager même dans l’au delà, comme dans beaucoup de traditions et notamment dans ces traditions chamaniques.
Comme à chaque fois avec Zingaro, le thème est un prétexte. C’est toujours la musique que je choisis en premier. La respiration d’un spectacle se fait naturellement, en fonction de ce qu’on a envie d’exprimer, et qui est souvent traduit par la musique.[….] Il y a ce côté répétitif qui m’intéresse. L’oeil, le spectateur va digérer un certain aspect de l’image. Il va en regarder un autre. J’installe tout, comme un carnaval, et après, je laisse le spectateur voyager dans l’image. Ca va être une des caractéristiques de Calacas.. La présence du cheval va ressortir d’autant plus que l’être humain est désincarné ; c’est un squelette. Il y a une certaine tension due à la proximité du cheval et de ce que génère l’animalité du cheval. Dans le Centaure c’est le contraire. Je parvenais par un travail de respiration, à mettre le cheval dans un état de calme, de décomposition du mouvement, d’énergie à partir du vide. Dans Calacas, le cheval, à l’inverse, doit être utilisé pour son énergie vitale puisque l’être humain n’a plus que la structure. Celui qui a l’énergie vitale dans Calacas, c’est le cheval, pas l’homme. Les spectacles de Zingaro sont généralement assez sensuels, une sensualité produite par l’homme et par l’animal. L’être humain, d’une certaine façon, disparaît. Il ne reste de lui que la structure. Celui qui a l’énergie vitale, c’est le cheval. [….]
Préparation : Je ne voyage jamais dans les pays qui inspirent mes spectacles, mais j’aime parler avec des gens qui connaissent le pays, j’aime écouter leur regard. C’est comme un tableau qui se compose. Ce sont ces deuxièmes regards qui me touchent. Je m’inspire aussi beaucoup des arts plastiques : Basquiat, évidemment, a fait partie des préparatifs, Matisse et tout le travail de Posada sur le Mexique (ça se retrouve dans la scène des charrettes), leur vision m’inspire inconsciemment. En revanche je m’inspire rarement des spectacles vivants. Le rythme de création est très lent. Nous faisons un spectacle tous les deux ans et demi environ. On ne voit pas tout de suite le chemin. C’est un long cheminement.
Instinct : Je ne me pose jamais la question du pourquoi. Il y a surement un fil entre les spectacles, une logique que je ne peux expliquer maintenant parce que je ne veux pas que ça interfère dans ma façon de produire l’image. Je n’ai pas fait Calacas il y a 10 ou 20 ans, je n’en aurais sans doute pas été capable, je l’ignore. Mais j’ai envie de le faire aujourd’hui. C’est très instinctif. Ca ne veut pas dire qu’il n’y a pas de sens, ça veut dire : respecter mon instinct. C’est ce que m’ont appris les chevaux : respecter mon instinct. » Bartabas.
Le Chinchinero : « C’est un musicien, un véritable homme-orchestre d’Amérique Latine, personnage très populaire qui porte sur son dos une grosse caisse qu’il frappe avec des bâtons imitant des baguettes de batterie. Sur cette grosse caisse sont accrochées deux cymbales actionnées par une corde accrochée à la chaussure du chinchinero. Ce dernier joue tout en exécutant une danse acrobatique. Les chinchineros parcourent les rues accompagnés d’un orgue de Barbarie , instrument à vent actionné par une manivelle. Pendant que l’organiste joue, le chinchinero joue et danse ce que l’organiste interprète : Fox-trot, Valse, Tango et Cueca. Les chichineros vendent fréquemment des petits moulins et autres jouets pour enfants. Il est assez courant de voir un couple de chinchineros traditionnellement composé d’un père et de son fils. L’instrument Chinchin est né dans la région de Valparaiso. Cet instrument a vraisemblablement été inventé par une femme puis s’est propagé dans la zone centrale du Chili, et c’est à Santiago qu’est née l’idée de l’accompagnement à l’orgue de Barbarie. Dans les années 30, l’organiste était aussi accompagné d’autres personnages comme le photographe, l’aiguiseur de couteaux, le porteur de lanterne qui donnait l’heure. A la fin du 19ème siècle, 300 orgues de Barbarie sont arrivés à Valparaiso. Le chinchin s’est alors développé, en même temps que l’idée de l’homme-orchestre. Il est amusant de savoir qu’il y eût de grandes bagarres entre eux pour savoir qui garderait l’argent. Au fur et à mesure, chaque personnage a trouvé son indépendance. Le photographe est resté sur la place, celui qui donnait l’heure a disparu (utilisation de la montre). Seuls, l’aiguiseur de couteaux et l’organiste ont poursuivi leurs pérégrinations à travers les quartiers. Depuis le début des années 60, le chinchinero est réapparu, des groupes se sont formés représentant la culture et les traditions du peuple chilien. »
Michel Grialou
Du 24 août au 9 septembre à AUCH, Dôme de Gascogne.
CIRa Pôle National des Arts du Cirque – Auch
Photos © Agathe Poupeney / PhotoScene.fr