Le meilleur du piano, la formule pourrait résumer l’esprit dans lequel, chaque année, est conçue l’affiche de Piano aux Jacobins, toujours sous la férule de ses deux artistes fondateurs, Catherine d’Argoubet et Paul-Arnaud Péjouan. Dans l’espace si particulier du Cloître des Jacobins, les signes de l’Histoire et les lumières au couchant du ciel de la Ville rose servent d’écrin merveilleux au Festival de septembre.
Quiconque a entendu un récital de piano en ce lieu privilégié peut mesurer à quel point la rencontre l’est aussi, avec ce miracle architectural qui se mue en miracle acoustique dès que la première note résonne.
Par ses choix artistiques, ce festival a su faire reconnaître depuis 1980 l’ossature cohérente d’un parcours musical fort. Sa notoriété dépasse alors les frontières et il devient très rapidement international. En ce sens, et à double titre, cette présente édition ne faillit pas. Elle reste liée aux convictions audacieuses de la jeunesse alliées au message des grands interprètes de notre temps. Mais aussi, les artistes invités viennent du monde entier offrant des programmes d’une remarquable diversité.
Dans le monde actuel où l’esprit partisan voudrait ternir chaque jour l’horizon des possibles, le Festival veut accepter l’enjeu d’une vive interculturalité, de l’échange entre l’art et les autres. D’où, depuis plusieurs années déjà, l’ouverture vers le jazz et d’un nouveau lieu de concert avec la Cité de l’espace qui accueillera le jeune Thomas Enhco, jazzman activiste ! touche -à -tout “pétri“ de musique.
Mais encore, quelques mots sur ce concept particulier qu’est celui des « tableaux-concerts » dans le cadre du Musée les Abattoirs. Pour la douzième année, quatre soirées à découvrir, avec par exemple, les ondoiements organiques des Dames de nage, travail sur toile de Monique Frydman, qui accompagneront les doigts sur le clavier d’une star de demain, Guillaume Coppola, dont le programme s’attache à établir de subtiles correspondances entre des opus célèbres que l’auditeur retrouve avec plaisir et des partitions plus rares ou des ouvrages contemporains dont on peut, qui sait ? mieux saisir l’essence. Ici, Claude Debussy ne pourra jouer les Mr Croche pour les Takemitsu, Isabel Pires, Gao ping, Berio et Webern associés !
Même recherche, sans intellectualisme aussi artificiel que stérile, pour les trois autres soirées à découvrir dans la brochure.
Il faudra attendre la clôture, le 28, pour retrouver au Cloître, Baptiste Trotignon dans une carte blanche jazz pendant que les pierres auront beaucoup de mal à effacer le souvenir des deux soirées précédentes, toutes imprégnées des sons du piano sous les doigts impérieux d’Elizabeth Leonskaja, l’immense artiste qui vous envoûte tant par ses doigts sur le clavier que par le lumineux de ses yeux myosotis. Que voulez-vous, quand on est sous le charme…De Schubert à Berg, mais d’aucuns vous diraient qu’elle pourrait jouer La Toulousaine, ils seraient là.
Krystian Zimerman se réfugiera à la Halle le vendredi 21. On sait qu’il répètera jusqu’à la dernière minute, et qu’il aura passé lui-même plusieurs heures à accorder son instrument. Le programme est annoncé : Debussy. Espérons, pour le bon déroulement du concert, que tous les trachéeux et allergiques seront restés chez eux pour éviter tout incident. Comme un Michelangeli, ou un Brendel, les toux le rendent…fou !
Evénement, l’Escale-Tournefeuille, nouvelle salle, accueille son premier concert Piano aux Jacobins. C’est le hongrois Karoly Mocsari qui ouvre le bal avec un très beau programme Chopin et Liszt. Les mélomanes tout proches sauront faire honneur à une telle initiative et se presseront nombreux dans leur nouveau lieu.
Avant d’oublier, on se doit de signaler l’artiste plasticien invité pour la réalisation du programme, Ru Xiao-fan, né à Nankin,vivant depuis bientôt trente ans à Paris. Un collector de plus.
En septembre 2011, elle nous avait enchanté au Cloître, remplaçant au pied levé Boris Berezovsky. Dana Ciocarlie est de retour et c’est tant mieux, tandis que, auréolé d’une carrière de plus d’un demi-siècle, le toujours aussi “jeune“ Menahem Pressler sera là pour deux concerts, un récital avec deux sonates de Franz Schubert au Cloître le 13, et un concerto de Mozart à la Halle avec l’ONCT dirigé par son chef Tugan Sokhiev.
Saint-Pierre des Cuisines, un nouveau lieu chargé d’histoire entré dans le giron du festival, et dont les pierres pourront s’imprégner en silence des sons d’un piano soumis au travail talentueux d’Emmanuelle Swiercz, ou Vanessa Wagner, ou Sandro de Palma, trois artistes qui s’investissent dans des programmes peu habituels, et par conséquent ne pouvant que susciter une plus grande curiosité encore.
Nicholas Angelich, grand habitué du festival, arrive avec un monument, Les Variations Goldbergde J.S. Bach, tandis que Anne-Marie Mac Dermott dédie tout son programme à Joseph Haydn, sans oublier de jeunes interprètes se lançant dans la grande aventure d’une carrière internationale comme Alexander Krichel, Georgy Tchaidze, Anastasya Terenkova. On retrouve avec grand plaisir à l’affiche des noms comme Nelson Goerner, ou Philippe Bianconi et on découvre avec la même excitation Henri Barda qui ouvre le Festival avec Ravel et Chopin, ou la pianiste américaine Simone Dinnerstein dans un vaste programme, de Bach à Felsenfeld, ou le dimanche 16, à 16h, dans le cadre des Journées du Patrimoine, le tout jeune Guillaume Vincent, habitué à monter sur l’estrade depuis son plus jeune âge. Dans la Salle Capitulaire, ce sera pour Mozart, Chopin et Rachmaninov. Exceptionnellement, le vendredi 7, un duo formé depuis 1985 avec la pianiste israëlite Yaara Tal et son partenaire allemand Andreas Groethuysen dans un programme fourni très éclectique.
Vous aurez tout loisir de faire une pause dans l’univers du “classique“ en vous rendant au Cloître le vendredi 21, à 20h, pour vibrer au son du piano du jazzman carribéen Grégory Privat, sur des standards mais aussi de ses propres compositions. Ouverture, je vous dis !!!
Du 4 au 28 septembre, touches blanches et noires ne vous quitteront pas, ou plus.
Michel Grialou
Site Internet de Piano aux Jacobins
Visuel Affiche : Xiao Fan
Guillaume Coppola © Philippe Parent
Elizabeth Leonskaja © Jo Schwarz
Menahem Pressler © Lutz Sternstein
Grégory Privat © Sarah Robine