5e édition de Musique au Palais les 23 et 24 novembre
Emmanuelle Sirat, fondatrice de Musique au Palais, ayant décidé de donner une nouvelle orientation à sa vie professionnelle, c’est Serge Krichewsky qui a repris la présidence et la direction artistique du festival dont la 5e édition a lieu au Palais Niel le week-end des 23/24 novembre. Une nouvelle aventure pour cette figure bien connue de la scène musicale classique toulousaine, hautboïste de l’Orchestre National du Capitole depuis près d’un quart de siècle. Partons à la découverte du thème et de la programmation du festival 2019 en compagnie de cet authentique érudit, toujours intarissable lorsqu’il s’agit de parler de musique.
Serge Krichewsky, vous reprenez la direction artistique et la présidence de Musique au Palais dont la 5e édition se tient le week-end des 23/24 novembre au Palais Niel. Qu’est-ce qui vous a amené à vous engager dans ce festival ?
C’est d’abord mon amour pour la musique de chambre, bien sûr, mais c’est aussi le fruit d’un double hasard. Il y a deux ans, j’ai fait la connaissance d’Emmanuelle Sirat, la fondatrice et directrice artistique de Musique au Palais, qui m’a proposé de jouer un concerto pour hautbois avec un ensemble à cordes lors du festival 2018. J’ai accepté sa proposition, et me produire au Palais Niel l’année dernière fut un grand plaisir. Je dois préciser que j’avais été spectateur à l’occasion de l’édition 2017 et que j’y avais découvert le bâtiment et son excellente acoustique pendant un concert de remarquable qualité. J’avais entendu une pièce pour piano interprétée par un musicien amateur de très bon niveau, vraiment impressionnant.
L’année suivante, en expérimentant l’acoustique du grand salon en tant que musicien, j’ai été tout aussi séduit par celle-ci, de même que par l’organisation du festival, l’ambiance, l’accueil chaleureux du public et d’Emmanuelle Sirat. C’est à la suite de mon concert qu’elle m’a appris son départ de Toulouse pour des raisons personnelles, et qu’elle recherchait donc une personne pour reprendre la direction et l’organisation de Musique au Palais. J’ai un peu réfléchi à cette possibilité, pas très longtemps toutefois tant c’était une occasion extraordinaire, entre autres en raison de la beauté du lieu des concerts, ce somptueux Palais Niel.
J’ai alors interrogé quelques amis qui eux aussi ont vite répondu positivement à mon projet de monter une équipe pour reprendre le festival. C’est ainsi que j’ai répondu favorablement à l’offre d’Emmanuelle Sirat et que nous nous sommes lancés dans cette nouvelle aventure. Il faut bien être conscient que la direction artistique d’une manifestation de ce genre est quelque chose de très ponctuel mais que ça demande un travail de longue haleine. On prépare l’édition suivante à peine la précédente terminée, les idées pouvant même germer deux ans à l’avance. Le défi à relever n’est pas mince mais il est très stimulant.
Justement, puisque vous en parlez, la direction artistique d’un tel événement est-elle une première pour vous ?
Oui et non. Il se trouve que dans mes activités de musicien autres que celles de l’Orchestre National du Capitole, j’ai été amené plusieurs fois à prendre la direction artistique d’événements ou d’ensembles musicaux, même s’il ne s’est jamais agi de festivals jusqu’alors. J’ai donc une expérience dans ce domaine sur le plan de la connaissance du répertoire de musique de chambre et de l’organisation d’une programmation dans ce genre musical. J’ai notamment fait partie des fondateurs des Clefs de Saint-Pierre, dont nous fêtons la 20e édition cette saison, et j’en suis encore le vice-président.
D’autre part, j’aime le concept de Musique au Palais, ce mélange entre musiciens professionnels, grands amateurs et élèves de conservatoires que je pratique à travers la direction musicale de l’orchestre Enharmonie, un ensemble que je dirige depuis 2011. Cela m’a permis de connaître d’autres réseaux de musiciens, mon appartenance à l’Orchestre National du Capitole me mettant d’office en lien avec les instrumentistes professionnels toulousains.
Revenons à Musique au Palais, pouvez-vous nous préciser la formule de ce festival et si vous allez la maintenir cette année ?
Comme je l’évoquais précédemment, le concept voulu par Emmanuelle Sirat consiste en la réunion de musiciens de très bon niveau, y compris des amateurs. Ceci implique qu’ils ont une pratique très régulière, qu’ils ont déjà donné plusieurs concerts et qu’ils maîtrisent un répertoire. Lors du festival, ces grands amateurs jouent aux côtés d’élèves de CNSM, en alternance ou avec eux, soit donc avec de jeunes musiciens qui se destinent à une carrière dans la musique. Ils se produisent également parmi des musiciens professionnels ayant déjà un nom et une carrière européenne voire internationale. Ça a été le cas lors des quatre éditions précédentes qui ont accueilli des artistes aussi renommés que le Trio Zadig, Dana Ciocarlie, Clara Cernat et Thierry Huillet, Magali Léger et Gilbert Clamens.
