La magie russo-toulousaine !
Comme il était attendu ce CD depuis la belle réussite des deux précédents toujours chez Naïve (surtout un Pierre et le Loup d’anthologie paru en 2007) ! L’entente entre Tugan Sokhiev et son Orchestre du Capitole de Toulouse est l’événement musical français majeur depuis lors. Chaque concert est une réussite à Toulouse comme dans toute l’Europe. Le programme de cet enregistrement est tout Russe, il met en valeur et les progrès de l’orchestre en termes de rythme et de précision et le jeu splendide de sa violoniste super-soliste : Geneviève Laurenceau. Le deuxième concerto de Prokofiev est nostalgique et post romantique. Il permet au violon de s’épancher et de pleurer mais aussi de briller de mille feux. Geneviève Laurenceau est admirable de tenue, d’élégance et d’audace. Son interprétation égale celle des plus grands avec une simplicité qui séduit car elle fait oublier sa technique superbe. Aucune recherche de l’effet mais une proximité du texte dans l’esprit russe le plus troublant : La cantilène du deuxième mouvement ! L’orchestre est magique, tout particulièrement dans ce mouvement, léger et profond à la fois. Tous les instruments rivalisent d’engagement dans ce concerto très exigeant pour l’orchestre. Les tempi de Tugan Sokhiev sont frappés par l’évidence. On sent son don si généreux et son écoute exigeante et émue de musiciens qui osent tout à sa demande.
Les Danses symphoniques de Rachmaninov sont le testament du compositeur si profondément mélancolique. Elles ont d’abord été nommées danses fantastiques. Tugan Sokhiev s’en est souvenu qui demande des sonorités corsées et extraverties puis des nuances subtiles et des noirceurs métaphysiques tout en gardant quelque chose du ballet. Le rythme est à la fois précis et élastique dans le premier mouvement. Dès les premières mesures, l’oreille est séduite par cette interprétation qui pourrait bien devenir une référence. La beauté des pupitres est parfaite et on ressent tour à tour de fortes impressions de jubilation et des tremblements inquiets. La hauteur de l’interprétation honore cette partition si représentative des meilleures qualités de Rachmaninov qui sous le brillant de l’orchestrateur laisse percevoir la profondeur de l’âme si sombre du compositeur Russe exilé. Ce triptyque : midi, crépuscule, minuit, parle de la condition humaine marquée par la mort. Narguée et oubliée à midi, dansée de manière un peu grotesque au crépuscule et qui gagne à minuit avec une adaptation du Dies Irae aussi séduisante qu’effrayante (écoutons comment le chef ossète laisse mourir le son tragique final !). Car ce n’est pas la moindre qualité de Tugan Sokhiev que de ne céder jamais sur rien. Brillance, tendresse, audaces dansées, sarcasmes et profondeur mélancolique en sa noirceur la plus terrifiante… Tout ce que cette partition sublime contient se trouve sous sa baguette, tout simplement magistrale ! La Prise de son est particulièrement adaptée avec beaucoup de précision et de profondeur et une très belle image stéréophonique.
Prokofiev : Concerto pour violon n°2. Rachmaninov : Danses Symphoniques.
Tugan Sokhiev-Geneviève Laurenceau-Orchestre National du Capitole de Toulouse.
1 CD Naïve.
Hubert Stoecklin pour utmisol.fr