Versailles côté coulisses
Le réalisateur du dernier film d’opéra (Tosca en 2001) nous livre un opus passionnant à plus d’un titre. Nous sommes dans les trois à quatre jours qui virent s’effondrer la monarchie en juillet 1789. Tiré d’un roman de Chantal Thomas, le présent scénario, écrit par le cinéaste et Gilles Taurand, plonge le récit au cœur même de Versailles. Celui-ci nous est conté par la lectrice de Marie Antoinette, un personnage romanesque du nom de Sidonie Laborde. C’est à travers son regard que nous croisons toute cette population versaillaise, confite dans ses privilèges, se moquant et ignorant le vulgaire, cramponnée à une hiérarchie draconienne. Sidonie est fascinée par la Reine, une fascination qui va bien au-delà de l’admiration et dont l’ambiguïté est une arme redoutable pour une souveraine dont le cœur appartient à Gabrielle de Polignac. La prise de la Bastille arrive comme une rumeur dans les couloirs du château. Peu importe, ces gens, qui se pensent immortels, continuent de se préoccuper de broderies… Mais la rumeur enfle, une liste des têtes à couper circule. La panique s’empare des nobles comme des valets. C’est la fuite sous tous les déguisements. Mais avant, Benoît Jacquot nous aura dépeint d’une caméra virtuose un système à l’agonie, gangréné de l’intérieur, incapable de s’autocorriger. Impossible alors de ne pas penser à notre temps, à cette lutte des classes qui souligne une fracture sociale devenue abyssale. Plus que le triangle amoureux tout à fait fictif, c’est la vivisection cauchemardesque d’une classe aux abois qui fait l’intérêt de ce film. D’autant qu’à part Diane Kruger, éblouissante Marie Antoinette, le restant de la distribution est peu convaincant, y compris la jeune Léa Seydoux (Sidonie bien pâlotte) et le ridicule Xavier Beauvois ânonnant son Louis XVI sans aucune conviction.
Robert Pénavayre