La nouveauté du festival 2019 est que, contrairement à ce que faisait Emmanuelle Sirat en séparant les thèmes des deux journées, nous avons décidé de proposer un thème unique pour le samedi et le dimanche. Ce thème est vaste et très porteur puisqu’il s’agit du romantisme allemand, mouvement qui a généré un répertoire de musique de chambre colossal, voire écrasant. Il a donc fallu faire des choix, parfois douloureux, mais nous avons fait en sorte que notre programmation soit la plus pertinente et la plus représentative possible.
Nous avons donc réparti ce thème sur deux jours en faisant appel à des amis et connaissances, des musiciens ayant des attaches à Toulouse. Cette dimension toulousaine, parmi les musiciens professionnels sollicités, nous est chère. De même, parmi les cinq élèves de CNSM programmés, la plupart sont des anciens étudiants du CRR de Toulouse. Pour eux, on peut parler d’un prolongement et d’une manière de leur mettre le pied à l’étrier dans la ville où ils ont commencé leur formation musicale. Compte tenu de la qualité générale de ce plateau de musiciens, je pense que tout devrait très bien se passer.
Entrons maintenant dans le détail de la programmation : quels sont les œuvres, les compositeurs et les musiciens présentés lors de ce festival 2019 ?
Nous avons préféré ne faire que cinq concerts au lieu de six lors des précédentes éditions. Il n’y en aura que deux le dimanche de manière à commencer un peu plus tard, avoir plus d’espace entre les sessions et mieux gérer celles-ci. En revanche il y a toujours trois concerts le samedi avec, dès 14h, quelques professionnels de l’Orchestre National du Capitole qui vont jouer des pièces classiques et romantiques, parfois en association avec de grands amateurs. Ce sera le cas d’un mouvement du Quintette à cordes en Sol mineur de Mozart. Ils joueront aussi des œuvres de Schubert et Schumann. Lors de ce premier concert, la jeune Angélique Tragin, ancienne élève du CRR de Toulouse aujourd’hui au CNSM de Lyon, jouera une Sonate de Beethoven. Le thème de ce concert d’ouverture est une mise en lumière de la transition entre classicisme et romantisme, des signes avant-coureurs du romantisme chez les compositeurs de la période dite classique.
Le thème du deuxième concert du samedi, à 16h15, peut globalement s’étaler sur la totalité du romantisme allemand, des prémices de 1810/1820 au post-romantisme de 1900, et être relié à tout ce qui est mélodique, même si ce n’est pas chanté. Il existe un champ instrumental romantique qui a été exploré et pratiqué par la plupart des grands compositeurs de la période. L’exemple qui vient immédiatement à l’esprit, ce sont les Mélodies sans paroles de Mendelssohn. Autre exemple avec Schubert qui fait d’une des mélodies qu’il a écrites pour voix et piano un mouvement à variations dans le fameux quintette La Truite. Nous entendrons ces deux œuvres puis les Fantasiestücke pour clarinette et piano de Schumann, pièces qui constituent une sorte d’idéal de la mélodie instrumentale. À cela s’ajoutera une autre grande mélodie, le Notturno de Schubert.
Enfin, en troisième concert du samedi à 18h15, nous proposons un récital de piano donné par Jonas Vitaud. Si le piano est tellement à l’honneur depuis la fondation de ce festival et lors de cette édition 2019 en particulier, c’est qu’il est l’instrument-roi du romantisme et qu’il était inconcevable de faire sans lui, de ne pas lui consacrer un concert entier. Accueillir Jonas Vitaud à Musique au Palais est un grand privilège même si des pianistes brillants et célèbres comme Dana Ciocarlie, Thierry Huillet et François Dumont y ont déjà été reçus. Nous avons construit avec lui un programme de grande qualité. Il a été très à l’écoute, très bienveillant, afin de nous présenter un récital qui devrait être un des clous de cette édition. On y trouve la Sonate Pathétique et les Variations en Fa majeur op. 34 de Beethoven, les Funérailles de Liszt, les Scènes de la forêt de Schumann et les Rhapsodies op.79 n°1 et 2 de Brahms.
Et pour le dimanche, quel est le menu des réjouissances ?
Dimanche, nous commencerons un peu plus tard, à 15h30, avec un programme tout aussi riche. Nous y célébrons de nombreux éléments typiques du romantisme allemand. En premier la dimension féerique que le piano romantique peut apporter par la virtuosité et l’écriture pianistique de compositeurs comme Liszt ou Schumann. Une écriture pour le piano qui exprime de nouvelles nuances poétiques par une technique de l’instrument en plein développement à l’époque, un certain nombre de pièces de ces deux merveilleux musiciens venant l’illustrer tout au long de ce concert.
Autre thème abordé lors de ce premier rendez-vous du dimanche, l’émergence des nations et des nationalismes que l’on retrouve dans l’oeuvre phare de ce programme, le Quatuor avec piano n°1 de Brahms joué par des élèves du CNSM de Paris et dont le dernier mouvement est un magnifique Rondo à la hongroise. Un morceau donnant une dimension « Mitteleuropa » à cette pièce, chère au grand compositeur allemand qui a longtemps vécu à Vienne où il était très proche des milieux hongrois. Ce thème revient d’ailleurs souvent dans sa musique. L’émergence des nationalismes est importante aussi en Allemagne. Si l’on parle aujourd’hui de romantisme allemand, il faut rappeler que l’unité de l’Allemagne, comme celles de l’Italie et d’autres pays européens, était encore en voie de construction à l’époque.
