Au programme de ce concert du lundi 12 mars, près de deux heures de musique, avec la Douzième Symphonie de Dimitri Chostakovitch puis, la Symphonie n°5 de Gustav Mahler.
On peut aller à un concert motivé, soit par les œuvres, soit par les exécutants, soit par les deux, ce qui est bien évidemment le cas ici !
Sur la Douzième, se replonger dans une chronique précédente puisqu’elle fut donnée à la Halle courant février par l’ONCT sous la baguette de Tugan Sokhiev, et fort bien donnée d’ailleurs.
Avec la Cinquième, Mahler délaisse pour un temps les grandes envolées métaphysiques, les “programmes“, les chœurs et la voix, ainsi que les références à ses propres cycles de lieder, (sauf sous forme de très brèves citations). L’œuvre s’ouvre sur une marche sombrement tragique, dans un climat oppressé et tendu qui se prolonge dans le Sturmisch bewegt, tempêtueux et agité. Suit un étourdissant Scherzo débordant de rengaines canailles et champêtres, de couleurs et de fureur, dont la frénésie vient mourir dans l’Adagietto, meurtrie par les violoncelles, poignardée par les violons et par le chant grave de tout le quatuor.
Une fugue avortée dans son plein développemente et commence l’éclatant Rondo plein de lumière qui termine, dans le chatoiement, cette symphonie placée sous le signe de la mort, mais aussi d’Alma. Alma, sa tout jeune épouse, sa…copiste et critique musicale, son inspiratrice, sa déesse qui lui inspira une passion à l’image de cette partition, sombre mais frangée d’éclairs.
Orchestre du Théâtre Mariinsky de Saint-Pétersbourg, et son Directeur Général et Artistique actuel, Valery Gergiev
C’est l’un des plus anciens ensembles musicaux de Russie. Son histoire remonte au début du XVIIIe siècle avec le développement de la Kapella Cour Instrumental. Au XIXe siècle, c’est le chef d’orchestre Eduard Napravnik qui joue un rôle extrêmement important dans l’émergence de l’Orchestre. Il l’a dirigé pendant plus d’un demi-siècle. L’excellence de l’orchestre a été reconnue à maintes reprises par des musiciens de classe internationale qui l’ont dirigé, comme Berlioz, Wagner, von Bülow, Tchaïkovski, Mahler, Rachmaninov et Nikisch. À l’époque soviétique, la tradition de cet illustre ensemble s’est poursuivie avec des chefs tels que Vladimir Dranishnikov, Ariy Pazovsky, Yevgeny Mravinsky, Konstantin Simeonov et Yuri Temirkanov.
L’orchestre a eu l’honneur d’être le créateur de nombreux opéras et ballets de Tchaïkovski, des opéras de Glinka, Moussorgski et Rimski-Korsakov et des ballets de Chostakovitch, Khatchatourian et Asafiev.
Depuis 1988, l’orchestre est dirigé par Valery Gergiev, musicien de premier ordre et figure marquante dans le monde de la musique. L’arrivée du Maestro Gergiev à sa tête a inauguré une nouvelle ère d’expansion fulgurante du répertoire de l’orchestre, qui comprend aujourd’hui toutes les symphonies de Beethoven, Mahler, Prokofiev et Chostakovitch, sans oublier les Requiem de Mozart, Berlioz, Verdi, Brahms et Tishchenko et divers travaux de compositeurs tels que Stravinsky, Dutilleux, Henze, Shchedrin, Gubaïdulina, Kancheli et Karetnikov. L’orchestre se produit essentiellement en Europe, en Amérique du Nord, au Japon et en Australie.
Valery Gergiev, un chef “énergisant “
En concert, dès les premières mesures, rien ne semble pouvoir arrêter l’élan vital insuflé par ce chef à ses musiciens. A chaque fois, il semble reprendre à son compte les propos d’un certain Winston Churchill : « Je n’ai rien d’autre à offrir que du sang, de la peine, des larmes et de la sueur. » Chacune de ses performances est, d’une manière ou d’une autre à marquer d’une pierre blanche. Ne dit-il pas de son premier professeur, Anatoly Briskin, là-bas en Ossétie : « Plus que sur la manière de bouger les mains, il m’a donné une leçon essentielle sur le chef et son orchestre : un chef doit avoir le feu dans son cœur. Ne te concentre pas uniquement sur les musiciens qui sont aux avant-postes, pense aussi à ceux qui se trouvent aux derniers rangs, il faut que le dernier violon sente que lui aussi il est important pour toi. »
Il vous dira encore : « Ce n’est pas avec les mains, c’est avec les yeux que l’on dirige. Quand je veux qu’une section de l’orchestre joue plus fort ou plus doux, je ne fais aucune indication avec les mains, je regarde tout simplement, et les musiciens comprennent immédiatement. »
Valery Gergiev est Directeur artistique et général du Théâtre Mariinski depuis 1988, « Sa créature, son royaume indispensable, sa possession la plus précieuse. » Il est aussi, chef d’orchestre principal du London Symphony Orchestra, doyen de la Faculté des Arts à l’Université d’État de Saint-Pétersbourg et président du Comité d’organisation du Concours international Tchaïkovski. Il a établi et dirige le Festival Gergiev (Pays-Bas), le festival The Stars of the White Nights et le Festival de Pâques de Moscou.
Au Mariinsky, Gergiev a supervisé l’émergence de pléthore de chanteurs de renommée mondiale. Sous sa direction, le répertoire de l’opéra et du ballet du Théâtre s’est considérablement élargi, incluant désormais un éventail bien plus ouvert d’œuvres allant du XVIIIe aux chefs-d’œuvre classiques du XXe siècle ainsi que des œuvres de compositeurs contemporains.
Gergiev travaille avec le Metropolitan Opera, le Vienna Philharmonic Orchestra, le Rotterdam Philharmonic Orchestra et l’Orchestre de La Scala. Il est aussi à la tête du London Symphonic Orchestra. Il a une attitude très offensive dans la protection des idéaux humanitaires comme l’ouverture de la série de concerts de bienfaisance Beslan, Music for Life et des concerts pour les victimes du tremblement de terre au Japon.
Honneurs et Prix obtenus lui ont été octroyés aussi bien en Russie, qu’en Allemagne, Italie, France, Japon, Pays-Bas et Pologne. En 2010, en Allemagne, Valery Gergiev a remporté le Glashütte Original Music Festival Award qui couronne l’ensemble de l’oeuvre d’un artiste musicien, et en Novembre 2011, en France, le magazine Classica l’a nommé « Artiste de l’année ».
Le label Mariinsky fondé par lui-même en 2009 a déjà publié une quinzaine de disques qui ont tous eu un grand succès auprès du public et des critiques.
Michel Grialou
photo Valery Gergiev : Alexander Shapunov