Tugan Sokhiev, Directeur musical de l’Orchestre National du Capitole, est loin de dédaigner le répertoire lyrique. Il a déjà dirigé de nombreux ouvrages, à Saint-Pétersbourg surtout, mais aussi à Vienne, Paris comme à Toulouse avec La Dame de pique, Iolanta, Eugène Onéguine, Les fiançailles au couvent, et cet été, ce sera Aïda à Orange. Il se tourne vers le répertoire lyrique français et nous propose en version concert, l’opéra le plus connu de Camille Saint-Saëns, Samson et Dalila.
C’est un étrange ouvrage, créé d’abord en Allemagne, dans une version allemande, avant de voir le jour pour la première fois en France, au Théâtre des Arts de Rouen et enfin à Paris en 1892 ! Il aura fallu tout l’entregent et l’immense bonne volonté d’un Franz Liszt, le plus généreux des musiciens d’Europe, pour que cette œuvre voit le jour un certain 2 décembre 1877 à Weimar. Non seulement étrange, elle est aussi particulièrement statique se rapprochant davantage de l’oratorio, sûrement l’idée de départ du compositeur, idée que semble bien appuyer l’importance donnée aux chœurs car ils sont à l’honneur tout au long de l’ouvrage, jouant un rôle de premier plan. Ils sont l’un des motifs du succès de cet opéra qui, à partir de sa création jusqu’aux années 50, a été l’un des chevaux de bataille les plus populaires de l’Opéra de Paris, Palais Garnier.
L’orchestre est puissant et l’instrumentation fait la part belle aux solistes. Les scènes s’enchaînent, reliées par de brèves transitions orchestrales. L’œuvre ne comporte pas de personnages secondaires et s’articule autour du long face-à-face entre Samson et Dalila, deux rôles-titres qui nécessitent deux très grandes voix dans leur registre. Ce seront le ténor canadien Ben Heppner qui figure parmi les meilleurs interprètes de l’opéra français, et la mezzo-soprano russe Olga Borodina qui fit justement ses débuts sur la scène internationale européenne dans ce rôle de Dalila, point de départ réellement de sa magnifique carrière. La courtisane cananéenne saura vaincre la force surhumaine de Samson et l’ensorceleuse faussement amoureuse s’emparer de la chevelure de son héros durant un interlude instrumental fort mouvementé. Le champion est déchu, et vulnérable.
Gageons que les colonnes soutenant le temple de Dagon, dieu des Philistins, vont trembler et se fissurer sous l’étreinte de Samson avant que l’édifice ne s’écroule dans des craquements terrifiants. Le dieu Yahweh aura exaucé le dernier vœu de Samson. Mais prions que la Halle reste bien en place !
Michel Grialou
ONCT – direction Tugan Sokhiev – vendredi 13 mai à 20h – et dimanche 15 à 16h. Halle aux Grains (photo Ben Heppner© Kristin Hoebermann)