Le dernier aspect très intéressant de ce concert est le contraste entre les formes courtes et les formes longues. Nous présenterons des formats très courts portant néanmoins en chacun d’eux un univers propre, puis donc une forme longue, ce Quatuor avec piano n°1 de Brahms avec ses quatre mouvements représentant les formes classiques : la sonate, le lied, et le fameux rondo de la fin. C’est une œuvre flamboyante qui sera défendue avec brio, j’en suis convaincu, par ce quatuor de jeunes élèves du CNSM de Paris.
Enfin, le concert de clôture, le second du dimanche, devrait être un autre clou de cette 5e édition. Il sera donné par le duo que forment Victoire Bunel (mezzo soprano) et Nino Pavlenichvili (piano), deux Toulousaines d’adoption. Le hasard a réuni dans la ville rose ces deux musiciennes que je connais bien et je leur ai demandé de concevoir un programme de lieder, genre majeur dans le romantisme allemand. Le lied apparaît déjà chez Mozart, bien qu’on l’appelle encore mélodie, et traverse le 19e siècle (Beethoven, Schubert, etc.) jusqu’aux dernières années du romantisme. C’est à lui seul une planète que ces deux musiciennes vont explorer en nous présentant un programme aux nuances très sensibles.
Il est d’abord composé d’extraits du corpus de Schubert et d’une mélodie de Schumann jouée au piano par Nino Pavlenichvili dans un arrangement de Liszt. Ensuite seront chantées des mélodies de Brahms avec Laura Ensminger, altiste de l’Orchestre National du Capitole, qui s’associera à la chanteuse et à la pianiste pour l’occasion, puis quatre mélodies de Mahler dont sera donné le cycle entier des Lieder eines fahrenden Gesellen (Chants d’un compagnon errant), deux des Wesendonck de Wagner et deux mélodies d’Hugo Wolf. Nous aurons donc là encore un large éventail du genre lied, interprété par des musiciennes de très haut niveau.
Nous en avons parlé un peu rapidement, que pense le musicien Serge Krichewsky du Palais Niel et de l’acoustique de la salle où sont donnés les concerts ?
C’est un lieu en tous points exceptionnel, le mot n’est pas trop fort, d’autant plus qu’on n’y entre que très rarement du fait de son statut de bâtiment militaire. Il a été conçu en incluant ce qui était probablement au départ un salon de musique, de taille modeste puisqu’on ne peut y accueillir que 120 personnes, et doté d’une acoustique que je qualifierais de magique. L’architecture du salon et du palais sont aussi très belles et le parc qui l’entoure est magnifique. C’est une sorte d’île dans la ville, un lieu paisible proche du Grand Rond et du Jardin des Plantes, autres paradis de verdure à Toulouse.
Pour terminer, il faut rappeler que ce festival a une dimension caritative importante.
Elle est même essentielle puisque le Palais Niel héberge Entraide Parachutiste et une des antennes de Terre et Fraternité, des associations qui font de leur mieux pour soutenir les soldats gravement blessés ou handicapés et les familles de combattants morts en service. Elles récoltent des fonds pour ce faire et Musique au Palais est un des moyens d’y parvenir. C’est donc un de nos objectifs premiers et nous sommes ravis de pouvoir leur offrir un chèque à l’issue du festival, comme l’a toujours fait Emmanuelle Sirat, afin d’apporter notre part à cette action caritative et humaine. Ça m’amène à revenir au titre de cette édition 2019, Visages du romantisme allemand. Le romantisme a permis l’émergence des émotions, des sensations, de tout ce que l’humain avait de plus intime, de plus profond, de plus personnel, grâce au génie des compositeurs qui se rattachent à ce mouvement artistique. Ceux que nous a offerts l’Allemagne ont été très nombreux à l’enrichir de leur talent et de leur inspiration.
Autre point important, la réservation des places pour les concerts de Musique au Palais. Lors des éditions précédentes, elle était impérative jusque trois jours avant le festival pour pouvoir y accéder. Est-ce toujours le cas ?
Cette année, je peux annoncer qu’il sera possible de réserver par la billetterie en ligne (Festik) jusqu’au samedi 23 novembre à 10h, soit donc jusqu’à la première journée du festival. Il sera également possible d’acheter des places supplémentaires avant le premier concert, pour les concerts suivants. Il y aura enfin une petite billetterie complémentaire sur place, service qui n’existait pas auparavant. Tout a été mis en place pour faciliter l’accès au festival et accueillir tous ceux qui souhaitent y assister. Venez donc nombreux, cette programmation et ces musiciens en valent la peine !
Entretien réalisé par Éric Duprix
Billetterie en ligne de Musique au Palais
Réservations par téléphone ou par mail
Musique au Palais