Dans la mise en scène et scénographie de David Mc Vicar, pas d’inutile complexité dans les quelques déplacements scéniques, avec ces rangées de bustes qui, dans certaines productions, obligent à tours et contours. Un seul buste, et encore rélégué au fond de scène pour éviter toute entrave. Des décors sobres avec des changements aisés, et des costumes intemporels puisque d’époques diverses, un parti-pris qui se défend. D’aucuns se plaindront de ne pas en avoir pour leur argent d’un point de vue visuel. Au moins, a-t-on évité laideur et vulgarité, ou transposition hasardeuse.
Un spectacle qui se voudrait un brin didactique comme pour mieux guider le spectateur dans les méandres psychologiques du livret, et qu’il puisse mieux apprécier le raffinement musical du traitement imposé par Mozart au drame adapté par Métastase. Un gros effort de mise en valeur des rapports entre les personnages, de leurs affrontements et de leurs combats intérieurs caractérise la production, non dépourvue d’émotion, dans laquelle est évoqué le traditionnel huis-clos de la tragédie française. Par exemple, on se retrouverait presque les yeux embués quand Tito et Sesto tombent dans les bras l’un de l’autre !
Dans la fosse, la formation réduite, avec continuo, clavecin et violoncelle, a fort bien défendu la partition avec une mention particulière pour les bois qui n’ont pas faibli un seul instant sous la direction inspirée de Syrus David, sans frénesie, sans hystérie, sans accélération intempestive devenue si à la mode, sans tempi bousculés. Adieu la cravache. On peut respirer, tant mieux.
Dans un tel contexte, il fallait un Titus. La relative passivité dramatique à laquelle le librettiste condamne l’empereur magnanime apparaît sous le bouillonnement de la musique, comme le résultat d’un harassant combat contre la tentation de la violence gratuite à laquelle tout tyran peut succomber à la première occasion. Woo-Kyung Kim rend tout à fait plausible cette interprétation très tourmentée grâce à son jeu engagé et pourtant sobre, mais aussi grâce à une voix grande, riche, magnifiquement éduquée ! dont le timbre, qui fait penser à un certain Josef Reti, l’éclat, la projection font merveille, à mon goût ! Même dans les récitatifs, et au bilan, on sait qu’ils sont nombreux. De plus une certaine agilité lui permet de négocier avec un rare aplomb la conclusion impétueuse du grand air au deuxième acte. Un TITUS de grande envergure.
Côté distribution, on a envie de décerner un sans faute. Ainsi, l’incarnation tant scénique que vocale des hésitations du personnage de Vitellia est magnifiquement défendue par Tamar Iveri dont la voix éclatante dans tout le registre est sans faille. Aucun souci non plus pour Anne-Catherine Gillet qui prête son timbre lumineux à Servilia. Même remarque pour la mezzo Paula Murrihy dans le rôle d’Annio. Mais la grande surprise vient de Rosine, pardon de Maite Beaumont ! qui a pris à bras le corps, Sesto, dès les premières notes et a maintenu à un très haut niveau, sans faiblesse et sans vibrato, son personnage ardent et passionné. Dans Publio, Andreas Bauer a montré de forts beaux accents qui donnent envie de l’écouter dans un jeudi du Capitole ce 15 mars. Enfin, oublierait-on de louer notre Chœur du Capitole qui, une fois de plus, a été à juste titre très applaudi.
Le public ne pouvait qu’être enthousiaste devant un tel spectacle.
photos : Patrice Nin